Mondociné

BLOOD TIES de Guillaume Canet
En salles – critique (polar)

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note 5.5
Carte d’identité :
Nom : Blood Ties
Père : Guillaume Canet
Livret de famille : Clive Owen (Chris), Billy Crudup (Frank), James Caan (Leon), Mila Kunis (Natalie), Marion Cotillard (Monica), Matthias Schoenaerts (Scarfo), Zoe Saldana (Vanessa), Lili Taylor (Marie), Griffin Dunne (McNally), Noah Emmerich (Lieutenant Colon)…
Date de naissance : 2013
Majorité au : 30 octobre 2013 (en salles)
Nationalité : USA, France
Taille : 2h07
Poids : 24,7 millions $

Signes particuliers (+) : L’élève Canet rend une copie américaine propre, une oeuvre d’honnête facture qui parvient à trouver une certaine forme de solidité grâce à l’écriture sous influence du duo Canet-James Gray et à sa prestigieuse distribution.

Signes particuliers (-) : malheureusement, Blood Ties n’arrive quasiment jamais à se démarquer des modèles qui l’ont inspirés et se transforme en une imitation trop parfaite, trop calquée, oubliant d’exister par et pour elle-même, d’autant qu’elle échoue partiellement dans ses objectifs de se hisser modestement aux côtés de ses illustres références, à cause de défauts structurels et d’une absence de justesse du tempo général. Une copie de bonne élève sage presque parfaite, mais le « presque » comporte un « P » majuscule qui rend cette résurrection d’un vintage cinéma d’antan pas aussi efficace et puissante qu’elle n’aurait dû être.

 

LES AVENTURES DE GUILLAUME CANET CHEZ LES YANKEES

Résumé : New York, 1974. Chris, la cinquantaine, est libéré pour bonne conduite après plusieurs années de prison pour un règlement de compte meurtrier. Devant la prison, Frank, son jeune frère, un flic prometteur, est là, à contrecœur. Ce ne sont pas seulement des choix de « carrières » qui ont séparé Chris et Frank, mais bien des choix de vies et une rivalité depuis l’enfance. Leur père Léon, qui les a élevés seul, a toujours eu pour Chris une préférence affichée, malgré les casses, la prison… Pourtant, Frank espère que son frère a changé et veut lui donner sa chance : il le loge, lui trouve un travail, l’aide à renouer avec ses enfants et son ex-femme, Monica. Malgré ces tentatives, Chris est vite rattrapé par son passé et replonge. Pour Frank, c’est la dernière des trahisons, il ne fera plus rien pour Chris. Mais c’est déjà trop tard et le destin des deux frères restera lié à jamais.

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L’INTRO :

Pour son quatrième effort derrière la caméra, Guillaume Canet tente l’expérience américaine avec une coproduction. Au coude-à-coude avec un géant d’Hollywood en la personne de Ridley Scott qui convoitait le même projet, l’acteur-réalisateur a finalement réussi à emporter le morceau en se montrant plus rapide que son homologue pour ce qui était de monter un remake yankee du film de Jacques Maillot, Les Liens de Sang, polar français de 2008 dans lequel il tenait le premier rôle en tant qu’acteur. Une situation pour la moins originale mais pas autant que l’aventure que Canet allait vivre avec une production assez rocambolesque. Un acteur-star (Mark Wahlberg) qui se désiste au dernier moment alors que le film est en grande partie bâti sur son nom, une méfiance vis-à-vis des studios mettant en péril son habituelle autonomie et total contrôle sur ses œuvres, l’arrivée providentielle sur le projet du producteur français Alain Attal qui entrera dans la boucle afin de délester Canet des contraintes liées au fonctionnement du système outre-Manche en rachetant une partie des financements déjà engagé, la recherche d’un scénariste pour l’aider à mener à bien son entreprise qui trouvera par surprise preneur avec son ami James Gray, les mécanismes de tournage totalement différents de chez nous… Blood Ties naîtra au terme d’une véritable expérience qui, sur le papier, ressemble plus à un parcours du combattant qu’à une promenade de santé.

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Après le succès des Petits Mouchoirs, Guillaume Canet prend donc la direction de New York pour ce qui est clairement son projet le plus ambitieux à ce jour. Le cinéaste bénéficie là-bas d’une certaine aura due au succès d’estime rencontré par son second long-métrage Ne le dis à personne. Avec James Gray comme caution scénaristique, Les Liens de Sang partait sur de bonnes bases et ce n’est pas le casting dément réuni devant la caméra qui va venir les contredire, finissant au contraire d’entériner l’attente autour de ce polar prenant place dans un cadre surchargé d’histoire pour le genre. Et le film de se payer une galerie d’anthologie impressionnante. Billy Crudrup et Clive Owen en sentinelles dans les rôles principaux et derrière, un mélange américano-européen avec d’un côté Marion Cotillard et Matthias Schoenaerts (qui se retrouvent peu après le De Rouille et d’Os de Jacques Audiard) et de l’autre, Zoé Saldana, James Caan, Lili Taylor, Mila Kunis, Griffin Dunne, Noah Emmerich… Du beau monde qui défile sous la caméra d’un Canet sous pression et qui n’a pas vraiment le droit à l’erreur avec une œuvre s’inscrivant dans le sillage référentiel d’œuvres de légendes du septième art.

