[Note spectateurs]
Carte d’identité :
Nom : Vaurien
Père : Mehdi Senoussi
Date de naissance : 2018
Majorité : 19 septembre 2018
Type : Sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h30 / Poids : NC
Genre : Drame
Livret de famille : Mehdi Senoussi, Romane Bohringer, Carlo Brandt, Lizzie Brocheré, Pascal Elbé…
Signes particuliers : Noble et juste sur le fond, un peu trop essayiste sur la forme.
DU CINÉMA EN COLÈRE
LA CRITIQUE DE VAURIEN
Synopsis : Après cinq ans d’études supérieures, Red est toujours à la recherche d’un travail et lutte chaque jour contre l’exclusion. Lentement, il s’éloigne d’Anna, l’amour de sa vie. Suite à une lettre lui signifiant sa radiation, il se rend à l’Agence pour l’Emploi, où on lui refuse un rendez-vous. N’ayant plus rien à perdre, il prend alors en otage le personnel et le public. Comme un ultime appel à l’aide, il est décidé à sauver ce qu’il lui reste de dignité. Alors que la contestation sociale s’intensifie en France au gré des réformes discutées d’un gouvernement macronien réglé au pas de charge, Vaurien débarque au cinéma comme un cri de colère à l’encontre des maux de notre société malade, un cri venant épouser les affres d’un système défaillant où les laissés-pour-compte n’ont jamais aussi bien porté ce nom. Première réalisation d’un Mehdi Senoussi qui endosse également le rôle principal de ce thriller social conjugué au drame intimiste engagé, Vaurien dresse le portrait de Redouane, un français d’origine maghrébine qui va prendre en otage une antenne du Pôle Emploi pour se faire entendre après avoir été brutalement radié des listes du chômage. L’épopée d’un homme prêt à tout pour faire parler sa dignité mise à mal. Aujourd’hui, Vaurien est un film terriblement d’actualité. Et dire que le projet est né en 2006, dire que la réalité a depuis longtemps rattrapé et dépassé la fiction. A travers la croisade de Redouane, attachant antihéros aux allures de symbole personnifié, et au fil de l’évolution de son acte criminel, c’est le visage de millions de personnes qui se dessine sous les traits de cet homme désespéré. Le visage de ces millions de chômeurs qui se battent au quotidien, de ces millions de personnes qui subissent les préjugés, de ces millions de personnes qui essaient d’affronter comme ils le peuvent un système broyeur, le visage de ces nombreux jeunes déjà au chômage alors que leur vie active commence à peine, le visage de ces pères et mères qui n’arrivent plus à assumer leur famille, le visage de ces nombreuses personnes pleine de bonne volonté mais qui coulent à pic. Et au sommet, le visage fantomatique d’un système social à bout de souffle, d’un système qui n’avance plus, d’un système qui n’a plus les solutions et qui tente pourtant de donner l’illusion d’en avoir.À l’heure de la crise sociale, de l’enlisement économique, du désespoir et des avenirs assombris, Vaurien exploite l’idée d’un fait divers fictif mais qui pourrait très bien être authentique. Il est vrai que le film de Senoussi ne porte pas la mention « basé sur une histoire vraie » mais il pourrait car depuis sa genèse il y a une douzaine d’années, des faits similaires ont réellement eu lieu. De très loin, Vaurien rappelle un peu le méconnu Mad City de Costa-Gavras avec John Travolta et Dustin Hoffman (l’histoire d’un homme licencié qui prend ses anciens bureaux en otage) mais le modeste effort de Sinoussi est plus frontal, plus intimiste, plus brut, plus désargenté et surtout moins « spectaculaire » dans l’âme, privilégiant la réalité de son message de fond à toute envolée d’émotion factice. Dans le détail, Vaurien veut souligner le sentiment de détresse qui anime une génération résiliente, qui se débat engluée dans le chômage et la pauvreté latente avec peu de moyens de s’en sortir. Les intentions de Mehdi Senoussi sont bonnes, louables même, mais un peu noyées dans un effort très théorique, trop attaché à la démonstration de ses idées au point d’en oublier parfois d’être cinégénique. Mais si l’édifice transpire souvent la maladresse d’un long-métrage produit à la démerde pour émerger du chaos, Vaurien est quand même méritant, plus pour la tribune libre qu’il tente d’offrir que pour ses réelles qualités cinématographiques contrariées par un manque de moyens évidents, et une écriture pleine d’acuité dans les idées mais un peu relâchée côté narration et dramatisation. Reste un film sincère et important dans la voix qu’il porte, un film qui évite les écueils du misérabilisme et du manichéisme et qui parvient à concerner son auditoire en lui montrant que tout le monde pourrait être ce Redouane sacrifié sur l’autel d’une société qui ne tourne plus rond.
BANDE-ANNONCE :
Par David Huxley