Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : Kiss of the Damned
Père : Alexandra Cassavetes
Livret de famille : Josephine de la Baume (Djuna), Roxane Mesquida (Mimi), Milo Ventimiglia (Paolo), Anna Mouglalis (Xenia), Michael Rapaport (Ben), Riley Keough (Anne), Jay Brannan (Hans)…
Date de naissance : 2012
Majorité au : indéterminée
Nationalité : USA
Taille : 1h37 / Poids : 4 millions (environ)
Signes particuliers (+) : Quelques rares beaux plans léchés et une élégante photographie.
Signes particuliers (-) : Une purge insupportable de prétention et d’ennui, page en papier glacée arty se croyant géniale là où elle n’est que stupidité, facilité et laideur, avec son histoire non assumée toute droite sortie d’Amour, Gloire et Beauté même si elle a beau essayer de s’en cacher. Ridicule.
LE TALENT N’EST PAS HÉRÉDITAIRE
Résumé : Djuna est une femme séduisante mais aussi une vampire refusant d’exploiter sa condition. Malgré ses envies de retenue, elle ne pourra freiner son amour pour Paolo, un beau scénariste qui a emménagé dans le coin. Leur amour passionnel poussera Paolo à embrasser sa condition de vampire pour la rejoindre dans l’éternité. Un amour soumis à rude épreuve lorsque Mimi, la sulfureuse et ingérable soeur de Djuna, fera son apparition dans leur vie…
Dans la famille Cassavetes, je vous demande maintenant la fille… Oui mais laquelle ? Alexandra ! Ah. Les Cassavetes, c’est un peu comme les Baldwin, ils pullulent en nombre indéterminé mais un recensement est actuellement en cours. On connaissait tous l’illustre paternel, John, cinéaste majeur de la Nouvelle Vague américaine, auteur de classiques comme Faces ou Shadows. On connaissait le fils aussi, Nick, moins brillant dans le sens noble du terme mais doué quand même (She’s so Lovely, Alpha Dog). On a eu aussi il n’y a pas très longtemps une fille, Zoe, réalisatrice de Broken English avec Parker Posey en 2007. Mais celle qui nous intéresse aujourd’hui dans la dynastie (car oui, c’est une dynastie vu qu’on pourrait aussi vous parler de Virginia ou de Sasha, les petites-filles comédiennes etc.) c’est Alexandra, l’autre fille ou sœur ou mère, c’est selon le point de vue. Préférez d’ailleurs le plus hype « Xan Cassavetes », son pseudo tendance-branchouille parce que ça sonne mieux bobo artiste de la haute new-yorkaise dans les diners mondains. En fait, Xan Cassavetes n’est pas une totale inconnue. On se souvient même vaguement d’elle pour un documentaire vu il y a fort longtemps au Festival de Cannes avec l’ami Tarantino dedans et plein d’autres comme Altman, Jarmush, Jacqueline Bisset etc… Ca s’appelait Z Channel, c’était en 2004, et ça revenait sur l’histoire de ladite chaîne télé du même nom, l’une des premières payantes aux Etats-Unis dans les années 70, restée culte dans l’imaginaire de bien des gens pour sa programmation éclectique, notamment en matière de films. Honnêtement, c’était vraiment très bon, très pop et cinéphilique, avec un visage culturel d’une grande diversité négociant bien ses virages de tons et de styles. Depuis, pas grand-chose si ce n’est l’écriture du segment d’Allen Hugues pour New York, I Love You. Puis soudainement, Kiss of the Damned en 2012, une histoire de romance vampirique torturée sombre et de lutte déchirante entre deux sœurs haineuses, que la séduisante quadragénaire écrit et réalise avec un tout petit budget mais un casting intéressant, allant du duo d’actrices françaises Joséphine de La Baume (La Princesse de Montpensier, Rush, Johnny English 2) et Roxane Mesquida (vue dans Rubber, Sheitan, Kaboom, star de la série XIII) au beau-gosse Milo Ventimiglia (l’ex premier rôle de la série Heroes) en passant par le trop rare Michael Rappaport (le culte Dick Ritchie de True Romance), l’élégante dépressive Anna Mouglalis ou la jeune Riley Keough, petite-fille du King Presley et modèle vue dans The Runaways ou Magic Mike.
De bonnes conditions étaient réunies pour faire de Kiss of the Damned un film intéressant, qui s’est d’ailleurs offert une petite balade de festival en festival, de l’incontournable SXSW d’Austin à Stockholm, en passant par le BIFFF bruxellois ou la France où il a remporté un prix à l’European Fantastic Film Festival de Strasbourg. Sorte de thriller fantastico-psychologique à la limite de l’envoutante romance érotique, Kiss of the Damned est un pur film de vampires orienté vers les arcanes de ce monde de la nuit, sorte de pendant plus auteuriste des actioner Blade, centré sur l’histoire de Djuna, femme vampire attirante qui essaie de contrôler ses pulsions. De sa rencontre avec un beau scénariste, Paolo, va naître un amour incommensurable qui va le pousser à lui demander la transformation pour vivre éternellement avec elle. Un amour passionnel qui sera mis à mal avec l’arrivée dans leur vie de la sulfureuse Mimi, sœur de Djuna, dont le mode de vie et la philosophie de la condition vampirique sont on ne peut plus opposés. Monde, univers et organisation de la société vampire, différences d’appréhension de la condition, perversion ou amour fondamental, torture personnelle ou sentiment de toute-puissance, monstres, nouvelle civilisation ou évolution de l’homme, Kiss of the Damned ambitionne de revenir non pas au mythe vampirique mais à la condition même de ses membres.
