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AVATAR : DE FEU ET DE CENDRES de James Cameron : la critique du film

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Nom : Avatar: Fire and Ash
Père : James Cameron
Date de naissance : 17 décembre 2025
Type : sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 3h17 / Poids : 400 M$
Genre : Science-fiction, Aventure, Action

Livret de Famille : Sam WorthingtonZoe SaldanaSigourney Weaver, Kate Winslet, Stephen Lang, Oona Chaplin, Jack Champion, Cliff Curtis…

Signes particuliers : Visuellement époustouflant, narrativement trop redondant.

Synopsis : Le troisième volet de la saga « Avatar ».

RETOUR SUR PANDORA

NOTRE AVIS SUR AVATAR : DE FEU ET DE CENDRES

Comme le disait un grand philosophe du XXème siècle, « Et ça continue encore et encore, c’est que le début d’accord, d’accord ». Il avait raison le Francis Cabrel dans sa cabane au fond du jardin. Avatar, ça continue encore quinze ans après. Et c’est que le début d’accord puisque James Cameron envisage toujours un 4ème et un 5ème opus d’ici à l’horizon 2030. Vision que l’on tempérerait bien volontiers car il faudra voir l’ampleur (ou non) du succès de ce troisième volet que l’on pressent moindre que les deux milliards atteints par ses deux aînés (on met une bille là-dessus). Et si une baisse comptable au box office remettait certaines choses en question pour la suite, à plus forte raison sur une saga budgétairement très gourmande ? Affaire à suivre.

Pour un petit rappel mémoire, on en était resté au terme d’une nouvelle bataille épique sur Pandora entre les terriers envahisseurs du colonel Quaritch et les Na’vis de Jake Sully et Neytiri. Une bataille dans laquelle le couple avait perdu l’un de leurs fils, plongeant Neytiri dans une haine incommensurable envers les humains.

Acte trois, on prend les mêmes et on recommence. Le colonel Quaritch revient (encore), Jake Sully, Neytiri et leur famille vont de nouveau être traqués (encore), on va explorer une nouvelle facette de la vaste Pandora (encore) et la guerre entre terriens et Na’vis va s’intensifier (encore). Ah, et sinon James Cameron va filmer généreusement la faune et la flore de sa planète imaginaire (encore), c’est très long (encore), en 3D (encore) et ça entend repousser les limites technologiques actuelles (encore).

Tout cela fait beaucoup de « encore » et c’est bien le problème. Plus que jamais, avec Avatar 3, on a l’impression d’être coincé dans une boucle temporelle à la Un jour sans fin. Sauf que cette fois, James Cameron twiste encore un peu plus le truc en doublant la boucle dans la boucle ! Avatar : De Feu et de Cendres n’est pas qu’une redite du premier et du deuxième, c’est aussi une redite interne à lui-même. Jusqu’à présent, on a suivi le papa de Terminator les yeux fermés dans son univers rejouant Pocahontas dans un monde majestueusement bio-organique. Et là où certains pointaient du doigt un scénario trop simpliste et trop commun, on répliquait qu’un scénario ce n’est pas qu’une trame narrative (effectivement simple ici) mais aussi tout l’imaginaire construit autour. Et à ce petit jeu là, celui d’Avatar est fantastique et fascinant. Mais là… Force est d’admettre qu’il ne nous simplifie pas la tâche le James. A force de vouloir étirer son univers au maximum, Cameron coince sur un os qui s’appelle l’écriture. Vouloir multiplier les films Avatar comme des Star Wars, c’est bien. Mais encore faut-il avoir quelque chose à raconter dedans, et c’est tout le problème de ce troisième volet de la saga. Accessoirement, le premier à décevoir.

