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VINYL : Verdict du pilote de la série évènement de Martin Scorsese et Mick Jagger

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note 2 -5L’excitation aveuglée est souvent l’ennemie première de la sagesse clairvoyante. Non, ce n’est pas là un proverbe millénaire chinois sorti de l’esprit émérite d’un Confucius ou autre, mais une simple et bête maxime applicable à plein de choses diverses et variées. Et pourquoi pas au grand monde de la série télévisée par exemple, dont la qualité ne cesse de croître ces dernières années, sous l’impulsion de network américains audacieux misant sans retenue, sur des productions de plus en plus ambitieuses. Et à force de perpétuellement monter en niveau créatif, la télévision d’attirer un à un, tous les grands noms de son illustre voisin, le cinéma. Et c’est là que l’on en revient à notre maxime lapidaire, évoquée en préambule. À chaque fois que l’on se prépare au lancement d’une nouvelle série télé de standing, conduite par un beau nom ronflant du septième art, on ne peut s’empêcher d’en attendre instinctivement monts et merveilles, persuadé qu’illustre metteur en scène sera forcément gageure de qualité ultra-supérieure. Le passé nous a pourtant déjà prouvé le contraire à quelques reprises mais rien n’y fait, naïvement, on croit encore et encore que génie du cinéma rimera obligatoirement avec génie de la télévision. Et ce constat couplé au fait que l’attente est souvent proportionnelle à la notoriété de l’auteur en question, de nous entraîner vers le risque planant d’une cruelle désillusion.160701-news-vinylSpielberg, Michael Mann, Peter Berg, Michael Bay, Soderbergh, Shyamalan, Lee Daniels, David Fincher… Ils ont été nombreux à se frotter à la série télévisée ces temps-ci, avec des fortunes diverses. Aujourd’hui, c’est au tour de Martin Scorsese de s’y intéresser, en association avec son grand pote Mick Jagger, le tout sous la bannière HBO. Le réalisateur y avait déjà fait un bref passage en signant le premier épisode de Boardwalk Empire (et plus lointainement un de Histoires Fantastiques dans les années 80) mais cette fois, c’est un projet cher à son cœur qu’il s’apprête à livrer au public au terme de longues années de développement. Vinyl nous plonge sans ménagement dans les coulisses de l’âge d’or de l’industrie musicale américaine. Bienvenue dans les années 70, bienvenue dans l’univers du sexe, drogue, alcool et rock’n’roll ! Emmenée par le talentueux Bobby Cannavale, entouré entre autres d’Olivia Wilde ou Juno Temple, Vinyl marque donc l’arrivée fracassante de Martin Scorsese dans la famille HBO. Forcément, rien que le nom de Scorsese, associé à celui de l’icône Jagger, faisait de ce nouveau must promis par le network, l’un des évènements incontournables de l’année télé 2016. Alors, la classe scorsesienne a t-elle enflammée l’écran ?a-VINYL-SCORSESE-640x468Vinyl ne manque pas de qualités indéniables. Folle, fiévreuse, hallucinante, vibrante, électrique, ambitieuse, épique, musicale… La création scorsesienne cumule les adjectifs dithyrambiques, malheureusement aussitôt contrebalancés par une multitude de défauts fonctionnant à revers : folle, fiévreuse, hallucinante, vibrante, électrique, ambitieuse, épique, musicale… Vous l’aurez compris, tout le problème du show scorsesien tant attendu, réside dans le fait que ses qualités deviennent à rebours ses défauts, et vice versa. Œuvre boursouflée, adepte de la gonflette narrative et visuelle, où Scorsese paraît s’auto-caricaturer lui-même et son art emblématique en livrant un effort figé sur le style clinquant qu’on lui connaît mais sans y apporter quoique ce soit de neuf, Vinyl est une production éclatante qui tente de repousser encore un peu plus loin, les limites de la série télé en lui conférant une dimension encore plus cinématographique que jamais. Sauf que l’éclatant, c’est bien quand il est maîtrisé et non déversé mécaniquement dans un effort au m’as-tu-vu over-démonstratif. L’ennui dans l’histoire, c’est que tout marche à contresens avec ce Vinyl, dont les glorieuses qualités se retournent contre lui dans un effet boomerang douloureux. Et l’emphase illustrative, le jubilatoire d’une mise en scène tonitruante, la recherche d’un souffle grisant et monté sur pile, de virer au bordélique, au bancal, à la redondance, Vinyl souffrant d’un montage confusant déconstruisant sans cesse le récit par des allers retours temporels nuisibles pour l’accroche à l’histoire, souffrant aussi d’une mise en scène surchargée et