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ANIMALE d’Emma Benestan : la critique du film

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Nom : Animale
Mère : Emma Benestan
Date de naissance : 27 novembre 2024
Type : sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h40 / Poids : NC
Genre : Drame, Fantastique

Livret de Famille : Oulaya Amamra, Damien Rebattel, Elies-Morgan Admi-Bensellam

Signes particuliers : Une très bonne surprise.

Synopsis : Nejma s’entraine dur pour réaliser son rêve et remporter la prochaine course camarguaise, un concours où l’on défie les taureaux dans l’arène. Mais alors que la saison bat son plein, des disparitions suspectes inquiètent les habitants. Très vite la rumeur se propage : une bête sauvage rôde…

 

TERREUR TAURINE DANS LA SUBLIME CAMARGUE

NOTRE AVIS SUR ANIMALE

Emma Benestan est une femme du Sud et son Sud l’inspire. Après s’être baignée dans la culture sétoise avec Fragile, c’est dans la Camargue taurine que la jeune cinéaste a posé ses caméras pour Animale, un second long-métrage de genre aux allurtes d’allégorie tendant les bras pour donner la main gauche au portrait de femme au milieu d’un monde masculin fascinant, et la main droite à la fable surnaturelle.

Nejma travaille dans une manade camarguaise. Parce qu’elle est la seule femme dans un milieu d’hommes, elle se doit de travailler dur pour prouver qu’elle mérite sa place. Alors qu’elle se prépare pour débuter dans les courses camarguaises (ce sport -non sans danger- en arènes où les courageux participants doivent attraper des attributs accrochés aux cornes d’un taureau), une série de disparitions inquiètent la région. Il semblerait qu’une bête rôde et la saison estivale pourrait en pâtir…

C’est dans un univers fort qu’Emma Benestan nous embarque avec Animale, plongée passionnante dans un milieu méconnu du grand public, peuplé de taureaux, de chevaux blancs, de manadiers, de gardians, de courses camarguaises, de raseteurs et de fêtes au rythme des chansons des Ricoune. Elle-même fascinée par son sujet, la cinéaste iconise son univers et ses protagonistes avec des images d’une incroyable puissance. Emma Benestan sublime la force des décors camarguais à travers une mise en scène qui donne à voir un véritable spectacle naturel à base de paysages sauvages, de couchers de soleil, de cavaliers et de taureaux fiers et vigoureux. Ainsi, l’entame du film hypnotise et l’on est comme suspendu à la beauté des images qui défilent, magistralement incarnées par la réalisation hyper stylisée et léchée d’Emma Benestan et la bande originale de Yan Wagner. Plus le film progresse et plus on est happé dans la culture de cet univers qui se veut viril, en prise étroite avec la nature et les animaux qui l’animent, un univers riche en coutumes et en symboles, un univers fait de soleil qui tape, de dur labeur, de douleurs et de poussière. Et puis, sur la foi de cette fenêtre ouverte sur un monde dans le monde, Emma Benestan va déployer son histoire. Un récit qui va passer de la chronique westernienne au film fantastique en glissant par le drame féministe ou le body horror.

Animale, ou quand La Féline rencontre Le Loup-Garou de Londres sur fond de… Mylène Farmer. Ca peut paraître incongru dit comme ça mais tout ce que montre et dit le film est présent dans le clip de Sans Logique, du fond à l’esthétique. Néanmoins à défaut d’être fondamentalement inventif, Animale reste une curiosité, un pari audacieux qu’auraient pu aimer les frères Boukherma de l’époque de Teddy (ou L’Année du Requin dans une moindre mesure) par exemple, cette tentative de faire naître du fantastique viscéral au milieu du portrait réaliste d’un microcosme singulier traité sur le monde de la chronique hors du temps. Et à y être dans les références ou les inspirations plus mineures, on pense aussi de loin au récent Le Règne Animal de Thomas Cailley pour l’imaginaire fantastique ou à l’intro d’As Bestas pour la manière de filmer le travail des aloitadores (sorte de dresseurs de chevaux).

Si le film se laisse parfois avoir par excès de didactisme naïf, comme quand il appuie un poil trop certains plans au risque de désarmer et éventer certains mystères entretenus ou certaines idées rapportées peu utiles (le coup de l’ami gay pour illustrer le machisme ambiant et se défendre de tout male gaze), le film d’Emma Benestan n’en demeure pas moins une œuvre surprenante, passionnante et enragée, qui forge son caractère dans un féminisme affirmé (mais pas lourdingue) conduisant notamment à l’une des scènes finales parmi les plus fortes que l’on ait pu voir cette année au cinéma. Formellement splendide, puissamment interprété par l’impressionnante Oulaya Amamra (Divines, Fumer fait Tousser) et d’une grande cohérence entre ce qu’il raconte et la manière dont il le raconte de manière allégorique (on ne peut pas trop s’étendre pour préserver le suspens), Animale est un film captivant, presque vampirisant même, qui laisse derrière lui des images de cinéma marquantes. Et ce même s’il n’est pas totalement abouti, notamment dans sa manière un peu timide de mettre en scène ses passages les plus intenses et « horrifiques ».

 

 

Par Nicolas Rieux

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