Avec Kiss of the Damned, Xan Cassavetes a voulu signer un film de vampire différent, une sorte de réflexion sur l’être humain doublé d’un drame privilégiant les personnages et le sens à la pure et simple efficacité de l’horreur elle-même qui devient presque une toile de fond drapant une tragédie revisitant en quelque-sorte le mythe de Dr Jekyll et Mister Hyde à un niveau plus philosophique. Vous commencez à vous inquiéter ? Il y a de quoi. Non pas qu’il soit indispensable de faire fun et efficace façon Carpenter et son génial Vampires avec James Woods ou classique respectueux façon Coppola et sa version de Dracula, pour aborder la mythologie des suceurs de sang et embarquer le spectateur. Le cinéma vampirique a au contraire pour lui, cette capacité par son univers et ses thématiques riches, de pouvoir idéalement coller et s’imbriquer dans un cinéma à ambiance recherchant l’atmosphère troublante ou le sens et la réflexion. Au point même qu’à contrario, ce sont souvent les films les plus en dehors des clous balisant le genre, qui sont les meilleurs. Le problème, c’est que n’est pas Bigelow, Abel Ferrara ou Tony Scott qui veut. Et Kiss the Damned n’est certainement pas Near Dark, The Addiction ou Les Prédateurs, même si ça crève les yeux qu’il adorerait l’être et s’en réclame.
Enveloppé dans le papier glacé d’une romance vampirico-gothique esthétisante et vainement envoûtante mais authentiquement cheap et risible, Kiss of the Damned est une œuvre profondément ennuyeuse, pompeuse et prétentieuse, en plus d’être chaotiquement écrite et fort mal interprétée de surcroit. Sans aucune adhérence à ses personnages, froid, distant, nombriliste, plus ridicule et pathétique qu’il n’est séduisant ou enivrant, cet exercice est le résultat du travail d’une petite maligne qui se croit talentueuse au point de se regarder filmer pendant une heure et demi sans jamais se rendre compte que le déploiement de son ambiance fascinante coule à pic, submergé par des allures de soap vampirique intellectualisé bouffon et sot, à la limite du Twilight pour adultes des milieux bourgeois en mal de frissons et de conversations impolies dans les salons de thé. Lorgnant du côté du pas si mauvais The Informers de Greg Jordan (autre film « vampirique » jouant très audacieusement la carte de la différence et du climat troublant), Kiss of the Damned est une purge partagée entre sa stupidité non assumée et son désir de se hisser prétentieusement vers des sommets d’intelligence inatteignables pour lui. Au point que l’on se demande si le but était d’aller errer à gauche du coté de la série B dramatico-romanti »conne » ou à droite, dans les ornières de la philosophie de comptoir sur l’homme. Difficile de choisir tant le film mélange autant les codes mièvres du cinéma pour adolescentes pré-pubères en manque de frissons, à ceux faciles de l’intellectualisation à deux balles pour bobo-arty crayon à papier en bouche, bouquin-pavé dans les mains et cardigan bleu-marine sur les épaules, recherchant « d’abord du sens » pour ensuite aller se masturber le cerveau en réfléchissant aux interlignes d’une œuvre illusoire qu’il extrapolera pendant des heures, en passant par quelques velléités de s’ancrer un minimum dans l’efficacité du cinoche de genre au détour de scènes bien maladroites et insuffisantes ne proposant rien qui n’ait pas déjà été vu ailleurs. Mais pas de panique, à coup-sûr, on peut s’attendre maintenant au chapitre de l’auteur (et ses quelques succubes) qui criera à l’œuvre incomprise sur les suceurs de sang…
Sauf qu’en réalité, la vraie suceuse dans l’histoire, c’est bien la fille Cassavetes elle-même qui à défaut de nous pomper le sang, nous pompe l’air et notre temps avec cet exercice dérisoire mais qui se croit génial, tout droit sorti d’une tête devenue trop large pour passer les portes et renfermant l’esprit d’une élitiste gonflante à la limite du mépris envers un genre qu’elle entendrait presque « réinventer » (non parce que question trahison à la mythologie, Cassavetes se pose là et assume à 100% en emmerdant profondément son monde) pour le rendant élégant, noble et artistique. Bon, faut que ça sorte : « Hé machinette, redescend de ton piédestal maintenant, t’es pas la Andy Warhol du cinéma moderne, ça sert à rien ce tintamarre pas loin d’une relecture d’un épisode des Feux de L’amour qui aurait forniqué avec Twilight et ton Kiss of the Damned ne fera pas plus de bruit que bien d’autres idioties arrogantes et ampoulées et il s’évapora très vite dans l’air comme la fumisterie qu’il est ». C’est dit. A croire que Xan Cassavetes souffre d’un complexe d’infériorité en regard de son nom et veut prouver qu’elle aussi a du talent en faisant… tout le contraire du cinéma de son paternel. L’un était un porte-étendard de l’épure et du détachement de la technique, de l’improvisation, de la spontanéité, l’autre oeuvre dans le démonstratif, dans la surcharge visuelle, l’engoncement dans une technique ultra-léchée et millimétrée. Pourquoi pas. Mais c’est tellement mal fait, tellement branlant, faux et peu sincère. Et puis le premier compensait par une immense richesse de fond. Le seul fond entrevu par Kiss of the Damned, c’est celui de la médiocrité contre lequel il vient s’écraser avec comme seul airbag, son égo et sa niaiserie.
Bande-annonce :
Par Nicolas Rieux