[Note spectateurs]
Carte d’identité :
Nom : Mother!
Père : Darren Aronofsky
Date de naissance : 2017
Majorité : 13 septembre 2017
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 2h02 / Poids : NC
Genre : Drame, Thriller, Horreur
Livret de famille : Jennifer Lawrence, Javier Bardem, Ed Harris, Michelle Pfeiffer…
Signes particuliers : Une œuvre déroutante qui va diviser à coup sûr. Il divise déjà le spectateur lui-même, partagé en fascination et rejet !
UNE AFFAIRE DE GÉNIES
LA (LONGUE) CRITIQUE « POUR/CONTRE » DE MOTHER!
Résumé : Un couple voit sa relation remise en question par l’arrivée d’invités imprévus, perturbant leur tranquillité.
Derrière une caméra, Darren Aronosky est un génie. Devant une caméra, Jennifer Lawrence est une muse, probablement l’une des plus grandes comédiennes de sa génération. Et on ne parle même pas de Javier Bardem, monstre de charisme au talent bien trempé. Mother! sonnait l’heure de la réunion fantasmée de ces immenses artistes qui, ensemble, vont donner corps à un huis clos étouffant, quelque part entre le drame, le thriller psychologique et l’horreur. A l’image de son insaisissable mélange des genres et de ses allures de péloches passablement désaxée lorgnant vers le cauchemar absurde, Mother! va s’imposer comme une œuvre iconoclaste, à la fois bouillonnante, diabolique, exigeante, effrayante, excessive, voire même surréaliste. Sorte d’allégorie radicale et ultra-barrée sur l’existence, la religion, l’humanité et surtout la création, expérimentant un délire de genre psychotique évoluant sur un terrain très métaphorique, le nouveau long-métrage du singulier Aronofsky est en réalité une catharsis déchaînée, à travers laquelle le cinéaste projette ses propres angoisses, ses propres démons intérieurs, et surtout sa colère d’artiste marqué au fer rouge par l’échec de son précédent Noé, lequel faisait suite au succès triomphal de Black Swan. Proposition sincère livrée sans concession ou trip confessionnel égocentré en roue libre, Mother! est un peu tout ça à la fois, mais avant tout, la quintessence névrotique d’une psychanalyse violente exprimée à travers un geste de cinéma aliéné et aliénant. Une chose est sûre, il existence plusieurs films dans Mother!, comme on pourrait en écrire plusieurs critiques.
Darren Aronofsky aime à prévenir avant le début de la séance, il est encore temps de fuir avant que le carnage commence. Carnage ?! Parce que Mother! est une boucherie gore empilant les cadavres ? Pas du tout. Le cinéaste prévient car une fois lancé, il est impossible de fuir ce qui s’apparente plus à une expérience immersive et viscérale, qu’à un film linéaire classique, construit comme tel avec une histoire limpide, un début, un milieu et une fin. Si on devait vraiment essayer d’expliquer à quoi ressemble Mother!, on pourrait dire que l’on pense à Polanski, à Zulawski, à Stephen King, à David Lynch ou à Cronenberg. Mais attention, nulle question de crier au pillage artistique lardé d’emprunts tournant à vide. Mother! est Mother!, une œuvre personnelle et unique en son genre, une œuvre à part dans le système hollywoodien actuel, une sorte de création terrible et difforme aux allures de voyage psychologique éprouvant, dans l’esprit d’un auteur torturé.
