Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Suite Française
Pères : Saul Dibb, David Parfitt
Date de naissance : 2014
Majorité : 1er avril 2015
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 1h47 / Poids : 15 M$
Genre : Drame, Guerre, Romance
Livret de famille : Michelle Williams (Lucille), Matthias Schoenaerts (Bruno von Folk), Kristin Scott Thomas (Mme Angellier), Sam Riley (Benoît), Margot Robbie (Céline), Ruth Wilson, Lambert Wilson (le Viscomte)…
Signes particuliers : Un très beau mélodrame sur fond de deuxième guerre mondiale, riche en émotions, en suspens et en spectacle.
AIME MOI SI TU PEUX
LA CRITIQUE
Résumé : Cinquante ans après la mort d’Irène Némirovsky sa fille trouve le courage de lire son journal et y découvre une histoire incroyable… 1940 – France. Attendant des nouvelles de son mari, prisonnier de guerre, la sublime Lucile Angellier mène son existence sous l’oeil inquisiteur de sa belle-mère. Mais bientôt arrive une garnison de soldats allemands qui s’installe chez l’habitant. Elle essaye d’abord d’ignorer Bruno, l’élégant officier qui séjourne chez elles. Ils succomberont à l’amour au bout de quelques semaines, ce qui va les mener vers les tragédies de la guerre… L’INTRO :
Le cinéma et la Deuxième Guerre Mondiale, c’est une longue histoire peuplée de chefs d’œuvre, de films moyens et d’échecs. Avec le temps, ce sont les deuxième et troisième catégories qui ont tendance à se remplir alors que la production américaine ou hexagonale, semble avoir fait le tour du sujet, peinant à trouver de nouvelles manières de raconter des histoires que l’on ne connaît que trop bien. C’est logiquement non sans une certaine méfiance que l’on abordait ce Suite Française, réalisé par Saul Dibb (The Duchess) et produit par David Parfitt (producteur oscarisé de Shakespeare in Love). Le tandem s’est penché sur un roman signé Irène Némirovsky, best-seller mondial et Prix Renaudot en 2004. Et parce que la petite histoire est parfois au moins aussi incroyable que la grande, Suite Française est un ouvrage rescapé à l’odyssée particulière, roman retrouvé dans une valise 60 ans après son écriture, par la fille de son auteure.L’AVIS :
Suite Française est du beau travail d’orchestre où chacun joue merveilleusement bien sa partition, des costumiers aux comédiens, du compositeur au chef opérateur, du scénariste à l’accessoiriste en passant bien entendu par le réalisateur Saul Dibb, qui rend justice aux écrits d’Irène Némirovsky et à la finesse avec laquelle elle aura raconté un pan de la guerre, plus particulièrement l’exode de 1940 et la façon dont les conflits ont cette faculté de faire ressortir les vrais visages des gens qui l’animent. Ambitieux dans la forme comme dans le fond, Suite Française surprend par l’ampleur du panorama qu’il offre du début de la guerre. Le film montre pourtant des choses que l’on a été habitué à voir à l’écran, notamment dans la production hexagonale de tradition. Pourtant, on se retrouve bien vite captivé par ce beau récit œuvrant à la fois dans le drame et la romance, et qui a cet atout indéniable de ne jamais en faire ni trop ni pas assez, de toujours s’allier une incroyable justesse peu importe les directions qu’il choisit d’emprunter. Rien de nouveau en soi tant le film suit des pistes qui ont toutes déjà fait l’objet de nombreux métrages, mais Suite Française est soigné, bien ficelé, passionnant, en plus d’offrir un étalage de talents devant la caméra, d’une merveilleuse Michelle Williams qui confirme tout le bien que l’on pense d’elle à un Matthias Schoenaerts qui n’a de cesse d’impressionner de rôle en rôle, en passant par Kristin Scott Thomas impeccable en belle-mère rigide ou Lambert Wilson en maire couard dont la trajectoire sera l’une des plus belles et des plus fortes.
Par les destins de personnages dessinant le microcosme qu’était un village français banal pendant la guerre, le cinéaste Saul Dibb dresse un portrait complet montrant un peu toutes les facettes de la guerre qu’il pénètre ou esquisse, sans jamais se noyer dans la vaste étendue de son sujet. Avec beaucoup de savoir-faire, le metteur en scène illustre bien la thématique de ces natures qui se révèlent face à l’horreur et à l’angoisse, au travers de personnages qui évoluent intelligemment et subtilement dans leurs trajectoires personnelles. Les irréductibles qui répondent avec mépris à l’envahisseur, ceux qui prennent les armes et se rebellent, ceux qui collaborent, ceux qui tombent amoureux, ceux qui sont gentils, ceux qui sont cruels, ceux qui sont dépassés, ceux qui sont traqués, ceux qui sont courageux et ceux qui sont lâches, ceux qui profitent et ceux qui sont opprimés… Saul Dibb navigue entre le bord français et le bord allemand, montrant qu’avant tout, il s’agissait d’hommes et femmes embarqués dans un conflit grondant les obligeant à faire des choix, à prendre leurs responsabilités, alors que le cœur et le camp devenaient des ennemis en conflit interne chez chacun.
Avec subtilité et élégance, que ce soit dans la beauté comme dans le tragique, Suite Française est une belle réussite qui brasse tout l’héritage du grand cinéma et qui impressionne par sa précision et son souci du détail, évoquant derrière sa passion romanesque contrainte, la question juive, l’exode, la peur, la résistance, les bombes, l’occupation en général et celles des domiciles (thématique délicate après le définitif Le Silence de la Mer de Melville), les relations qui se nouent et se dénouent, les lettres de dénonciations vis-à-vis des juifs mais également entre voisins (un sujet de honte trop rarement abordés)… Surprise à la fois dure, émouvante et pleine de délicatesse jaillissant de la dureté de son sujet, Suite Française est un bien beau film qui fait mouche au-delà des espérances.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux