Carte d’identité :
Nom : Abou Leila
Père : Amin Sidi-Boumedine
Date de naissance : 2020
Majorité : 15 juillet 2020
Type : Sortie en salles
Nationalité : Algérie
Taille : 2h15 / Poids : NC
Genre : Thriller, Drame
Livret de famille : Slimane Benouari, Lyes Salem, Meriem Medjkane…
Signes particuliers : L’acte de naissance d’un cinéaste talentueux.
UNE VISION DES TRAUMAS DE L’ALGÉRIE
NOTRE AVIS SUR ABOU LEILA
Synopsis : Algérie, 1994. S. et Lotfi, deux amis d’enfance, traversent le désert à la recherche d’Abou Leila, un dangereux criminel. La quête semble absurde dans l’immensité du Sahara. Mais S., dont la santé mentale est vacillante, est convaincu d’y trouver Abou Leila. Lotfi, lui, n’a qu’une idée en tête : éloigner S. de la capitale. C’est en s’enfonçant dans le désert qu’ils vont se confronter à leur propre violence.
Même s’il n’avait rien gagné au final dans une sélection de haut niveau, Abou Leila avait fait forte impression à la Semaine de la Critique du dernier festival de Cannes. Premier long-métrage du metteur en scène algérien Amin Sidi-Boumedine, Abou Leila nous envoie dans l’Algérie troublée de 1994. Un avocat sort de chez lui, monte dans sa voiture et se fait cribler de balles par un homme qui guettait patiemment devant chez lui. Quelques mois plus tard, deux amis d’enfance, Lotfi et S. s’enfoncent dans le désert à la recherche d’Abou Leila, un terroriste dont S. pense avoir retrouvé la trace. L’assassin du début ? Qui est S. ? Quel est son rapport à cet homme dont la traque semble vitale ? Pourquoi semble t-il si instable et fragile psychologiquement ? Et qui est vraiment son ami Lotfi ?
Très vite, Abou Leila pose beaucoup de questions. Il en pose plus vite qu’il n’y répond d’ailleurs. Amin Sidi-Boumedine signe un thriller psychologique et politique très porté sur le métaphorique, un début d’explication à son amoncellement de mystères. En cela, Abou Leila aura été l’un des films les plus étranges de la Semaine de la Critique 2019. Le film garde volontairement pour lui certaines informations clés de l’histoire, rendant la plongée aussi énigmatique que fascinante, soumise constamment à ces questions que l’on se pose, à l’attente d’avoir des réponses, avec le risque de ne pas toutes les avoir au final. Mais le pari est quand même accompli car de cette avarice narrative qui réussit à ne jamais être vraiment frustrante, Abou Leila tire un pouvoir de fascination perché entre le saisissement et une forme de langueur qui pourrait dériver vers l’ennui si l’on n’était pas aussi happé par la folie de cette traque, par la rugosité de sa violence, par l’ambivalence de ses protagonistes et par la beauté des images de ce désert somptueux aux allures de prison mentale à ciel ouvert.
Car c’est de cela dont il est question au fond, d’une représentation terrible de l’Algérie des années 90, sorte d’asile à ciel ouvert où la folie était partout, enfermée dans ces frontières où la guerre civile faisait rage. Le propos qui se dessine en filigrane au fil des longues 2h20 du film, trouve sa pleine expansion dans la dernière partie où les personnages se perdent dans le désert… autant que le film commence à se perdre lui-même en métaphores un peu lourdement imagées, expliquant que l’Algérie était alors un beau bordel où il était difficile de ne pas devenir fou. Un pays magnifique mais sali par la violence qui animait son quotidien et qui rendait littéralement dingues ses habitants. Et aujourd’hui, on sent que le traumatisme de ces années sombres n’a pas encore été digéré, qu’il hante encore les algériens et son cinéma. Cette dernière partie est la plus ambitieuse de ce thriller dramatique suffocant, mais pas forcément la plus maîtrisée malheureusement, Sidi-Boumedine lâchant un peu le fil à force de tourner en circonvolutions chargées en symbolismes. Mais c’est aussi celle où Abou Leila laisse exploser son principe d’existence. Réalité et délire s’y rejoignent après avoir longuement coexistés et l’on y sombre comme les personnages, comme le film. Abou Leila est-il une chimère née de la folie et de la fièvre du désert ? Cette traque a t-elle vraiment lieu ? Lofti et S. existent t-ils ? Tout se mélange et l’on demeure envoûté…
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux