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BOB LE FLAMBEUR de Jean-Pierre Melville : la critique du film [redécouverte DVD]

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note 8 -10
Carte d’identité :
Nom : Bob le flambeur
Père : Jean-Pierre Melville
Date de naissance : 1956
Nationalité : France
Taille : 1h38 / Poids : NC
Genre : Policier

Livret de famille : Roger Duchesne (Robert « Bob » Montagné), Isabelle Corey (Anne), Daniel Cauchy (Paolo), Guy Decomble (Commissaire Ledru), André Garet (Roger), Gérard Buhr (Marc)…

Signes particuliers : Un film de gangster à la française qui reprend certains codes du film noir tout en les déstructurant. On ressent un choc constant entre la narration classique attendue par les spectateurs de l’époque, et l’envie d’innover et de rechercher de nouvelles formes de mise en scène.

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LA CRITIQUE

Résumé : Robert Montagné alias « Bob le flambeur » est un ancien voyou qui traîne dans ses bistrots habituels du côté de Pigalle afin de pratiquer son passe-temps favori : le jeu d’argent. Son quotidien est toujours le même, jusqu’au jour où il croise une belle jeune fille, Anne, qu’il prend sous son aile afin de la préserver de la prostitution. Au détour d’un voyage à Deauville, Bob apprend des informations sur la sécurité du coffre du casino, très bien rempli le jour du grand prix. Il décide alors de monter un coup avec ses amis et d’autres voyous embauchés pour l’occasion. Anne balance l’information à un ennemi de Bob en pensant que c’est une blague. Le commissaire de Police Ledru à qui Bob a sauvé la vie il y a quelques années veut empêcher son ami de retourner en prison et tente d’empêcher le braquage…bobleflambeurL’INTRO :

Avec Bob le Flambeur, Jean-Pierre Melville s’essaie au polar pour la première fois de sa carrière, lui qui brillera dans le genre par la suite. Ses méthodes de travail si spécifiques -création de sa propre société par souci de liberté, budgets réduits, production isolée des puissants syndicats de l’époque, décors naturels, improvisation et énergie remplaçant le système et son fonctionnement établi- le conduiront sur des sentiers de « la débrouille » d’où naîtra une nouvelle façon d’approcher le cinéma en France. Avec Bob le Flambeur, Melville approche le genre et ses personnages en empruntant beaucoup aux codes des films de gangsters hollywoodiens. Cependant, le cinéaste les retravaille pour clairement les ancrer dans le Paris populaire qu’il connaît si bien, Montmartre notamment, qu’il illustre avec de nombreux plans traduisant à l’écran la vie de quartier de l’époque. Le réalisateur se base sur ses connaissances personnelles du cinéma américain mais aussi de la vie nocturne parisienne. Armé d’un petit budget et tourné en grande partie dans la rue au contact de la réalité, Bob le Flambeur est un classique précurseur du cinéma français. Une oeuvre en avance sur les avant-gardistes eux-mêmes, qui n’allaient pas tarder à débarquer quelques années plus tard. De là à dire que Melville a ouvert une voie sans le savoir…bob_le_flambeur2_rgbL’AVIS :

Pour son temps, Bob le Flambeur se pare dans la nouveauté sous plusieurs visages. D’abord, car Melville propose une vision originale de ses personnages. Anne, interprétée par Isabelle Corey alors âgée de 16 ans au moment du tournage, est une jeune fille atypique présentée comme libre et libertine, sans jamais qu’elle ne soit jugée par la mise en scène ou les personnages qui l’entourent. Elle s’impose comme une annonce prometteuse de la présence corporelle et du phrasé moderne à la française, ensuite car elle incarne une femme fatale d’un nouveau genre. Malgré son profil de petit voyou, Bob le flambeur (incarné par Robert Duchesne) est un personnage attachant. Comme le sera Michel Poicard (Jean-Paul Belmondo) trois ans plus tard dans A Bout de Souffle. Les deux personnages ont les cheveux clairs alors que les codes hollywoodiens imposaient les bruns, la femme fatale de l’histoire est très jeune et ce jeune âge détonne avec les figures archétypales traditionnelles du genre à l’époque, la relation entre Bob et son ami commissaire Ledru offre une alternative aux habituels affrontements manichéens … Bref, Bob le Flambeur, c’est un ensemble de petites choses nouvelles, infimes en apparence, mais qui participent d’amarrer le film à cheval entre l’hommage au genre à l’américaine, et quelque-chose de complètement nouveau et atypique en France. Au point de voir l’effort « melvillien » comme une œuvre hors-norme, sur le moment. Trois-quatre ans plus tard, de « hors-norme », on parlera plutôt de « précoce ».vlcsnap-47382Car Bob le Flambeur arbore aussi une esthétique radicalement en rupture d’avec ce qui se faisant alors. Le montage y apparaît comme très éclectique, avec des effets visuels et musicaux « violents », une bande son jouant la carte de la dissonance, un montage osant les cuts abruptes et les coupes saccadées, une narration énergique, une immersion dans le « vrai » et le « dehors » rendant compte de l’ambiance des rues de Montmartre et de ses bars… Ce mélange stylistique et narratif bouillonnant, nourri à l’instinct et à l’instantanéité, rappelle quelque-chose que l’on aura bien connu et retenu, et qui aura révolutionné le cinéma français.On parle bien de la Nouvelle-Vague. Quelques années avant l’avènement du célèbre courant frondeur, Melville en préfigurait déjà le style, les codes et les contours. Le public, pas encore habitué à ce dynamisme différent, aura pu s’offusquer de ces essais encore approximatifs, Melville n’affichant pas encore la maîtrise qu’on lui connaîtra par la suite.tumblr_m555lnrLI91rxcyuao1_1280Bob le Flambeur est un grand polar. Pas forcément un grand Melville, pas forcément un film parfait, mais tellement précurseur qu’il ne peut que s’imposer comme un classique. Sa narration manque parfois d’exigence, certains ressorts sembleront un peu datés, certaines situations auront du mal à accrocher le spectateur, le jargon de casino pourra paraître incompréhensible pour les néophytes, et même les amateurs de cartes s’étonneront des variantes anciennes du poker autres que la plus connue aujourd’hui à savoir le Texas Hold’em. Mais le problème majeur qui affaiblit l’impact de Bob le flambeur, c’est avant tout son final, souvent pointé du doigt. Une fin qui laissera dubitative. En soi, sa conception présente des choses intéressantes dans les enjeux déployés, mais son lot d’incohérences gênera. Le pourquoi et surtout le comment interpelleront (comment Bob est retrouvé, pourquoi cette fusillade, pourquoi ce petit trait d’humour mal venu qui s’y invite). Bob le Flambeur est un beau film, solide, mais handicapé par un dernier acte qui, sans tout gâcher, laisse un léger sentiment de frustration.

BANDE-ANNONCE :

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