Nom : Doctor Strange in the multiverse of madness Père : Sam Raimi Date de naissance : 2021 Majorité : 04 mai 2022 Type : sortie en salles Nationalité : USA Taille : 2h06 / Poids : NC Genre : Super-héros
Signes particuliers : Sam Raimi a su imposer sa patte chez Marvel !
Synopsis : Dans ce nouveau film Marvel Studios, l’univers cinématographique Marvel déverrouille et repousse les limites du multivers encore plus loin. Voyagez dans l’inconnu avec Doctor Strange, qui avec l’aide d’anciens et de nouveaux alliés mystiques, traverse les réalités hallucinantes et dangereuses du multivers pour affronter un nouvel adversaire mystérieux.
MARVEL S’ESSAIE A L’HORREUR ?
NOTRE AVIS SUR DOCTOR STRANGE 2
Le Retour du Roi. Non, on ne parle pas du Seigneur des Anneaux mais bel et bien de super-héros. Quand on évoque les films de super-héros préférés du public, une rengaine revient très très souvent : « Rien ne vaut les Spider-Man de Sam Raimi », souvent posés en références intouchables du genre. Et justement, c’est lui qui revient aujourd’hui à ce genre qu’il a sublimé à ses débuts (époque moderne du moins) avant de le quitter. 15 ans après son ultime Spider-Man 3, l’iconique paternel d’Evil Dead fait son grand retour… chez Marvel. Avec de nombreuses interrogations à la clé. Propulsé aux commandes de Doctor Strange in the multiverse of madness (bon Doctor Strange 2 hein), Sam Raimi allait-il avoir la liberté suffisante pour imposer son univers dans l’univers formaté marvellien ? Il y a peu, on aurait dit non. Mais depuis quelques temps (surtout depuis la Phase IV du MCU), on a l’impression que Marvel commence à lâcher du lest aux cinéastes créatifs embauchés. On l’a vu avec Chloé Zhao sur Les Eternels (très différents des Marvel classiques d’avant), on l’a vu dans une moindre sur Shang-Shi (fortement inspiré par l’imagerie des films chinois et hongkongais de Tsui Hark ou Shing Siu-tung) et on le revoit vraiment sur ce nouveau Doctor Strange, l’un des Marvel les plus étonnants jamais faits au sein du MCU.
Durant des lustres, on a souvent reproché aux productions Marvel d’être trop souvent des photocopies couleurs de film en film, avec un moule fondateur et des ajustements faits dedans. Doctor Strange in the Multiverse of Madness est… inattendu. Tellement inattendu que l’on se demande encore comment Kevin Feige, le puissant manitou de la firme, a pu laisser tant de liberté à Sam Raimi pour pondre un film à certains égards, radicalement différent de la philosophie ancestrale du studio. Jusqu’ici, Marvel était synonyme de gros divertissements familiaux bien lissés. Le familial a toujours été la pierre angulaire du monde Marvel. Doctor Strange 2 est certes un blockbuster de super-héros, mais un blockbuster de super-héros qui n’hésite pas à flirter allègrement avec… l’horreur ! Oui, Sam Raimi a toujours été catalogué comme un cinéaste de genre (même s’il a su prouver qu’il pouvait faire autre chose) mais sa patte transpire des angles de ce DS2 considérablement plus violent, graphique et sanglant que toutes les précédentes productions Marvel réunies. A se demander comment le film a pu échapper à toute classification. A se demander comment les parents vont pouvoir y amener leurs jeunes enfants sans en payer les dégâts derrière avec des cauchemars à la clé. Corps qui se décomposent, chairs lacérées, monstres, zombies, sang, super-héros découpés en morceaux, fantômes, démons, âmes torturées… Doctor Strange 2 n’est pas un film gore en soi, mais son imagerie d’épouvante est surprenante et tranche d’avec le reste de l’univers marvellien par sa violence formelle. Et Sam Raimi, fier et content de lui (et nous avec) de s’amuser à glisser des références immanquables à certains de ses savoureux méfaits, Evil Dead 2 en tête, Darkman ensuite, ou encore Jusqu’en Enfer.