Deux films se côtoient dans Mother!, deux films à la fois dissociés et complémentaires, d’un côté le regard purement spectatoriel limité au ressenti immédiat, de l’autre l’analyse explicative offrant les clés de compréhension pour éclairer une œuvre très opaque. Plus clairement, il y a l’expérience cinématographique viscérale bâtie sur un thriller horrifique intense, suffocant et hystérique, où l’on est plongé dans une virée sous psychotropes, aux portes de l’antre de la folie. De l’autre, il est un mille-feuille d’allégories développant par le biais de la parabole métaphorique, un amas de réflexions entrecroisées sur l’art en général et l’artiste en particulier. A travers un délire hallucinogène qui part très très loin dans le fantasmatique, Aronofsky brasse beaucoup de choses autour de la thématique de la création, confondant l’humain et l’artistique pour mieux faire fonctionner la mécanique de son propos. Ainsi, on retrouve au cœur de Mother!, des allégories sur la maternité (humaine et artistique), sur la religion, la dévotion et le fanatisme (religieux et artistique), sur la vie, l’humanité, les affres de la création, la condition de l’artiste obsessionnel etc… Mother! va souvent loin dans son trip conceptuel, si loin qu’il sera difficile pour certains de le suivre, d’autant qu’il ne fait rien pour rendre son histoire facile et intelligible, tout s’expliquant uniquement par le biais de la compréhension des métaphores en présence. Pas simple mais est-ce grave ?
Deux films, plusieurs degrés de réception, et la confirmation que Darren Aronofsky est un sacré malin. Avec Mother!, le cinéaste a su élaborer une œuvre si complexe, que chaque spectateur va pouvoir l’appréhender comme il l’entend, en surface ou en profondeur, à lui de voir où le film le mènera. Il aura la possibilité d’en apprécier le premier niveau et pas l’autre, aucun des deux ou les deux… Traduction, on peut ne rien comprendre au film et apprécier son frénétique cauchemar apnéique mis en scène avec une virtuosité sidérante, on peut saisir le propos mais passer complètement à côté de la forme immersive, on peut comprendre les paraboles et vivre puissamment cette expérience folle, et ainsi de suite. Plein de combinaisons pour un film hors normes, radical, presque expérimental, où le malaise côtoie l’absurde presque drôle, où l’horreur glisse sur le drame, où la confusion générale renforce l’effet d’immersion dans cette expérience du chaos.
Voir Mother!, c’est accepter d’être plongé dans un objet hybride totalement déroutant, hypnotique à l’image, fou dans le récit, abscons dans le résultat, telle une plongée totale dans un espèce de cauchemar incompréhensible tutoyant les limites l’irrationnel. Dès les premières minutes, on sent que quelque chose cloche dans ce récit tournant autour d’une jeune femme fragile et de son écrivain de mari en panne d’inspiration. Lorsqu’ils accueillent des inconnus rapidement envahissants, cette lointaine sensation de « bizarre » explose. Le truc avec Mother!, c’est qu’il ne faudra pas y chercher une continuité rationnelle. Les amateurs d’un cinéma traditionnel, limpide et parfaitement intelligible, vont vite déchanter. Le nouveau film d’Aronofsky fonctionne entièrement au niveau de sa strate métaphorique, et l’histoire insensée qu’il déroule ne trouve une explication ailleurs que dans cette sphère abstraite où se joue les allégories. C’est peut-être d’ailleurs la limite d’un film qui risque de paraître obscur aux yeux de certains. D’un côté, on aime être ainsi bousculé, perdu, malmené par l’irréalité outrancière d’un film qui s’affranchit de toutes les limites (et qui va d’ailleurs très loin – âmes sensibles s’abstenir). De l’autre, l’absence de clés de compréhension immédiates (comprenez par là, avant d’y avoir réfléchi pendant deux heures post-séance) risque d’égarer quantité de spectateurs. D’autant que ne pas tout comprendre quand on regarde un film, c’est bien, c’est inspirant, ça pousse à la réflexion. Mais ne rien comprendre du tout ? Et Mother! de flirter avec un certain hermétisme qui coupe le cordon reliant le spectateur à l’œuvre. Mother! est finalement une anti-coquille vide. Là où certains films sont agréables en apparence mais vides à l’intérieur, Mother! est tout le contraire. Un film difficile à regarder malgré ses qualités plastiques exceptionnelles, mais extrêmement riche à l’intérieur. L’ennui, c’est que cette richesse est difficilement accessible, on y accède au prix de quelques efforts pour saisir le but de toute cette entreprise. Ce but étant finalement assez simple, il laisse une impression de gigantesque écran de fumée cachant une œuvre boursoufflée qui existe avant tout, pour le message un brin nombriliste que souhaitait faire passer son auteur chafouin, vexé par la mauvaise réception de son précédent effort et vindicatif à l’encontre d’un public qu’il juge fanatique et peu enclin à la réflexion. Car au fond, c’est un peu ça que représente la métaphore de Mother!.
