Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : Les Garçons et Guillaume, à table !
Père : Guillaume Gallienne
Livret de famille : Guillaume Gallienne (lui-même et sa mère), André Marcon (le père), Françoise Fabian (Babou), Nanou Garcia (Paqui), Diane Kruger (Ingeborg), Reda Kateb (Karim), Charlie Anson (Jeremy)…
Date de naissance : 2013
Majorité : 20/11/13 (en salles) / 20 mars 2014 (vidéo)
Nationalité : France
Taille : 1h26
Poids : 7 millions €
Signes particuliers (+) : Une comédie délicieusement nombriliste dans laquelle Guillaume Gallienne se livre au gré d’une véritable performance d’acteur. Drôle, tendre, sincère, intelligent et créatif, cette première réalisation est un pur régal réjouissant et euphorisant mais non dénuée d’une étourdissante profondeur sur les troubles identitaires, abordée avec légèreté et grâce.
Signes particuliers (-) : x
JE VOUS SALUE GUILLAUME PLEIN DE GRÂCE
LA CRITIQUE
Résumé : Le premier souvenir que j’ai de ma mère c’est quand j’avais quatre ou cinq ans. Elle nous appelle, mes deux frères et moi, pour le dîner en disant : « Les garçons et Guillaume, à table ! » et la dernière fois que je lui ai parlé au téléphone, elle raccroche en me disant : « Je t’embrasse ma chérie » ; eh bien disons qu’entre ces deux phrases, il y a quelques malentendus.
Guillaume Gallienne, « de la Comédie-Française » selon l’expression usitée, est un pur talent qui ne demandait qu’à être pleinement exploité au cinéma. Parce qu’entre deux rôles de figuration, des apparitions dans des nanars du style L’Italien ou le dernier Astérix et Obélix chez les anglais et quelques seconds rôles dans une poignée de bons films plus honorables, sa carrière sur grand écran restait quand même assez frustrante. Le tort est désormais réparé et comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, le comédien trouve son meilleur rôle dans sa propre première réalisation, l’adaptation sur grand écran de son spectacle sur les planches Les Garçons et Guillaume, à table ! Une comédie autobiographique où l’acteur revient avec beaucoup de drôlerie, sur son enfance étrange pour ne pas dire traumatisante, petit être chétif dans une fratrie de frères virils dominé par un père qui l’était tout autant et où il n’aura eu de cesse d’essayer de trouver sa place et de distinguer de ses aînés au point de « faire la fille » pour tenter de plaire à une mère qui manifestement en désirer une, et de trouver une place dans son cœur.
Présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, Les Garçons et Guillaume, à table ! a rencontré un vif succès qui s’est prolongé à la surprise générale en salles où le film est en train de déjouer tous les pronostics, trouvant le cœur d’un public déjà conquis. Jouissivement nombriliste, sa délicieuse thérapie cinématographique, pas loin de la psychanalyse couchée sur pellicule, fait partie de ces petites pépites qui régalent, que l’on s’y retrouve ou pas. Guillaume Gallienne nous parle de lui et essentiellement de lui, de sa construction personnelle, de ce qui l’a amené à être ce qu’il est, de ce qu’il a façonné et étrangement, ce numéro autocentré touche en profondeur. Peut-être parce que le personnage public singulier qu’il est aujourd’hui, a ce petit quelque-chose de tendre qui donne envie d’écouter son histoire, de s’immerger avec lui dans ses souvenirs et son histoire presque surréaliste en soi. Il était une fois un jeune homme doux, fragile, coincé dans une famille qui ne lui ressemble pas. Il était une fois une mère, extraordinaire à ses yeux et pourtant peu affective. Et il était une fois un garçon qui dès sa plus tendre enfance, a joué un rôle, comme un signe, une prédilection qu’il était fait pour être comédien. Ce rôle, c’est celui de la fille à sa maman. C’est en tout cas le seul qui lui a semblé viable pour essayer de trouver sa place, pour essayer de se rapprocher de cet être qu’il vénérait. A force de l’imiter, à force de se féminiser, Gallienne est devenu cet homme que l’on connaît aujourd’hui, presque une caricature de l’homosexuel précieux et ultra-efféminé. L’était-il réellement ? Ou était-ce une étiquette trop vite apposée sur un jeune adolescent mal dan sa peau qui se cherchait ? Les Garçons et Guillaume, à table ! est sa réponse, un coming out inversé sublime où le comédien se met à nu et se raconte non sans génie.
A la fois drôle, tendre, touchant et bien plus profond qu’il n’y paraît sous ses oripeaux de comédie tordante flirtant avec le ton d’un Woody Allen atypique, cette première réalisation est une merveille de douceur à travers laquelle Gallienne brille de mille feux en montrant toute l’étendu de son talent à jouer et son propre rôle et celui de cette fameuse mère au centre de tout. Une performance remarquable et remarquée. Gracieux et rythmé, Les Garçons et Guillaume, à table ! est a la fois très justement écrit, inventif, original, inspiré. Un film singulier et personnel qui fait un bien fou et, chose trop rare dans le registre made in France, que l’on a pas l’impression d’avoir vu cent fois déjà. Ce bijou tout en sensibilité, en subtilité et en intelligence est un régal, doublé d’une véritable bouffée d’air frais euphorisante et terriblement attachante ! Et si cet exercice conduit avec brio avait tout pour être une œuvre trop personnellement introspective pour trouver une quelconque résonance, qu’on se le dise, Gallienne est suffisamment fin pour réussir à injecter de l’universel dans son histoire, à la fois ode à l’importance d’être soi-même, ode à la mère voire à la femme en général et délicate approche de la complexe question du trouble identitaire. Une formidable et grisante auto-analyse en équilibre entre le désopilant et l’émotion dans laquelle rien que l’acteur et son visage expressif nous tire des sourires attendri !
Bande-annonce :
Par Nicolas Rieux