Clairement, James Cameron n’a plus trop de jus dans le stylo. Heureusement qu’il en a encore dans la caméra, ça sauve les meubles. En terme d’écriture, Avatar : De Feu et de Cendres est d’une paresse assez embêtante. Ce n’est franchement pas aujourd’hui que le cinéaste va se réconcilier avec les détracteurs d’Avatar qui ont pu tirer à boulets rouges par le passé sur la valeur intrinsèque du scénario. Et soyons honnêtes, même ceux qui avaient été encore tolérants sur le second (comme nous) risquent de s’offusquer de ce troisième acte qui manque concrètement d’idées narratives, en plus de céder à des facilités béantes (meilleur exemple : la gestion du jeune Spider, l’humain adopté par les Na’vis, pour lequel le récit réserve des surprises aux allures de ficelles plus que grossières et expéditives). L’univers est toujours là, et Cameron l’enrichit encore davantage en faisant travailler son imaginaire. De nouvelles créatures magnifiques, de nouveaux décors sublimes, de nouvelles tribus de Na’vis très différentes… On sent que James Cameron n’a pas fini d’explorer sa Pandora d’amour, et l’on est ravi de poursuivre le voyage avec lui sur cette planète aux mille et unes merveilles et terreurs. L’ennui, c’est que le décorum ne fait pas tout. Oui, Pandora c’est beau. Ok, c’est bien. Et sinon, il s’y passe quoi cette fois ? Bah en somme, la même chose que précédemment. Et en boucle sur 3h15 en plus. Avatar : De Feu et de Cendres souffre de la pauvreté de ce qu’il a à raconter, ou plutôt de ce qu’il n’a pas à raconter en l’occurrence. Le colonel Quaritch qui traque Jake Sully et le jeune humain Spider (son fils pour rappel), qui les attrape, les reperd, les re-attrape, les reperd, les… Bref, vous avez compris l’idée ? Avatar : De Feu et de Cendres tourne en rond sur lui-même, en plus de tourner en rond dans la saga en général en répétant trop de choses déjà vues avant. Et à l’arrivée, ça nous donne une épopée un brin fastidieuse, du genre où l’on sent que trop bien les trois heures quinze. D’autant plus quand on sait où tout cela nous mène, en clair une nouvelle énorme bataille épique peu ou proue identique à celle du second acte.

Au sortir du deux, on s’était demandé comment James Cameron pouvait encore faire vivre sa saga sur le long terme et en relancer l’intérêt et l’attractivité. Pour ce troisième acte, le salut ne pouvait passer que par le courage d’écriture. Malheureusement, si l’on sait Cameron très entreprenant techniquement, les connaisseurs savent aussi pertinemment qu’il l’est beaucoup moins côté narration et que la prise de risque n’a jamais été sa came. Consumée par la rage et la colère, Neytiri (Zoé Saldana) incarnait le personnage idoine pour réinventer la saga. La faire basculer de l’autre côté, dévorée par sa haine de mère endeuillée était une piste intéressante. Elle qui subissait la xénophobie humaine aurait pu devenir aussi effrayante que ses agresseurs. On imaginait un processus de renversement à la Star Wars justement, où l’héroïne deviendrait la méchante incontrôlable, aveuglée par la haine après le deuil. Mais une telle trajectoire impliquait de convoquer une profonde noirceur dans le récit, pour transformer la beauté en tragédie. Or, quand on y repense, la noirceur n’a jamais une caractéristique du cinéma de James Cameron. Il était utopique de rêver à une telle direction que le cinéaste ne prendrait clairement pas, surtout sur une franchise aux enjeux se chiffrant en milliards. Il ne le fait d’ailleurs pas et se prive de toutes ses possibilités pour avoir enfin de nouvelles choses à raconter, préférant se contenter de radoter du déjà-vu sur ses deux films précédents. Et dire que deux autres sont censés suivre…

Le tableau dépeint semble plus noir que le film. Mais ce serait exagéré de résumer cet Avatar 3 seulement à ses carences narratives criantes. Oui, ce troisième acte est clairement le plus faible et le plus poussif scénaristiquement parlant… Mais curieux paradoxe, c’est aussi le plus dingue et le plus virtuose de la trilogie (à date) sur le plan esthétique et formel. Dès la première scène, James Cameron donne le la. Deux Na’vis sur leurs Ikrans (les sortes de dragons volants chevauchés par les autochtones) qui s’adonnent à une course dans les airs. Une séquence introductive anecdotique en terme de narration mais emblématique de ce à quoi l’on va assister durant 3 heures. Fonds verts et technologies numériques superbes, filmage en 48 images plus maîtrisé que jamais, plans complètement fous allant de la vue subjective à la caméra embarquée, montage dynamique, 3D de pointe et effet d’immersion saisissant… On sent qu’Avatar : De Feu et de Cendres est prêt à franchir un cap technologico-artistique comme l’ont fait Avatar 1 (avec sa 3D révolutionnaire) ou Avatar 2 (avec ses scènes sous-marines hallucinantes) avant lui. S’il y a bien une chose que Cameron maîtrise comme personne, c’est la créativité technique et le maître se surpasse encore en cherchant à repousser les limites. D’abord, parce qu’il donne la sensation folle d’abolir le mur séparant le cinéma et de la réalité. Le ratio du 48 images / seconde a souvent eu un effet pervers, payant son ultra-réalisme lui conférant un côté trop numérico-artificiel (on pense au Hobbit de Peter Jackson). James Cameron semble avoir totalement apprivoisé la technique. L’image d’Avatar : De Feu et de Cendres est d’un réalisme saisissant… sans jamais donner ce sentiment de « sonner faux ». Et la mise en scène du cinéaste ne va faire que le sublimer tant elle est une nouvelle fois inspirée.