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L’AVIS :

Des Petits Mouchoirs à Blood Ties, Guillaume Canet sera confronté à deux points communs : d’une part, un nouveau film choral multipliant les personnages et d’autre part, l’art de diviser le public comme la critique dans la réception de son travail. Après avoir ressuscité le cinéma de papa « à la Sautet » avec le premier, Canet ressort avec le second, une vieille Madeleine cinématographique qui sent le patiné, comme un vieux vinyle vintage que l’on poserait sur le tourne-disque avec une émotion nostalgique d’un temps. Cette fois-ci, il s’attaque à tout un pan de la culture cinéphilique américaine avec un effort cherchant à se faire une place modeste aux côtés d’illustres classiques du polar des seventies/eighties, qu’il essaie de faire revivre avec une histoire de mafia, de malfrats et de policiers dans les bas-fonds new-yorkais, dont rien que l’affiche nous rappelle des souvenirs jouissifs. Dommage que le résultat soit autant en demi-teinte qu’il n’est frustrant.

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Par à-coups, Blood Ties est puissant, solide sur ses jambes, s’amarrant avec force aux classiques qu’ils convoquent et dont il s’inspire ouvertement. Et si le film ne flanche jamais totalement, le reproche qu’on pourra lui faire est de ne jamais vraiment trouver la bonne carburation dans son tempo, ce sens du rythme qui faisait des œuvres scoresesiennes, par exemple, non pas de simples polars ou thrillers mais des fresques épiques gracieuses lardées de moments d’anthologie dans un tout qui ne se contentait pas de se hisser sporadiquement mais qui campait constamment très haut dan ses positions. Canet, lui, effleure du bout des doigts ces mythes du cinéma américain des années 70 et 80. Le Scorsese des Affranchis ou de Mean Streets, Serpico, certains Peckinpah comme Guet-Apens, mais aussi les Bullitt, French Connection, Chinatown, Le Parrain, L’Honneur des Prizzi ou L’Inspecteur Harry… Son travail référentiel est presque abouti mais le « presque » est un fossé qui fait toute la différence entre un travail frustrant et une grande œuvre magistralement pensée, construite et accouchée. Ces films pouvaient faire 1h45 ou 2h30, ils se mouvaient à la force d’un scénario réglé au millimètre, où chaque scène avait son intérêt quel qu’il soit, participant d’une maestria générale bluffante de concision tirée au cordeau. Dans Blood Ties, un peu de déchet, une impression de fausse longueur, une construction chorale tour à tout brillante et défaillante, et ce sentiment de grain de sable grippant la machine carnassière déployée et peut-être, ironiquement, trop bien huilée.

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Autre tort, Guillaume Canet s’applique, soigne son écriture, rend une copie propre, trop propre, comme un écolier rendrait une dissertation consciencieuse dans la forme trahissant le fond. Trop peaufiné, trop raffiné, Blood Ties est roublard et cache en réalité le fait que son auteur récite une leçon bien apprise par cœur sans trop forcément l’avoir comprise. Tout est là pourtant, une reconstitution soignée, des personnages caractérisés, des enjeux inextricables, une belle image, une ambiance délicieusement rétro, aidée par une élégante photo et une image granuleuse très seventies. Il y aussi des références cinéphiliques à la pelle, une recette savamment concoctée calquée sur celle de ses modèles, une plat-list illustrative clinquante plongeant dans une époque. Mais c’est justement trop. Trop appliqué, trop propret, trop choyé dans la décalcomanie. Comme un bon petit élève bien sage, le cinéaste conjugue avec modernité ses nobles inspirations en essayant de se hisser du coté de son compagnon James Gray qui avait brillamment réussi son entreprise avec la magnifiquement crépusculaire La Nuit nous Appartient mais il lui manque juste la passion, la fièvre, la patte personnelle qui ferait de son Blood Ties une œuvre nouvelle et non un film suivant à la trace un sillage déjà bien creusé. Par manque d’emphase, d’une vision forte et démarquée, d’ampleur émotionnelle, Blood Ties échoue partiellement dans ses velléités et souffre par ailleurs d’un scénario un peu  trop cousu de fil blanc, et à plus forte raison si l’on dispose des mêmes références que lui.

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Trop amoureux et inspiré du cinéma d’autrui, Guillaume Canet rend une copie à la facture honnête et aléatoirement solide mais pétrifiée, à la fois tétanisée par ses ambitions au point de se figer dans l’imitation trop respectueuse et peut-être aussi impressionnée par sa stature au point que l’on se demande si le cinéaste a toujours su tenir son œuvre et sa distribution dont certains membres semblent en roue libre (Marion Cotillard en tête). Boulimique d’un cinéma d’antan, le réalisateur ne se vautre pas mais rame, flirtant avec la lisière du pastiche convoquant fanatiquement une vastes étendues de références digérées mais non-assimilées. Le résultat est parfois séduisant, parfois troublant de mimétisme mais sent un peu le renfermé d’une vieille maison dont on n’aurait plus ouvert les volets depuis longtemps. Un cinéma à l’ancienne qui essaie d’exister dans la réplique fidèle mais qui oublie de vivre, de sortir les crocs, de laisser aller sa nervosité, laissant place à une œuvre pas suffisamment roborative pour convaincre pleinement. C’est d’autant plus dommage que le résultat n’est pas honteux et que l’on même y trouver motif à satisfaction passagère. Juste de trop dans la retenue et l’hommage qui l’anime.

Bande-annonce :

Par Nicolas Rieux

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