23ème numéro du Wall Ciné Pictures, le rendez-vous « ciné-club » du samedi et ses trois idées de films à voir ou à revoir. Au programme de cette nouvelle escale dans l’histoire du cinéma, le baroud d’honneur de Sidney Lumet, le « Armagueddon des années 50″ et les adieux d’Hollywood au western de la grande époque…
7h58 CE SAMEDI-LÀ
De Sidney Lumet – 2007 – 1h56
Genre : Thriller, Drame – USA
Avec : Philip Seymour Hoffman, Ethan Hawke, Marisa Tomei, Albert Finney…
Synopsis : Ce samedi matin-là, dans la banlieue de New York, tout semble normal dans la vie des Hanson. Alors que Charles, le père, passe un test de conduite, sa femme Nanette ouvre la bijouterie familiale. Leur fils aîné, Andy, s’inquiète pour le contrôle fiscal qui débute lundi. Et comme d’habitude, Hank, son frère cadet, se noie dans ses problèmes d’argent. Mais à 7h58, ce samedi-là, tout va basculer dans la vie des Hanson.
86 ans…. Sidney Lumet avait 86 ans quand il réalisa 7h58, ce samedi-là, son ultime film avant sa mort, quatre ans plus tard. Et pourtant, à voir le résultat, on aurait presque l’impression de voir un jeune loup plein de fraîcheur et d’inventivité, donner une leçon de cinéma à tous les vieux de la vieille et les faiseurs insipides qui pullulent à Hollywood. Lumet avait su tirer le meilleur du script mis à sa disposition, et signa un film incroyablement abouti, à mi-chemin entre le thriller et le drame, transcendé en puissante tragédie familiale. Des comédiens formidables (Philip Seymour Hoffman, Ethan Hawke, Albert Finney, Marisa Tomei), une direction d’acteur aux petits oignons, une mise en scène efficace renforcée par une déconstruction du récit fine et intelligente (Tarantino n’aurait pas renié le résultat) et un modèle de gestion de la dramaturgie, font de ce 7h58, ce samedi-là, un ultime baroud d’honneur de la part d’un grand génie du septième art.
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LE DANGER VIENT DE L’ESPACE
De Paolo Heusch – 1958 – 1h46
Genre : SF – France/Italie
Avec : Paul Hubschmid, Madeleine Fischer, Ivo Garrani…
Synopsis : Soviétiques et américains ont réuni leurs connaissances scientifiques pour mettre au point un programme spatial : pour la première fois, un homme va être envoyé vers la Lune… Mais lors de l’opération, la fusée devient incontrôlable et la cabine est éjectée, revenant sur Terre. L’astronaute est sauf mais la fusée poursuit seule son voyage jusqu’à ce que son moteur nucléaire explose près d’une ceinture d’astéroïdes. Un gros météore, détourné de sa trajectoire, prend la direction de la Terre…
Les années 50-60 resteront comme un âge d’or de la SF, où des centaines de fictions furent produites internationalement, principalement aux États-Unis, en Angleterre mais aussi en France et en Italie. Coproduction franco-italienne justement, Le Danger Vient de L’espace de Paolo Heusch (un artisan transalpin anecdotique, qui a beaucoup officié dans le cinéma de genre) voit son intérêt revu à la hausse quand on sait que les effets spéciaux et la photographie ont été assurés par un certain (et futur illustre) Mario Bava. Qualitativement, on ne vous cachera pas ça se sent ! Vu d’aujourd’hui, les films du genre de l’époque rentrent dans deux catégories. Ceux qui étaient et restent abominablement mauvais, et ceux qui demeurent plutôt agréable à suivre, délicieusement kitsch ou pas. Le Danger Vient de L’espace rentre dans cette seconde catégorie. Tourné davantage comme un film catastrophe mais se rangeant néanmoins dans la SF un peu comme le Armagueddon de Michael Bay), La Morte Viene Dallo Spazio (un titre original très horrifique) est relativement efficace même s’il met un peu de temps à se mettre en place, et s’inscrit parfaitement dans son époque marquée par la Guerre Froide, avec les velléités respectives de conquête de l’espace. Mais film européen oblige, il se permet une neutralité qui n’aurait pas été de mise dans les cinémas des deux puissances hégémoniques, appelant gentiment et naïvement à la réconciliation et à la fraternisation entre les ennemis jurés d’alors. Sympathique sans être mémorable. Et comme il est tombé dans le domaine public, voici le film :
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SEULS SONT LES INDOMPTÉS
De David Miller – 1962 – 1h47
Genre : Western, Drame – USA
Avec : Kirk Douglas, Gena Rowlands, Walter Matthau…
Synopsis : Au Nouveau-Mexique, Jack Burns, authentique cowboy perdu dans notre monde moderne, retourne volontairement en prison pour aider son ami Paul à s’échapper. Mais comme celui-ci a décidé de purger sa peine jusqu’au bout, Jack s’évade tout seul mais est poursuivi par le shérif Johnson…
Lui aussi était un « brave », comme le héros de son western crépusculaire Seuls sont les Indomptés. Lui aussi faisait parti d’un ancien Hollywood en passe de péricliter, remplacé par la jeune génération. Souvent rangé dans l’oubli, David Miller reste et restera célèbre pour cet unique chef-d’oeuvre, produit et joué par Kirk Douglas, entouré de Gena Rowlands et Walter Matthau. Seuls sont les Indomptés est le chaînon manquant entre deux époques, et entre deux cinémas. Ou comment est-on passé des grandes épopées westerniennes à la John Ford, aux thrillers et aux polars à venir dans les seventies ? Ou comment est-on passé du cinéma des grands espaces, aux films plus urbains. Et par extension aussi, comment est-on passé d’un ancien cinéma représentatif d’une ancienne Amérique, à un nouveau cinéma se posant radicalement en faux avec son passé ? Seuls sont les Indomptés résume cela à travers un formidable récit suivant un cow-boy solitaire comme les aimaient Anthony Mann et consorts, qui se retrouve dans la position d’un « étranger » dans une société en pleine mutation. Oui, le cow-boy était dépassé, plus à la mode. Il renvoyait à un ancien temps presque archaïque, primitif et sauvage, que l’ère moderne voulait oublier pour aller de l’avant. La parabole n’était peut-être pas très subtile, mais le film s’impose rapidement comme un immense classique qui permet au spectateur de mieux visualiser une transition trop rarement traitée au cinéma, surtout avec autant de force. Miller, sur un scénario de Dalton Trumbo, signe un western désabusé, mélancolique, où un cow-boy à l’ancienne essaie de résister, selon ses méthodes, ses manières, son style, à cette modernisation qu’il refuse. Comme le diront si bien les Frères Coen quelques décennies plus tard, désormais c’est « no country for old men ».
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A samedi prochain !
Par Nicolas Rieux