Et le film dans tout ça ? C’est le deuxième effet Kiss Kool comme dirait la pub. Non seulement Doctor Strange 2 est un peu différent (et ça fait du bien) mais en plus, il affiche de belles promesses. Oui, c’est un peu foutraque par moments, façon foire à la saucisse digitale quand les SFX exultent comme un feu d’artifice en overdose de Red Bull. Oui, ça reste assez nébuleux dans le récit, surtout qu’en mettant vraiment les pieds dans les possibilités du multiverse, la cohérence de tout ça risque de devenir incontrôlable un jour ou l’autre. Mais une chose que Sam Raimi a su reprendre de ses Spider-Man, c’est sa profonde conviction quant à l’importance des enjeux humains et le fait qu’une scène émotionnelle peut avoir bien plus d’impact qu’une scène d’action hystérique. On avait déjà loué la qualité des enjeux humains dans Les Éternels qui faisait un effort d’écriture sur ce point spécifique. Doctor Strange 2 va encore plus loin. Tout le film repose sur un terrible et tragique enjeu humain soulevé sur les cendres encore chaudes de la série WandaVision. Au fond, toute la rocambolesque et trépidante aventure que va vivre notre Docteur Mystique et ses acolytes (notamment la nouvelle arrivante America Chavez) est entièrement érigée sur un drame déchirant, celui d’une mère éplorée qui ne désire qu’une chose, retrouver ses enfants. A ce titre, l’arc narratif de Wanda Maximoff est l’un des plus poignants jamais imaginés chez Marvel, offrant au film un côté drame maternel profondément amer et empathique. Incarnée avec une énorme puissance émotionnelle par une Elizabeth Olsen qui domine de la tête et des épaules la distribution par son jeu venu des tripes, elle est l’immense atout du film, lui apportant intensité, profondeur tragique et intelligence (notamment dans un final que l’on ne dévoilera pas mais qui est plus que malin et adoubant encore un peu plus la vision de Raimi sur le pouvoir des scènes « humaines »).
Un scénario qui se tient, une durée acceptable (2h06 – purée que ça fait du bien), un peu plus d’audace dans le sillage d’un cinéaste plus libre, des effets spéciaux corrects (bien qu’inégaux), restait à assurer le spectacle pour qu’on soit bon. De ce côté là, Sam Raimi orchestre une aventure efficace et sans temps morts, traversés d’idées et de très nombreux caméos réjouissants ouvrant d’énièmes fenêtres pour la suite du MCU. Côté « idées », on soulignera justement (et encore) l’énorme apport du cinéaste qui manifestement en avait douze à la minute, donnant lieu à des séquences complètement barrées (l’envol dans le multiverse ou la folle et déjantée bataille de notes de musique).
En définitive, le film a certes ses travers, il est parfois un peu indigeste et/ou décousu comme bien des films de super-héros qui veulent de la « générosité spectaculaire » à tous les étages, il reste assez calibré au-delà de ses écarts artistiques, il tente de bien remplir les cases requises et l’exploration des possibilités du multivers n’y est que débutante. Mais on saluera quand même la prise de risque de Marvel (le film en serait presque plus violent que l’autre fadasserie qu’est Morbius) et la bonne tenue générale d’un blockbuster plutôt fun et ludique. Et surtout bizarre. Car oui, Doctor Strange 2 dérape parfois dans une amusante bizarrerie salvatrice (à la Loki) qui lui donne encore un peu plus de personnalité au milieu de sa cacophonie de blockbuster bruyant. L’ensemble a beau être inégal, la somme de ses qualités l’emporte et en fait un opus réussi à défaut d’être l’un des meilleurs.