Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Trois souvenirs de ma jeunesse
Père : Arnaud Desplechin
Date de naissance : 2014
Majorité : 13 octobre 2015
Type : Sortie vidéo
(Éditeur : Blaq Out)
Nationalité : France
Taille : 1h55 / Poids : NC
Genre : Comédie dramatique
Livret de famille : Quentin Dolmaire (Paul Dédalus), Lou Roy Lecollinet (Esther), Mathieu Amalric (Paul adulte), Dinara Droukarova (Irina), Olivier Rabourdin (le père de Paul), Theo Fernandez (Bob), Elyot Milshtein (Zylberberg), Pierre Andrau (Kovalki)…
Signes particuliers : Comme Truffaut aimait retrouver Antoine Doisnel, Arnaud Desplechin se plaît à retrouver son Paul Dédalus…
LE MYSTÈRE PAUL DÉDALUS
LA CRITIQUE
Résumé : Paul Dédalus va quitter le Tadjikistan. Il se souvient… De son enfance à Roubaix… Des crises de folie de sa mère… Du lien qui l’unissait à son frère Ivan, enfant pieux et violent…Il se souvient… De ses seize ans… De son père, veuf inconsolable… De ce voyage en URSS où une mission clandestine l’avait conduit à offrir sa propre identité à un jeune homme russe… Il se souvient de ses dix-neuf ans, de sa sœur Delphine, de son cousin Bob, des soirées d’alors avec Pénélope, Mehdi et Kovalki, l’ami qui devait le trahir… De ses études à Paris, de sa rencontre avec le docteur Behanzin, de sa vocation naissante pour l’anthropologie… Et surtout, Paul se souvient d’Esther. Elle fut le cœur de sa vie. Doucement, « un cœur fanatique ».L’INTRO :
Pas loin de vingt ans séparent Comment Je me suis Disputé… (Ma Vie Sexuelle) et Trois Souvenirs de ma Jeunesse. Le point commun ? Tout et rien à la fois. Ce nouveau film du cinéaste Arnaud Desplechin s’impose comme une sorte de « prequel réinventé » de son troisième long-métrage sorti en 1996. Réinventé car, si Desplechin retrouve bien son Paul Dédalus, ce héros fascinant dont il avait narré la vie compliquée de trentenaire à l’époque, le récit qu’il fait aujourd’hui de sa jeunesse fait table rase du passé et ne se rattache pas vraiment à son aîné. Seuls les protagonistes demeurent. A l’époque, Paul Dédalus, c’était Mathieu Amalric, l’acteur fétiche de Desplechin. Le cinéaste retrouve sa muse pour la sixième fois, et se sert de lui comme d’un appui pour remonter le passé et explorer une autre époque, le même personnage, mais dans une nouvelle histoire à la fois, avec et sans attaches. Paul rencontre Esther, cette même Esther qu’il a aimé dans Comment Je me suis Disputé… Mais l’histoire est différente, et le récit n’amènera pas du tout à ce que l’on a pu connaître de lui. Bref, en somme, avec Trois Souvenirs de ma Jeunesse, Desplechin renoue avec un personnage qu’il a jadis tant aimé, raconte un chapitre antérieur de sa vie, mais ne le lie absolument pas à son film précédent, imaginant autre chose avec lui, une autre destinée, une autre histoire. Sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes, Trois Souvenirs de ma Jeunesse s’est vu récompensé du prix SACD.L’AVIS :
Avec Trois Souvenirs de ma Jeunesse, Arnaud Desplechin ressuscite et remodèle la Nouvelle Vague d’il y a 55 ans. Avec Trois Souvenirs de ma Jeunesse, le cinéaste se mue François Truffaut des temps modernes. Et avec Trois Souvenirs de ma Jeunesse, son Paul Dédalus devient comme son Antoine Doisnel à lui. Esther, la femme de sa vie, Bob, son cousin amusant, sa petite soeur… Les protagonistes qui gravitaient autour de lui sont tous là, dans ce nouveau film explorant d’une autre manière, ce personnage si formidable dont on avait entrevu la vie « installée », il y a vingt ans. Son enfance survolée comme un drame, son adolescence esquissée comme un film d’aventure, puis cette période du passage à l’âge adulte, la partie romanesque sur laquelle s’attarde surtout Desplechin, scrutant ce jeune homme livré à lui-même, comme ses petits camarades. Un Paul presque hors du temps, un Paul follement amoureux de la sublime et mystérieuse Esther, un Paul rêveur drolatique, un