Pour revoir les précédents chapitres, les dossiers sur la Paramout, la Columbia, la Warner et la 20th Century Fox ici.
Cinquième chapitre de notre « histoire des logos », on se penche aujourd’hui sur la Metro-Goldwyn-Mayer alias la MGM, célèbre pour son lion rugissant. Une ancienne « major » d’Hollywood à l’histoire tumultueuse, qui ne se sera jamais relevée de ses déboires financières dans les années 50. Entre dettes, ventes et reventes, dilapidation de son catalogue et de son réseau de salles, la MGM n’aura pas su traverser la crise qui avait frappé les studios hollywoodiens à l’époque. Si la plupart s’en sont sortis, la MGM aura alors entamé un déclin interminable. Un cauchemar de plus de 60 ans, qui perdure encore.C’est en 1924 qu’est née officiellement la MGM, résultat de la fusion de trois studios, la Metro Pictures Corporation, la Goldwyn Pictures Corporation et Louis B. Mayer Pictures. Après des débuts mouvementés et des guerres de pouvoir suite à la mort de Marcus Loew, son premier propriétaire (1928), la MGM connut sa période de gloire dans les années 30. Sous l’impulsion de Louis B. Mayer, le studio lança la mise en chantier de grands films dont certains resteront parmi les plus illustres jamais produits à Hollywood. On pense notamment au chef d’oeuvre Autant en Emporte le Vent de Victor Fleming, en 1939. Le Magicien d’Oz aussi. Alors studio le plus puissant, la MGM multiplie ses activités, créant son département animation qui connaîtra un succès retentissant avec la venue de Tex Avery ou de Hanna et Barbera, se lançant aussi dans les films musicaux en signant des stars tels que Gene Kelly ou Fred Astaire.
Mais les années 50 furent fatales. La crise est dure pour les studios hollywoodiens et la MGM ne s’en relèvera jamais vraiment. Plusieurs films lui font perdre beaucoup d’argent (comme L’Arbre de Vie de Dmytryket son budget alors record de 6 M$), des tensions fortes conduisent au départ de Louis B. Mayer (qui décèdera dans la foulée), les dettes s’accumulent, le département animation est fermé, le réseau de salles est vendu et malgré le succès de Ben-Hur, la firme coule à pic. En 1969, va alors débuter l’étonnante période des passages de mains permanents. Durant plusieurs décennies, la MGM n’aura de cesse d’être vendue, rachetée, revendue. Ses succès (James Bond ou plus tard Shaft, Fame ou Rocky) ne suffisent pas à éponger le gouffre aux créances. Le milliardaire Kirk Kerkorian, Ted Turner, Giancarlo Parretti via Pathé et le Crédit Lyonnais, se succèdent comme propriétaires. La MGM est contrainte de vendre la grande majorité de son catalogue, des tentatives de redressage sont opérées, de grandes manœuvres sont tentées (comme l’association avec la United Artist sous Turner) mais toutes sont infructueuses. En 2005, Sony via un consortium, récupère le studio. Mais en 2009, il est toujours criblé de dettes. Nouvelle campagne de vente d’actifs.
Le célèbre jingle et son lion rugissant :
L’HISTOIRE :
1924. Premier jingle, déjà le lion. Pour l’anecdote, l’animal se prénommait Slats et était quasiment une star-maison. On notera qu’à l’époque, il ne rugissait pas, se contentant de regarder l’assistance. Ce qui paraît somme toute logique puisque le cinéma sonore n’existait pas encore.
C’est en 1928 que le lion se mît à pousser son premier rugissement, marquant au passage la force du glorieux studio. Il s’agissait de Jackie, deuxième lion de l’histoire de la MGM. Le cinéma étant toujours muet, il fut enregistré sur un gramophone et utilisé lors de la première du film Ombre Blanche de W. S. Van Dyke et Robert J. Flaherty. Dès 1931 et l’apparition de cinéma parlant, Jackie s’est mis à rugir à chaque début de film. On notera que l’animal, outre le logo du studio, jouera dans une centaine de films dont Tarzan.Le logo de la MGM ne changera plus, seuls les lions se succéderont avec les années. Coffee (1ere image) entre 1932 et 1935, puis Tanner (2eme image) qui apparaîtra sur les films en technicolor à partir de 1935 et ce, jusqu’en 1956.
1956, le public fera la connaissance de George, qui ne rugira malheureusement que deux ans.
A sa mort, arrivera Leo. Jeune félin, il sera celui qui restera le plus longtemps. Bien simple, de 1957 à nos jours. Il connaîtra même les honneurs d’être dirigé par Alfred Hitchcock !
Pourtant, Leo manqua de peu d’être évincé. Durant les années 60, la plupart des studios avaient tenté de modifier complètement leurs logos. On retrouve cette volonté chez tous les concurrents de la MGM avec des versions épurées. Celui de la MGM, imaginé par l’artiste Lippincott, ne tint que deux ans, de 1966 à 1968. On peut le voir par exemple au générique de 2001, L’Odyssée de l’espace.
1968, le peu de succès de ces logos auprès du public, amènera les studios à les oublier (pour certains au cours des années 70). Leo réintégra ses fonctions. Fort heureusement.
LES VARIANTES :
La MGM a beaucoup joué avec son lion et les variations ont été très nombreuses. Parfois colorimétriques, parfois complètement décalées. Le lion a subi toute sorte de traitements et a souvent été évincé. Quelques exemples…
1936 : L’excellent San Franciso de Woody Van Dyke arborait un logo magnifiquement dessiné.
1959 : Pour le classique Hitchcock La Mort aux Trousses, variation colorimétrique.
1964 : L’une des plus belles sera pour la comédie The Big Parade of Comedy avec Clark Gable. Le lion est sorti… déjeuner ! Mais pas longtemps.
1967 : Pour Le Bal des Vampires de Roman Polanski, le lion est remplacé.1970 : Robert Altman s’amuse sur Brewster McCloud. Le cinéaste superpose l’intro sonore de son film et le rugissement du lion de la MGM. Résultat, on entend l’acteur René Auberjonois dire « j’ai oublié le texte » en lieu et place du rugissement.
1976 : Au début de That’s Entertainment, Part II, pas de lion mais un livre et une photo…
1986 : Au début de Mafia Salad de Brian De Palma, le lion se fait emporter dans un tourbillon.
2002 : Un crocodile le remplace pour The Crocodile Hunter : Collision Course.
2006 : Pour La Panthère Rose, le lion se fait méchamment rembarrer…
2014 : L’un des plus drôles récemment. Pour Robocop, le rugissement du lion est remplacé par… Samuel L. Jackson qui se gargarise !
On se retrouve la semaine prochaine avec la Universal Pictures.
Par Nicolas Rieux