Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Matar a un Hombre
Père : Alejandro F. Almendras
Date de naissance : 2014
Majorité : 05 mai 2015
Type : Sortie DVD
(Éditeur : Blaq Out)
Nationalité : Chili
Taille : 1h23 / Poids : 2NC
Genre : Drame
Livret de famille : Daniel Candia (Jorge), Alejandra Yáñez (Marta), Daniel Antivilo (Kalule), Ariel Mateluna (le fils), Paula Leoncini (Fiscal), Jennifer Salas (Nicole)…
Signes particuliers : Inspiré d’un fait divers réel survenu au Chili, Tuer un Homme est un drame sourd et étouffant utilisant le cinéma pour mettre en avant ce qu’il a trop souvent tendance à occulter (ou à banaliser) : la difficulté de l’acte de tuer.
PASSAGE À L’ACTE
LA CRITIQUE
Résumé : Jorge est un homme honnête qui travaille dur pour faire vivre sa famille. Une nuit, il se fait insulter par une bande de jeunes gens, menée par un ancien délinquant du quartier. Son fils se fait à son tour agresser. La crainte et l’angoisse envahissent peu à peu la famille dont le quotidien devient infernal.L’INTRO :
L’éditeur Blaq Out a pris l’habitude d’étancher notre soif de cinéma de tous horizons avec des pépites en provenance des quatre coins du monde. La dernière en date, Tuer un Homme, est un drame chilien réalisé par Alejandro Fernandes Almendras, primé à Sundance, dont il est reparti avec le Grand Prix. Une récompense flatteuse qui a inauguré une tournée des festivals, le film ayant pris ensuite la route de Paris Cinéma, de La Rochelle, de Beaune, de Rotterdam etc… Avec ce troisième long-métrage, Alejandro Fernandes Almendras s’est penché sur un fait divers survenu au Chili, l’histoire d’un homme tout ce qu’il y a de plus banal, poussé au meurtre d’un voyou qui harcelait et terrorisait sa famille. Un drame qui aurait fait naître une intention chez le metteur en scène, montrer ce que le cinéma a trop souvent tendance à occulter : ce qu’il se passe après un meurtre. Si l’acte de tuer est aujourd’hui banalisé à l’écran par les films d’action, d’horreur, les thrillers et autres, psychologiquement, il s’entrechoque violemment avec la conscience personnelle. Une phrase aura fondamentalement marqué Almendras. A la question « Seriez-vous prêt à recommencer ?« , le « meurtrier » qui purge aujourd’hui une peine de vingt ans de réclusion, avait rétorqué cette phrase lourde de sens « Non, vous n’avez pas idée de ce que c’est de tuer un homme. » Voilà un postulat fort.L’AVIS :
On passera vite sur les quelques faux raccords techniques d’un film tourné à l’économie et dans la difficulté (une grande majorité des scènes ayant été tourné de nuit) pour s’intéresser à l’exploit cinématographique que représente ce film d’auteur passionnant. Tuer un Homme est une curiosité. On est familier des films partant du drame pour virer vers le film de vengeance, rarement de l’inverse. Ici, Almendras part d’une base de film de genre pour déployer un drame social questionnant la morale d’un homme mise à rude épreuve, s’attardant sur son évolution psychologique face à la pression grandissante. Drame tout en silence, en précision et en retenue oppressante, ne cherchant pas à théâtraliser son histoire basée sur des faits authentiques, mais privilégiant un regard lointain, sobre, intelligent, pour contempler à distance une tragédie du quotidien, Tuer un Homme est le récit tragiquement banal qui trébuche, poussé par la force des choses, par l’inertie générale, par la pression familiale et par le rôle viril qu’il est contraint d’occuper en société. Le cinéaste ne cherche pas à ouvrir un débat, pas plus qu’il ne cherche à réfléchir sur le bien-fondé de la vengeance ou à questionner l’acte de son protagoniste. De fait, Almendras ne juge pas son personnage. Il se contente de dresser un bref portrait (1h15) fascinant et tellurique, nanti d’une tension sourde et dérangeante.Film d’anti-héros, Tuer un Homme est une œuvre qui dénie l’empathie pour mieux saisir à vif son sujet. Un père de famille couard, inerte face au harcèlement dont est victime sa famille, loin de la virilité qu’on voudrait lui voir. Un ennemi aux allures de caricature de la petite frappe médiocre et vile. Le naturel de l’histoire, la sobriété du jeu des comédiens et le minimalisme sans effet de manche, confèrent toute l’intensité à cette subtile et glaçante illustration. On regrettera seulement trois choses. Que la tension sociale ne se déploie pas dans le système névralgique de l’œuvre, pour venir épauler l’intensité psychologique de ce cheminement vers un meurtre programmé. Que l’après-meurtre soit aussi rapidement expédié au point de gêner la compréhension des motivations du personnage. Et surtout, que Tuer un Homme ne soutienne pas un vrai discours derrière son regard apposé sur le drame qu’il met en scène. Mais en l’état, il est déjà un petit miracle de cinéma audacieux.
LE TEST DVD & LES SUPPLÉMENTS
Blaq Out a fait les choses bien pour mettre en valeur la sortie vidéo de Tuer un Homme. Outre une galette superbe, restituant merveilleusement la palette jaune-orange des couleurs du film, chère aux yeux d’Almendras qui souhaitait par là, « renforcer l’impression que le personnage évoluait en enfer », l’éditeur a adjoint quelques suppléments de grande qualité. A commencer par un entretien d’une vingtaine de minutes avec le cinéaste, qui évoque la genèse du projet, ses intentions et le tournage. L’interview a même l’intelligence de ne pas se limiter seulement à Tuer un Homme, s’appuyant sur lui pour explorer succinctement le cinéma d’Almendras en général, effectuant quelques ponts avec ses autres films. Ensuite, viennent 16 minutes de scènes coupées au montage et que l’on contemple les yeux ébahis devant leur beauté saisissante et leur intérêt narratif. Seule frustration du coup, l’absence d’explications sur ces choix de montage du metteur en scène.
Dernière précision de taille, le « petit cadeau bonus » de cette édition DVD qui vous propose deux films d’Almendras pour le prix d’un ! En effet, vous trouverez au dos de la jaquette, un code promo qui vous permettra de louer gratuitement Près du Feu, le second long-métrage du cinéaste, sur la plateforme VOD de UniversCiné. Une excellente initiative de Blaq Out pour prolonger votre connaissance du cinéma de cet artiste chilien hautement passionnant. Ami cinéphile heureux détenteur du DVD, c’est par ici. Et bon visionnage !
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux