Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Une Enfance
Père : Philippe Claudel
Date de naissance : 2015
Majorité : 03 février 2016
Type : Sortie DVD
(Editeur : TF1 Vidéo)
Nationalité : France
Taille : 1h40 / Poids : NC
Genre : Drame
Livret de famille : Alexi Mathieu (Jimmy), Angelica Sarre (Pris), Pierre Deladonchamps (Duke), Jules Gauzelin (Kevin), Patrick d’Assumçao (l’instituteur), Catherine Matisse (Lila)…
Signes particuliers : Quelque part entre Le Géant Egoïste et Jack, un drame dur et solaire.
UNE ENFANCE SACRIFIÉE
LA CRITIQUE
Résumé : Au cours d’un trop long été, Jimmy, un enfant de 13 ans que les circonstances forcent à devenir trop vite adulte, se cogne aux limites de sa petite ville et de sa vie heurtée, entre une mère à la dérive et un beau-père qui la tient sous sa coupe.L’INTRO :
Avec Une Enfance, Philippe Claudel signe un quatrième long-métrage quelque-part en réaction à son précédent effort, le drame Avant L’Hiver porté par Daniel Auteuil et Krstin Scott-Thomas. D’une œuvre très cinématographique traversée de stars, le réalisateur embrasse quelque-chose de radicalement différent, peu de têtes connues et une esthétique plus épurée, proche des techniques du documentaire intimiste. Mise à part Pierre Deladonchamps, la révélation du fabuleux L’Inconnu du Lac d’Alain Guiraudie, Une Enfance s’impose comme une chronique modeste, qui a finalement peu d’arguments pour faire d’elle en dehors de ses merveilleuses qualités. Tièdement par la presse à sa sortie en salles à l’automne dernier, Une Enfance pose ses valises dans la banlieue nancéenne, et nous offre le portrait poignant de Jimmy, enfant de 13 ans forcé de grandir trop vite par son quotidien chaotique, entre un beau-père violent aux allures de « branleurs qui brasse du vent » et une mère toxico placée sous sa coupe.L’AVIS :
Le titre du dernier long-métrage de Philippe Claudel résumerait presque à lui-seul, l’essence même d’un film presque emblématique d’un regard porté sur notre société actuelle où se trouve sacrifiée sur l’autel des erreurs de parents indignes, une partie de la génération future. Le cinéaste ne raconte pas « l’enfance », « son enfance » ou « cette enfance » mais « une enfance », comme un portrait-témoin d’un anonyme fondu dans la masse, oublié et abandonné à son sort tragique. Dur dans ce qu’il raconte du quotidien de cet enfant confronté à une existence qui ne devrait pas être la sienne, Une Enfance oscille en permanence entre le drame sombrement bouleversant et le solaire d’une envie de survivre en attendant des jours meilleurs tellement lointains qu’on y pense même pas. « Et toi, quels sont tes rêves ? Je ne sais pas, je ne rêve jamais. » lâche laconiquement Jimmy. En une phrase, Philippe Claudel vient de capturer tout la cruauté d’un film en apparence désespéré, plongeant le spectateur dans l’émoi d’une quasi-absence totale de réconfort possible. Et pourtant, d’un bout à l’autre, on n’a de cesse d’avoir envie d’y croire, d’espérer et d’attendre que le sort cesse de s’acharner sur ce chérubin au visage partagé entre la dureté et la tendresse.Lorgnant du côté du cinéma d’un Ken Loach et non sans rappeler par moments quelques puissantes œuvres récentes telles que Le Géant Egoïste de Clio Barnard ou le Jack d’Edward Berger, Une Enfance est un voile douloureux levé sur une jeunesse en peine, sur une jeunesse impuissant, cantonnée à observer le bonheur de ses camarades de loin, l’enviant sans avoir la moindre de chances d’y accéder un jour. Une vision implacable figée par une pensée sans concession sur le déterminisme social ? Non. Car Philippe Claudel a l’intelligence de ne jamais empiler des couches de misérabilisme pour se mieux diriger son œuvre vers une démonstration lourde et suintante de noirceur. Une Enfance a beau capter la résilience de son jeune personnage pour en faire un emblème, il a ce don de toujours rechercher la justesse, de toujours laisser une porte entrouverte à l’espoir. Il a beau être discrètement caché dans les plus infimes interlignes d’un sous-texte brillant de délicatesse et de lucidité, cet échappatoire existe bien, reste seulement à trouver un moyen d’y accéder. Et la prison dans laquelle il est enfermé physiquement, verra alors ses murs s’effondrer comme un château de cartes. En attendant, Jimmy se bat contre des vents contraires, attendant son heure, sans certitudes qu’elle viendra ou ne viendra pas un jour, Une Enfance restant au final une chronique en suspens laissant au spectateur le choix d’y voir le récit d’un parcours plein de lumière ou le drame d’une construction psychologique condamnée d’avance par les ressorts de la vie. Interprété avec splendeur par ses jeunes comédiens, Une Enfance est à la fois une ode poignante et tragiquement lumineuse, et une réflexion pertinente et complexe sur une schématique sociale chargée en douleur. Et de son réalisme par delà les clichés, de naître une œuvre grande de cœur et d’esprit.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux
J’adore ce film