Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : Before Midnight
Père : Richard Linklater
Livret de famille : Julie Delpy (Céline), Ethan Hawke (Jessie), Seamus Davey-Fitzpatrick (Hank), Jennifer et Charlotte Prior (les jumelles), Xenia Kalogeropoulou (Natalia), Walter Lassaly (Patrick), Ariane Labed (Ana), Yannis Papadopoulos (Achilleas), Athina Rachel Tsangari (Ariadni), Pannos Koronis (Stefanos)…
Date de naissance : 2013 (sortie le 26/06/13)
Nationalité : Etats-Unis, Grèce
Taille/Poids : 1h48 – 2,7 millions $
Signes particuliers (+) : En seulement six longues séquences, Linklater cerne le couple en crise, la fatale déliquescence des choses avec le temps et la vie en général. Poétique, romantique, dramatique, comique, Before Midnight est la grâce et la sensibilité à l’état pur, dévoilées avec simplicité, passion et sincérité. Le sens de l’observation et la magie de la complicité de ce duo, font de ce troisième volet, peut-être le meilleur. Une trilogie qui, comme le vin, se bonifie avec l’âge. La réalité de la vie traitée avec une justesse douce-amère magistrale qui confère au chef d’oeuvre.
Signes particuliers (-) : x
LE COUPLE EN SIX SÉQUENCES
Résumé : Neuf après leur nouvelle rencontre parisienne, Céline et Jessie vivent ensemble et ont des jumelles. Au détour de vacances en Grèce, ils vont être amener à réfléchir sur leur couple, faire le point, regarder le passé alors que l’avenir est devenu un problème. L’histoire d’un couple en crise sur 24 heures.
Richard Linklater nous offre un beau cadeau en cette année 2013 puisqu’il nous propose des retrouvailles enthousiasmantes avec Jessie et Céline, les deux personnages de ses magnifiques Before Sunrise et Before Sunset. Après 1995 puis 2004, le cinéaste aura encore mis neuf ans pile poil à accoucher de ce nouveau chapitre, après avoir longuement mûri ce retour pour la troisième fois en autant de décennies, ce qu’est devenu ce couple attachant, comment ils ont évolué, et en adéquation avec la façon dont lui-même a avancé dans la vie avec l’expérience qu’il a acquis depuis, il nous invite à jeter un nouveau regard sur ces personnages que l’on retrouve avec un plaisir immense. Une fois de plus, l’histoire va se concentrer sur 24 heures partagées de leur existence. Désormais quadragénaires, leur couple commence à avoir suffisamment vécu pour que le poids des années se fasse ressentir. Jessie et Céline ont deux filles et vivent à Paris. Céline travaille, Jessie écrit alors que son fils, qui vit aux Etats-Unis avec sa mère, lui manque. Mais ces retrouvailles vont se faire ailleurs, précisément en Grèce où ils sont en vacances. Des vacances qui tirent sur la fin. Le départ du fils de Jessie qui doit rentrer chez lui, va être un déclic perturbant leur sérénité et complicité apparentes. Et par une belle journée ensoleillée suivie d’une nuit supposée être enchanteresse, les discussions partagées vont les amener à se poser beaucoup de questions sur leur trajectoire commune, sur où ils en sont dans la vie, sur le bonheur ou leur malheur.
Le duo romantique Julie Delpy et Ethan Hawke reprennent leurs rôles respectifs dans ce Before Midnight au titre doucement crépusculaire. La fin d’une trilogie ? Pas sûr, Linklater répondant à cela qu’il faudra encore attendre quelques années pour voir s’il souhaite revenir vers ces personnages, s’il a à nouveau quelque-chose de pertinent à ajouter. Après deux opus romancés un brin fantaisistes, le metteur en scène a souhaité reprendre pied avec la réalité pour ce nouveau chapitre. La routine qui s’est installée, les tracas du quotidien, la vie de parents, les problèmes, la nostalgie, la spontanéité progressivement évaporée… Ses personnages ont vieilli, ont sans doute mûri et évolué aussi et nous spectateurs, et eux, acteurs, également. La complicité du trio en revanche, elle, n’a pas bougé. Amis proches, ils se sont tous retrouvés pour écrire ensemble le scénario minimaliste de Before Midnight, une fois de plus forts de leurs expériences personnelles qu’ils mettent au service du film. Le résultat va être à nouveau, un intense moment de cinéma magique parlant du couple, de la vie, de l’amour, de la réalité.
Il doit y avoir en tout et pour tout, une demi-douzaine de séquences dans Before Midnight. De très longues séquences où le couple disserte, parle d’un tas de choses, essentiellement d’eux-mêmes, de leur passé, de leur avenir, de leurs expectatives. On pourrait avoir affaire à un cinéma théâtralisant prétentieux et pourtant. La magie de leurs retrouvailles complices illumine l’écran entre drôlerie si bien sentie et moments de grâces bouleversants ou intenses. Joies, disputes, ces auteurs merveilleux réunissent à nouveau le pari de cerner si bien les relations de couple et les relations homme-femme en général. Dans une comédie dramatique douce-amère toute en sensibilité, en joie communicative ou en drame résonnant et à la force de dialogues extraordinaires placés dans la bouche de deux comédiens au sommet de leur art, Before Midnight enivre, emporte, touche en profondeur alors que le sujet est grave puisqu’il parle de la fatale décrépitude des choses, du couple, de la beauté, de l’amour, de la jeunesse, de l’enthousiasme, de la folie. Cynique ? Non. Magique ? Oui. Ce portrait est universel et le mélange de tension et de tendresse qui articule son épine dorsale fait frémir, frissonner, il exalte autant qu’il n’inquiète mais c’est bel et bien la splendeur des sentiments sincères qui l’emporte sur l’amertume à la fin. Ethan Hawke apporte son charisme, sa personnalité mi-charmeuse mi-attendrissante. Julie Delpy, ce sens de l’observation qu’on lui connaît (voir Le Skylab ou 2 Days in Paris pour comprendre). Et Richard Linklater en maestro laissant énormément de latéralité de jeu à ses comédiens prodigieux, créé avec tout cela un moment de verve magistral qui n’a rien de futile ou d’inutile. Pétillant, grinçant, ce portrait d’un couple amoureux, tour à tour complice ou de mauvaise foi, est d’une intelligence et d’une justesse redoutables. Sorte de Voyage en Italie moderne, Before Midnight est le troisième acte d’une saga qui confère au chef d’œuvre de cohérence et de profondeur en ce qu’elle cerne comme aucune autre le genre humain et l’usure des choses avec le temps. Après deux épisodes à fleur de peau de romantisme où Jessie et Céline se baladaient en se racontant leur vie, ce troisième opus est l’illustration d’un couple en crise. Chacun de ses moments est une réjouissance, une bouchée voluptueuse d’un plat gastronomique réalisé avec passion, exigence et souci du délectable et de la perfection. Incroyable de voir comment une série peut se bonifier avec l’âge.
Bande-annonce :