Alors oui, Avatar : De Feu et de Cendres est faible dans l’écriture… mais quelle put*** de claque visuelle ! Certains répondront que ça a toujours été ça Avatar, des films certes beaux mais peu passionnants. On en revient au fait que les détracteurs de la saga n’aimeront sans doute pas ce nouveau volet s’ils ont été insensibles aux précédents, car on est dans une totale continuité artistique. Le film paraîtra une nouvelle fois poussif côté conte alors que son arc général et sa construction sont à 100% calqués sur les deux autres, mais rien que pour ce qu’il propose visuellement, l’expérience en vaudrait presque la peine. Car Avatar 3 donne l’impression d’avoir atteint les limites maximales du cinéma et de ses possibilités techniques à l’heure actuelle. Rien que ça, c’est en soi assez prodigieux. Autour d’un récit à intensité aléatoire (conséquence de trop l’étirer jusqu’à la cassure), James Cameron aligne en rang d’oignon des plans tous plus fabuleux les uns que les autres. Dans les airs, sur la terre, sous l’eau, dans les forêts majestueuses, dans les contrées désertiques du mystérieux peuple du feu, dans les constructions des humains envahisseurs, Cameron multiplie les images qui restent et resteront sans doute en mémoire. Comme ces chevauchées vertigineuses à dos d’ikran, comme ces marchands volants qui voyagent de village en village pour commercer (magnifique), comme ce bestiaire marins encore enrichis (notamment avec des sortes de calamars énervés), comme cette méchante aussi sexy que flippante (exceptionnelle Oona Chaplin)…

Dans ce florilège, on trouve les quelques rares nouveautés au menu de ce long troisième volet. Grâce à elles et à la virtuosité intacte de Cameron, on ne s’ennuie pas trop (mais un peu quand même) devant cet Avatar : De Feu et de Cendres… du moins à condition d’apprécier l’univers général et les films passés, auquel cas le temps paraîtra bien long. À plus forte raison tant l’ensemble trop usé et redondant manque cruellement d’émotions. Une conséquence d’une écriture (encore elle !) tellement préoccupée par le huilage de son assemblage qu’elle en oublie de creuser ce qu’elle raconte. Plus que jamais, l’écriture semble au service du visuel et non l’inverse. Un vrai péché trahissant une règle fondamentale du cinéma. La douleur de l’endeuillée Neytiri est sous-exploitée, le personnage du héros Jake Sully  a perdu de son intérêt (au point de devenir presque secondaire), leurs enfants ont l’air de n’être que des outils de scénario pour faire progresser l’intrigue quand c’est nécessaire, le jeune humain Spider (toujours aussi mal incarné par Jack Champion) est ballotté à droite à gauche au gré de plâtres narratifs, la méchante Na’vi Varang -pourtant si charismatique à l’image- n’a droit qu’à un personnage binaire résumé à une simple folle sauvage sans background, et enfin l’increvable colonel Quaritch fait son colonel alors que son arc personnel est à bout de souffle depuis longtemps.

En résumé, Avatar : De Feu et de Cendres est bel et bien le spectacle le plus gargantuesque à voir au cinéma en cette fin d’année. Visuellement, c’est indéniablement ce que l’on a vu de plus fastueux et fabuleux en 2025. Mais c’est aussi celui qui marque clairement l’essoufflement de l’univers. A avoir eu la folie des grandeurs dans sa vision imaginant trop de chapitres, James Cameron a fini par dilué la force de son œuvre qui tire déjà la langue. Une trilogie aurait sans doute suffi et cet épisode aurait pu être un épilogue plus consistant s’il venait conclure au lieu de n’être qu’une « histoire d’Avatar » supplémentaire, coincée dans un grand tout passé et à venir.

 

Par Nicolas Rieux

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