Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : This is the End
Père : Seth Rogen et Evan Goldberg
Livret de famille : James Franco, Jonah Hill, Jason Segel, Danny McBride, Michael Cera, Jay Baruchel, Paul Rudd, Christopher Mintz-Plasse, Craig Robinson, Emma Watson, Channing Tatum, Rihanna… (eux-mêmes)
Date de naissance : 2013
Majorité : 09/10/13 (en salles) / 19 février 2014 (en vidéo)
Nationalité : USA
Taille : 1h47
Poids : 32 millions $
Signes particuliers (+) : Une grosse marrade complètement déjantée où l’humour autoparodique se joint au potache et aux blagues référentielles dans un délire second voire troisième degré multipliant les instants cultes joués par un casting de folie.
Signes particuliers (-) : Sur la longueur (excessive), C’est la Fin épuise un peu par sa lourdeur redondante et son sens du rythme général et des gags en eux-mêmes pas toujours maîtrisé, alors que l’écriture est à la fois sa force et sa faiblesse.
UNE BONNE GROSSE BLAGUE CINÉMATOGRAPHIQUE
Résumé : James Franco organise une grosse soirée chez lui avec tous ses amis quand l’apocalypse se déclenche…
Attention, Seth Rogen récidive pour notre plus grand plaisir ! Cet artiste multi-talent s’est imposé depuis une dizaine d’années comme une figure incontournable de la scène comique américaine, cumulant les fonctions du petit au grand écran, acteur (Funny People, SuperGrave, The Green Hornet, Pineapple Express), producteur (pour Apatow par exemple, sur 40 ans, toujours puceau ou En Cloque, Mode d’Emploi), scénariste (SuperGrave, Green Hornet, Voisin du Troisième Type) mais aussi à la télévision (le Saturday Night Live, 1, Rue Sésame ou le Ali G Show) ou encore sur les planches du stand-up. Et parce que Rogen est un fidèle, un façonné à l’école Apatow qui cultive le concept de « bande », il aime à régulièrement retrouver ses amis proches du métier qui gravitent constamment dans son entourage. C’est la Fin est presque l’aboutissement absolu de cet esprit du travail entre amis. Pour ses premiers pas en tant que réalisateur, nouvelle corde qu’il ajoute à son arc, il s’associe à un compagnon de longue route, Evan Goldberg, qui lui aussi saute le pas pour la première fois. Ils ont déjà travaillé ensemble à l’écriture et à la production sur SuperGrave, The Pineapple Express, The Green Hornet ou Voisins du Troisième Type. Devant leur caméra, c’est bien simple, ce sont tous les potes qui viennent jouer leur propre rôle dans une délirante farce horrifico-SF, que ce soit en co-vedettes, guests ou dans des caméos. James Franco, Jonah Hill, Jason Segel, Danny McBride, Michael Cera, Jay Baruchel, Paul Rudd, Christopher Mintz-Plasse, Craig Robinson… En somme, une bonne partie des distributions de Pineapple Express ou de SuperGrave, auxquels s’ajoutent Emma Watson, Channing Tatum ou encore Rihanna.
L’idée de C’est la Fin ressemble à s’y méprendre à une grosse blague de fin de soirée comateusement éthylique lancée par des esprits enfumés aux vapeurs de cannabis. Une grosse soirée organisée chez l’acteur James Franco, tout plein d’acteurs amis qui y participent avec les amitiés et les animosités typiques du milieu quand soudain, l’apocalypse et des stars paniquées ! L’idée est aussi barrée que réjouissante. Mais en réalité, il s’agit ni plus ni moins que du prolongement d’un court-métrage inédit réalisé précédemment par le duo pour se faire la main, intitulé Jay and Seth versus the Apocalypse. Sur les bases de ce délire initial, les deux auteurs vont tout mettre en œuvre pour décrocher de quoi le transposer en long-métrage, rameutant toute leur tribu, faisant appel à d’autres, appelant à la réduction des cachets pour payer les effets spéciaux, avec comme seule mission : accoucher d’un plus grand n’importe-quoi de l’année ! Et entre les anecdotes savoureuses du tournage où la bande-annonce farfelue annonçant que le pop-corn sera offert à tout ceux qui préachèteront leur billet le 20 avril, date d’une pseudo-unique journée de l’année où la drogue serait légalisée, on ne pouvait que s’attendre avec C’est la Fin, à une monstrueuse plaisanterie référentielle où la joyeuse brochette de copains allait s’éclater comme jamais en faisant passer ça pour un « film ».
C’est un peu d’ailleurs ce qui va faire à la fois le charme ravageur et l’imperfection de C’est la Fin, semi-réussite sans cesse tiraillée entre son joyeux prétexte au gros n’importe-quoi foutraque et hilarant et son bordel ambiant paresseusement bancal, souffrant de problèmes d’écriture et d’une absence de conduite canalisée cimentant les milles idées à l’heure qui fusent dans tous les sens dans un film fréquemment improvisé à même le tournage. Tout va être alors question d’équilibre, probablement le plus grand danger inhérent à ce type d’entreprise insensée et déraillée du bulbe. Malheureusement, cette maîtrise capitale, le duo Rogen-Goldberg ne la trouvera pas à sa juste mesure et C’est la Fin va alors se retrouver le cul entre deux chaises, oscillant sans cesse entre le tordant extravaguant et le lourdingue déraisonné à trop vouloir se la jouer débridée au risque de tomber dans le désordonné, de même qu’à trop vouloir être frénétiquement léger et décomplexé, il finit par basculer dans la potacherie excessivement épuisante. On ne pourra pas dire que ce n’est pas drôle, ce serait mentir, mais le sens du dosage n’est que trop rarement au rendez-vous et l’amoncellent frénétique de gags vulgaires, d’autodérision caricaturale et de « connerie revendiquée », aboutit à une sensation étrange d’éclats de rire mêlés à de l’agacement, d’autant que le rythme est souvent un épineux problème additionnel venant se superposer aux nombreux défauts relevant tous de cette notion de l’équilibre mal géré. On reprochera à ce titre au film d’être ponctué de bons gags réussis à en crever de rire (à condition d’apprécier le niveau bas du front de l’humour déployé bien entendu) mais trop fréquemment étirés sur la longueur au lieu de privilégier l’efficacité de la concision pour enchaîner rapidement sur autre chose. La vicelardise de Michael Cera ou de Danny McBride est à coup sûr des hauts moments de comédie, de même que la prétention de James Franco ou la sur-gentillesse énervante de Jonah Hill mais le film s’y attarde encore et encore sans jamais trop savoir quand lâcher la rampe pour sauter à la marche suivante, affublant ce non-exercice sincère et sans prétention aucune, d’une impression de redondance irritante où le plaisir du déjanté finit par se confronter à la lassitude de la répétition sur une durée certainement trop longue (prévoir environ 1h50).
Pastiche grinçant du monde hollywoodien, intense délirium bordélique traversé de moments qui pourraient prétendre aisément au statut de « cultes », comédie référentielle généreuse et originale bourré de clins d’œil jouissifs et de surprise décalées, C’est la Fin n’est pas sans rappeler les travaux de Judd Apatow, grand manitou d’une bonne partie du casting en présence, en ce sens qu’il partage avec eux cet aléatoire sens du rythme maladroit menant à l’essoufflement (même si le tandem évite de dépasser les deux heures comme leur homologue). Néanmoins et malgré ses défauts presque trop attendus et sa poussivité générale, on s’efforcera d’en retenir le positif : c’est terriblement drôle, complètement barré et bien plus trash que prévu (espéré ?). Grâce à l’immensité de son casting, chacun des comédiens apporte à ce canular drolatique un peu de sa personnalité, de son caractère, de son humour propre et de son histoire et aussi fumiste soit-il, l’ensemble ne manque pas d’un joyeux sens de la bêtise provocante. Gras, loufoque, inconséquence et avec de la vanne tout azimut, cette affaire jubilatoirement crétine (fallait l’imaginer quand même cette idée d’être à deux doigts de s’étriper pour un Milky Way) est une vaste marrade entre amis très masculine et dont on nous fait profiter en offrant aux zygomatiques un sérieux moment de sport. Cinématographiquement, les limites se dessinent très rapidement mais sur le terrain de l’humour, le compteur des points s’envole haut au moment du bilan final. Presque un must. Ah si seulement…
Bande-annonce :
Par Nicolas Rieux