Nom : Limonov, The Ballad of Eddie
Père : Kirill Serebrennikov
Date de naissance : 04 décembre 2024
Type : sortie en salles
Nationalité : France, Italie, Espagne
Taille : 2h18 / Poids : NC
Genre : Biopic
Livret de Famille : Ben Whishaw, Masha Mashkova, Tomas Arana…
Signes particuliers : Le genre de film qui se veut (trop) être un chef-d’oeuvre.
Synopsis : Militant révolutionnaire, dandy, voyou, majordome ou sans abri, il fut tout à la fois un poète enragé et belliqueux, un agitateur politique et le romancier de sa propre grandeur. La vie d’Edouard Limonov, telle une traînée de soufre, est une ballade à travers les rues agitées de Moscou et les gratte-ciels de New-York, des ruelles de Paris au coeur des geôles de Sibérie pendant la seconde moitié du XXe siècle.
PORTRAIT D’UN ANTIHÉROS
NOTRE AVIS SUR LIMONOV, LA BALLADE
C’est une histoire d’amour qui dure entre le festival de Cannes et le cinéaste Kirill Serebrennikov. Depuis Le Disciple en 2016, le réalisateur russe a systématiquement été invité sur la Croisette pour chacun de ses films. Leto, La Fièvre de Petrov, La Femme de Tchaïkovski… Tous ont connu les honneurs de la sélection officielle et son dernier, Limonov. La Ballade n’allait pas faire exception, surtout connaissant la passion de Cannes pour les cinéastes contestataires et alors que conflit russo-ukrainien fait rage à l’Est.
Avec Limonov. La Ballade, Kirill Serebrennikov adapte le roman d’Emmanuel Carrère sur la vie de l’écrivain franco-russe Édouard Limonov. Un homme à la vie que l’on qualifiera de chaotico-romanesque. Il a été ouvrier et truand à Kharkov, poète à Moscou, exilé oisif, SDF, auteur raté puis majordome à New-York, écrivain et journaliste reconnu à Paris puis militant extrémiste et dissident politique dans l’ex-URSS puis dans la Russie actuelle. Sa vie fut un bordel excessif qu’il chérissait, lui qui se plaisait à dire que les russes savent mourir mais qu’ils ne savent pas vivre. Pas facile à mettre en images, mais c’est le pari de Serebrennikov. Pas facile à jouer non plus, ce fut celui du britannique Ben Whishaw, dont on a bien cru qu’il remporterait le prix d’interprétation masculine (finalement glané par Jesse Plemmons pour Kinds of Kindness).
2h10 selon l’affichage officiel, 4h selon la police du ressenti. C’est l’effet de la combinaison Limonov et Serebrennikov. La vie d’un homme surexcité filmé par un cinéaste à l’art surexcité, forcément le résultat donne l’impression d’avoir été jeté dans une machine à laver réglée sur cycle 90° avec option double-essorage. Ça tourbillonne fort, ça essore, ça relave, ça re-essore et l’on sort de la très circonspect. Parce qu’au fond, on peut se dire que le style surchargé de Kirill Serebrennikov épouse à la perfection la trajectoire surchargée de l’homme qu’il nous raconte. Mais d’un autre côté, que c’est fastidieux, lourd et tapageur. D’autant que l’on commence à bien connaître le cinéma du cinéaste russe, rarement avare en artifices de mise en scène et en musique très forte. Comme pour Leto en 2018, Limonov. La Ballade ne nous épargne rien des grigris esthétiques de l’auteur. Il joue avec les cadrages, le net et le flou, les couleurs et le noir et blanc, les dédoublements de l’image, les chansons qui s’enchaînent sans interruption… Épuisant. Certes en adéquation avec le personnage à l’honneur mais épuisant et redondant quand même. On ne pourra pas enlever à Serebrennikov d’être capable de traits de génie indiscutables (on pense par exemple à cet impressionnant plan-séquence façon film musical dans une ville-studio, d’une virtuosité dingue) mais ne dit-on pas que le trop est l’ennemi du bien ? Trop, c’est exactement ce qu’est Limonov. La Ballade. Ça faisait deux à Cannes avec L’Amour Ouf. Deux manière différente de jouer avec l’overdose.
Néanmoins, dans ce maelström qui finit par devenir agaçant de démonstrativité (de fond et de forme) sur-appuyée, tout n’est pas à jeter. Serebrennikov donne à voir une histoire du XXeme siècle, un portrait tant de l’humanité à travers les continents que de l’Est changeant (de l’URSS à la Russie). Éminemment politique, Limonov. La Ballade observe les changements sociétaux et les contrastes culturels par le regard de son écrivain fou, à la fois héros, idéaliste, misanthrope et sale type. Forcément, les opinions assénées y sont ultra-tranchées, parfois caricaturales, parfois extrémistes, parfois contradictoires, parfois pertinentes aussi. Mais si le fond peut être riche en sens du propos, reste qu’il est difficile de s’abandonner dans un film aussi boursouflé, d’autant plus quand le héros est aussi antipathique, nous privant de tout attachement.
Par Nicolas Rieux