d’une écriture bouffie et hasardeuse. Vinyl cherche à en mettre plein dans la vue dans une entreprise voulue immersive et tourbillonnante, mais le résultat fait au final mal aux yeux et à la tête, alors que l’on contemple de loin son caractère enivrant, prêt à se transformer en une gigantesque foire d’empoigne mal branlée, épuisante et donnant un sentiment de vertige désagréable.1401x788-vinyl002A vouloir brouiller la frontière entre cinéma et télévision par excès d’ambitions, Scorsese rate surtout son exercice par méconnaissance du langage télévisuel, livrant à la fois une belle œuvre de cinéma ronflante, et un pénible show au rythme souffreteux. Et voilà le second défaut majeur de Vinyl. A la base, Scorsese et Jagger ambitionnaient de faire un long-métrage semblable à une fresque totale décrite comme un Casino dans l’univers de la musique. N’ayant pu financer ce projet personnel dans leurs tiroirs depuis longtemps, le tandem a alors accepté la main tendue par HBO leur proposant de transformer le film de 3 heures, en une mini-série de huit. Un cadeau pour le duo, cadeau qu’ils ont transformé en mauvaise surprise ogresque. Parce qu’avec toute sa générosité stylistique et son amour de la belle cinégenie virtuose, Scorsese n’a pas su s’adapter à son nouveau médium. Plus clairement, Scorsese est un metteur en scène de cinéma et Vinyl le rappelle malheureusement dans la déception. Ni vraiment un film, ni vraiment un épisode de série, ce pilote voulu fantastiquement géant, cristallise ses erreurs dans ce défaut dominant de vouloir déployer une envergure trop grande pour ce qu’il était censé proposer.vinyl-hbo-teaser-trailer-0Le langage de la série télé répond à certaines conventions établies en matière de structure, d’écriture et de rythme, conventions que Scorsese n’a pas su embrasser, ayant fait le choix de transformer le registre à son image au lieu d’avoir essayé de s’y plier. Incapable de faire évoluer son travail pour l’assujettir à la dialectique de son nouveau moyen d’expression, le cinéaste signe au final un vrai/faux long-métrage de cinéma, qu’il s’apprête à découper en épisodes au terme de cet fastidieux lancement manqué. Sauf que film et série sont deux choses radicalement différentes, qui ne répondent pas du tout aux mêmes idéaux de réalisation comme de visionnage. Et Vinyl de venir poser les limites de cette mode des grands metteurs en scène passant du grand au petit écran en voulant y apporter leur façon de faire au lieu de la conjuguer à ses impératifs. Certains y verront une étape vers la révolution télévisuelle, d’autres, l’anéantissement d’un esprit. À trop vouloir bien faire, à trop vouloir faire beau et artistique, à trop vouloir élever le niveau de la série au rang d’art mimétique copiant le cinéma, Scorsese finit par dénaturer l’esprit même de la série télé et ce que l’on y recherche avant tout. Et Vinyl de s’écarter de tous ses codes pour basculer vers l’œuvre en inadéquation totale d’avec son container. Long, éreintant, étiré à l’extrême au point d’en devenir inexorablement ennuyeuse, Vinyl peine à accrocher au terme d’un pilote aussi somptueux et ambitieux que pénible à soutenir, apparaissant comme une sorte de monstre à deux visages, l’un séduisant pour ses intentions élévatrices, l’autre agaçant pour sa méthodologie exténuante sans cesse cacophonique et hypertrophiée. Oui, Vinyl, c’est beau, c’est même parfois fabuleusement grandiose, traversé d’immenses moments de cinéma. Mais c’est bien là tout le problème, ça n’était pas censé être du cinéma au fond, et c’est ce qui rend cette virée inaugurale survitaminée, totalement épuisante et hors-sujet, là où l’on aime parfois pouvoir « se reposer » sur le rythme porteur d’une bonne vieille série télé, si possible de qualité. En gros, Vinyl, c’est tape-à-l’œil, c’est parfois brillant, c’est du Scorsese pur et dur, c’est un tableau d’époque gargantuesque fabuleusement reconstitué (faut dire que qui mieux que Jagger maîtrise à fond le sujet…), mais c’est aussi un soufflé qui retombe fort vite et fait déchanter avec sa folie des grandeurs mégalomane faisant un pied de nez au divertissement télévisuel coupable limitant la prise de tête. Et si finalement, trop d’art tuait le plaisir ? Cynisme ironique ? Peut-être…

VINYL EST À DÉCOUVRIR SUR OSC À PARTIR DU DIMANCHE 15 FÉVRIER

OCS est disponible sur CANALSAT. Les épisodes de Vinyl seront à découvrir 24h après leur diffusion américaine.


Vinyl sur OCS dès le 15 février : 3ème trailer par OCS

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