Chahuté lors de sa présentation à Venise, Mother! a provoqué des réactions très diverses, entre fascination et rejet. Autant dire qu’il en sera de même à sa sortie en salles. Le brûlot énervé d’Aronofsky sera sans doute mal reçu par tout ceux qui se lasseront très vite de cette parabole pompeuse souffrant d’un syndrome de la démesure. Démesure dans la charge virulente qui vise pas mal un public que le réalisateur semble prendre parfois de haut, et démesure métaphorique, quand le cinéaste veut élaborer une cathédrale si vertigineuse, qu’elle prend le risque de paumer le spectateur dans les méandres de ses nombreux couloirs sinueux. Face à ses détracteurs, Mother! pourra toutefois compter sur ses partisans, tout ceux qui se feront happer par l’intensité harassante de cette spirale infernale dans laquelle est entraînée une Jennifer Lawrence exceptionnelle dans un rôle à contre-emploi pour lequel elle n’a pas hésité à aller au charbon, rappelant vaguement une certaine Rosemary chère à Polanski. Au centre, les mitigés, ceux qui ont aimé un aspect et pas l’autre, ceux qui ne savent pas trop quoi en penser etc… Car si l’on met de côté l’analyse de cet ofni déconcertant, reste la lecture au premier degré. Sur cette échelle, on ne comprend pas tout (voire rien), mais quelle expérience ! Pour mettre en scène ce cauchemar frénétique qui ne cesse de grimper crescendo dans le surréalisme immodéré, Aronofsky étale son talent de cinéaste surdoué, capable comme personne de piéger le spectateur pour lui faire vivre des expériences charnelles et psychologiques soutenues, en utilisant tous les ressorts possibles et imaginables, jouant ici aussi bien avec l’image très versatile qu’avec le son entre clarté et étouffement. Mother! est dense, haletant, tendu, tordu aussi, tour à tour inquiétant, malaisant ou horrifiant, et l’on en ressort vidé, comme essoré après un passage dans une machine à laver réglée sur son programme maximal. Pour ceux qui avaient adhéré, Mother! serait presque à l’horreur, ce que le Juste la fin du Monde de Dolan avait été au drame. En somme, une fiévreuse et inconfortable expérience cacophonique, perturbant les sens pour mieux nous perturber tout court.
Au final, on se retrouve à ne pas trop savoir quoi en penser, partagé entre la fascination pour la forme virtuose et le degré de folie dont est capable cette œuvre dégénérée et jusqu’au-boutiste (on le répète, âmes sensibles, vraiment s’abstenir), mais dans le même temps, on ne peut s’empêcher d’être un brin agacé par un fond qui nous demande de plonger loin pour pas grand-chose, multipliant les sous-textes symboliques pour essayer de parler de plein de choses, avec le danger de finalement parler de rien. Grosse claque cinglée ou amère déception, difficile à dire tant le film laisse hébété. Mother! est tellement dément, qu’il demande un certain temps de gestation pour se faire un avis arrêté. Redemandez-nous dans six mois, le temps de digérer et de savoir s’il penche plus vers le chef-d’œuvre ou vers l’imposture. Une chose est sûre, il a tout d’une œuvre immensément grandiose… Mais il a aussi tout du trip méga-égocentrique d’un Aronofsky qui multiplie les tours de passe-passe, pour parler de lui, de ses démons et de ses vexations.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux
C’est un film qui m’a fait me poser des questions quant à sa signification.
Pour moi Javier représente Dieu. Il a besoin d’inspiration pour mener ses créations à la perfection. L’inspiration et la muse sont une même personne interprétée par Jennifer. Les mots qu’il écrit ont un sens pour chaque humain, qui les perçoit en fonction de ses propres croyances.
Les autres gens sont des dévots, peu se comportent « normalement », beaucoup sont des intégristes et se servent des paroles pour soumettre les autres. C’est à ça que me font penser les scènes de violence, au monde actuel où chacun veut que son Dieu soit meilleur que l’autre. Et Javier laisse faire, c’est le don du libre arbitre. Dieu regarde les hommes s’entre-dechirer, c’est aux hommes d’arrêter, pas à Dieu de le leur dire.
Et puis il y a un poids énorme sur lequel repose en grande partie l’humanité : la vengeance. Pour le mal qui est fait, le pardon est demandé. A la fin il n’y a pas de pardon, elle veut se venger. Cependant qu’est ce que se venger sinon reproduire le mal qu’on nous a fait tout en s’en dedouanant et en le trouvant normal et juste? Par la vengeance elle termine l’expérience et peut se réincarner grâce à l’amour qu’elle porte.
L’idée est de sortir de la boucle de la violence en accordant le pardon.
voilà! Bonne fin de journee.
Beaucoup de mots pour ne pas dire grand chose je trouve… Je ne l’ai pas vu comme ca. Influencée ou pas par mon vecu, je suis intimement persuadee d’être dans le vrai…. plus j’avancais dans le film plus mon estomac se nouait… c’est ca… c’est exactement ca… la descente aux enfers d’une victime de pervers narcissique.. cet homme aimé de tous mais un monstre au fond. Imbus de sa personne il passe au premier plan, elle au dernier… Cette femme qui voit son univers s’ecrouler, impuissante, fragile, mais jamais entendue, cette femme objet meme pas nommee si ce n’est « l’inspiration »… elle est objet, utile a sa reussite a lui.. son travail a elle detruit, ses pensees pas entendues… ses migraines dues au trop plein de non dits.. puis l’acalmie avant que tout recommence… et quand il lui aura enfin tout prit, cherissant son oeuvre elle devient un trophée de chasse, car il ne vit que pour detruire l’autre, il recommencera avec une autre… je pourrais devellopper encore et encore… mais c’est exactement ce qu’il se passe dans la tete d’une victime de pervers narcissique. croyez moi et ca fait du bien que quelqu’un ait enfin reussi a pousser un cri, a mettre en image aussi bien la violence invisible que vivent tant de personnes et que beaucoup refusent de considerer comme une realité… merci.
J’ai beaucoup aimé votre critique. Je sors du cinéma et j’ai vraiment du mal à ressentir ce que le cinéaste a voulu nous transmettre. Une chose est sûr j’ai ressenti comme vous la descente aux enfers et le problème de ne pas pouvoir s’imposer comme on le voudrait. Merci à vous.
La signification du film à de sens que ce qu’on lui donne, voilà ce que je pense à l’heure actuelle. Et cette signification est la votre, et dans ce cas là, avec du recul j’en conclu que j’ai beaucoup aimé le film.
Le fait que le film soit difforme à ce qui est fait habituellement, le fait de ne pas comprendre directement sans se poser de questions, là est le vrai art. Aronofsky a réussi son pari pour moi, il a changé la façon de voir un film au cinéma.
À noter la performance de Jennifer Lawrence que j’ai beaucoup appréciée tout au long du film.
Une nouvelle fois, merci à vous.
Point de vue très intéressant en effet. On peut effectivement y voir une peinture d’une victime d’un pervers narcissique. Ca se tient. Aronofsky ne dit pas avoir voulu parler de ce sujet mais l’analyse est cohérente et se défend. Bien vu !
Critique pretentieuse.
Et pour quelle raison ? Un exemple ?