Paul rétro aux allures de poètes d’une autre époque, paumé dans une vie où il semble pourtant si bien enraciné. Un jeune homme de paradoxes, riche, plein de facettes, tout en nuances, et si délicieusement croqué par son auteur, avec un amour débordant.Entre théâtralité passionnelle, prose littéraire vertueuse et virtuosité cinématographique, Arnaud Desplechin s’abandonne à un geste artistique insaisissable, une fresque romanesque à la fois simple et naturelle, fugace et figée dans un temps en apesanteur, criante de sincérité et presque fantasmagorique. Avec son délicieux sens des beaux mots, avec la pureté de sa mise en scène, avec la fluidité chère à son cinéma entre naturalisme et romantisme, entre justesse et poésie, Desplechin jette un regard doux, sensible et aiguisé sur cette jeunesse qu’il observe d’un œil plein de vivacité et d’idéalisme tragicomique. Surtout, Desplechin parle du temps qui passe, des regrets, des idéaux de jeunesse, des grands amours malades, de la recherche de soi, de cette douce insouciance, des souvenirs qui remontent… C’est loin des clichés sur ces fameux « teenagers » dont le cinéma raffole tant, presque abandonné dans un ton à la Marcel Proust, que s’exprime le réalisateur, mettant en scène une adolescence à la fois vraie et magnifiée, à la fois enracinée et emportée par la magie mystifiante du cinéma, qui montre, imagine, réinvente, embellit, divinise. Et pour animer ce puzzle-souvenir, des comédiens touchants. Les jeunes Quentin Dolmaire et Lou Roy Lecollinet épousent ici leurs premiers rôles, et quels rôles ! Facétieux, sensibles, chamboulés, en recherche permanente d’eux-mêmes et de leur place dans le monde, tout à tour libres ou entravés par leurs émotions… deux étoiles scintillantes qui prêtent leurs traits à des personnages formidables et attachants. Quentin Dolmaire reproduit à merveille ce style si cher à Jean-Pierre Léaud, entre impression de faux-jeu dissonant et exaltation théâtrale amusée, face à une Lou Roy Lecollinet bouleversante de sensibilité à fleur de peau derrière sa carapace de fille impressionnante mais en réalité, impressionnable.Par-delà l’histoire et par-delà sa mise en scène, Arnaud Desplechin réussit à nous emporter comme un ballot de paille traîné par le vent, grâce à ses dialogues croustillants, grâce à la sincérité de son entreprise, grâce au mélange de douceur et d’amertume qui s’en dégage. Trois Souvenirs de ma Jeunesse est un étrange moment de cinéma où l’on se sent porté par un « on-ne-sait-quoi » qui fonctionne, comme une tendre berceuse pleine de justesse, de maîtrise et de philosophie sur la vie. Magique.
LE DVD
Plusieurs suppléments viennent agrémenter la balade poétique qu’est Trois Souvenirs de ma Jeunesse. Et exactement ceux que l’on avait envie d’avoir à la sortie de ce nouvel exploit cinématographique bouleversant d’Arnaud Desplechin. D’abord, un entretien avec le cinéaste (environ 14 minutes) qui replonge dans ce neuvième long-métrage, évoquant sa construction, les trois actes qui le constituent, la distribution et notamment le fait de travailler avec de jeunes comédiens, ce besoin de trouver avec eux une camaraderie au-delà de la différence de génération. Il évoque aussi le phrasé particulier de ce personnage « en partage » entre Desplechin, Amalric et Dolmaire… Avec beaucoup de douceur dans la voix, Desplechin partage son travail avec bienveillance et fascine à chaque mot prononcé. Ensuite, des interviews de ses deux révélations solaires, d’un côté Quentin Dolmaire, de l’autre, la magnifique Lou Roy Lecollinet. Les concernant, cette édition proposera également leurs essais, eux qui n’avaient encore jamais foulé un plateau de tournage auparavant. Enfin, le film étant relié à Comment Je me suis Disputé… (Ma Vie Sexuelle), les suppléments font un pont en proposant un extrait du film de 1996, choisi avec pertinence.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux