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SILS MARIA de Olivier Assayas
Critique #Cannes2014 – Sortie ciné

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note 7
Carte d’identité :
Nom : Sils Maria
Père : Olivier Assayas
Livret de famille : Juliette Binoche (Maria Enders), Kristen Stewart (Valentine), Chloë Grace Moretz (Jo-Ann Ellis), Lars Eidinger (Klaus), Johnny Flynn (Christopher), Angela Winkler (Rosa), Hanns Zischler (Henryk Wald), Benoit Peverelli (Berndt)…
Date de naissance : 2013
Majorité : 20 août 2014 (en salles)
Nationalité : France
Taille : 2h03
Poids : Budget NC

Signes particuliers : Au milieu de la splendeur des montagnes suisses, Olivier Assayas nous attache à ses somptueux personnages pour un film multipliant les réflexions et les thématiques abordées. La richesse de Sils Maria n’a d’égale que sa passion, sa force et l’étourdissante prestation de ses comédiennes.

 

LE BAL DE L’ACTRICE

LA CRITIQUE

Résumé : À dix-huit ans, Maria Enders a connu le succès au théâtre en incarnant Sigrid, jeune fille ambitieuse et au charme trouble qui conduit au suicide une femme plus mûre, Helena. Vingt ans plus tard on lui propose de reprendre cette pièce, mais cette fois de l’autre côté du miroir, dans le rôle d’Helena…192785.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxx L’INTRO :

Olivier Assayas, Juliette Binoche, Kristen Stewart, Chloé Grace Moretz, les paysages magnifiques de la Suisse, le fantôme d’une pièce légendaire refaisant surface, une histoire aux allures de déclaration d’amour aux actrices et au cinéma en général et s’ouvrant vers une réflexion existentialiste, Sils Maria a été l’un des grands temps forts du dernier Festival de Cannes où le dernier film du metteur en scène français a été présenté (et injustement boudé lors des récompenses). Pour son quinzième long-métrage, Olivier Assayas nous abandonne du côté des montagnes helvètes, en compagnie de Maria Enders, une actrice renommée, et de sa jeune assistante dévouée. Ensemble, elles doivent préparer la première à sa prochaine pièce de théâtre Maloja Snake, acceptée non sans réticences en raison du pari risqué qu’elle représente, la comédienne devant y interpréter « l’autre rôle ». Vingt ans plus tôt, Maloja Snake lançait sa carrière d’actrice de 18 ans pleine de talent. Face à elle, une « vieille » comédienne au jeu daté tranchant avec sa modernité et sa jeunesse. Aujourd’hui, comme un passage de l’autre côté du miroir, c’est lui que Maria se voit proposé, face à une jeune actrice issue de la nouvelle génération des films de superhéros…sils maria

L’AVIS :

On a connu Assayas talentueusement stylisé (Irma Vep), on l’a connu survolté (Demonlover), on l’a connu plus dramatique (Clean), on l’a connu énergique (Carlos)… Aujourd’hui, c’est un cinéaste comme pleinement épanoui que l’on retrouve avec Sils Maria, œuvre magnifique et épurée, d’une maturité saisissante. Calme scéniquement et violent émotionnellement, apaisé et pourtant plus vivant que jamais, fascinant voire envoûtant et dans le même temps dérangeant et inconfortable, intimisme et ouvert sur une réflexion universelle, conjuguant une forme d’abandon passionnel à son sujet et une réelle emprise sur lui…  Il y a du Bergman (du Mankiewicz de All About Eve aussi) dans ce Sils Maria, bijou étincelant de maîtrise, drame plein d’authenticité et d’intelligence, né de son histoire commune avec l’immense Juliette Binoche. Il y a près de trente ans, Assayas coécrivait son tout premier scénario, Rendez-Vous de Téchiné. Devant la caméra, une jeune comédienne de 20 ans, Binoche. Le film était une mise en abyme de la carrière d’actrice. Autant d’éléments que l’on retrouve dans la trame de Sils Maria, qui parle de théâtre, de cinéma, du métier de comédienne, mais surtout du temps qui passe et du rapport que l’on a, à son propre passé.207941.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxx

Pour reprendre une phrase du film, si la somme des expériences que l’on a pu avoir ont façonné l’être humain et l’artiste que l’on est aujourd’hui, alors Dieu bénisse celles qu’ont connues Juliette Binoche et Olivier Assayas puisqu’elles ont mené vers ce « presque » chef d’œuvre qu’est Sils Maria. Avec le récit de cette comédienne replongeant dans l’univers d’une pièce complexe qu’elle a jadis interprété dans le rôle opposé à celui qu’elle va endosser aujourd’hui, le cinéaste et sa muse dissertent ensemble sur rien de moins que la vie, sur le rapport du présent au passé, au temps qui file, qui nous change, à moins que ce soit le monde autour de nous qui ait changé ou notre perception de celui-ci qui ait évolué. La dynamique de ces réflexions est incarnée par les échanges entre la comédienne Maria Enders/Juliette Binoche et son assistante personnelle, Valentine/Kirsten Stewart. Deux générations d’actrices qui se rencontrent dans un film qui multiplie les mises en abyme virtuoses (la carrière de Binoche, l’époque trash de Stewart, le fossé générationnel et de vécu qui les sépare, le cinéma moderne et ses blockbusters décérébrés, la parodie de films de superhéros, la présence de Chloé Moretz qui vient de Kick Ass…). Si l’on passera sur Moretz, finalement peu présente mais néanmoins parfaite dans son rôle, on retiendra surtout la puissance évocatrice et sublimée de la rencontre de ses deux actrices principales, une Binoche habitée et bouleversante et une Kristen Stewart qui crève l’écran comme jamais.549282.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxx

Sils Maria est de ces long-métrages qui supportent, voire requièrent, nettement plus qu’une vision, film au parfum de philosophie, de miroir tendu, de mystères aussi, certains pouvant dérouter mais participant pleinement à la majestuosité de l’œuvre toute entière. Sa richesse, son intelligence, l’acuité de son (ou plutôt de ses) discours, en font un joyau sinueux et passionnant, maestria cinématographique au premier abord impénétrable mais qui finit par se traverser avec des sentiments entrechoqués de douceur tragique, de plénitude mélancolique, de dureté et de bien-être. Alors on pourra trouver à redire. Sur la forme d’abord, quand Assayas commet quelques maladresses avec une mise en scène pleine de modernité mais se laissant parfois aller à quelques fausses notes comme un recours excessif aux fondus. Si les nombreux fondus aux noirs peuvent être assimilés à une symbolisation des levers de rideaux théâtraux dans une œuvre chapitrées en actes, qui en appelle parfois à Lars von Trier d’ailleurs, les fondus enchaînés, eux, paraitront plus poussiéreusement datés et peu inspirés. Sur le récit ensuite, quand Assayas parasite sa ligne directrice attachée au personnage de Binoche qu’il ne quitte que très rarement, pour quelques digressions inutiles plongeant le film dans une cacophonie fort heureusement rare. Quelques défauts « égratigneurs », certes, mais qui ne viendront pas détruire la qualité du travail accompli.sils maria stewart

Sils Maria est du grand cinéma verbeux. Verbeux mais nutritif. Comme quoi, le style n’est pas nécessairement synonyme d’ennui ankylosant. La force de son histoire, simple sur la forme mais complexe sur le fond, la force des dialogues, des émotions, de la psyché de ses protagonistes, de l’effritement des convictions, n’auront d’égal que la magie des paysages dans lesquels se jouent ce drame sublime, alors que l’ombre du mystérieux Maloja snake (phénomène météorologique suisse incroyable de beauté) plane telle une brume lentement envahissante descendant à flanc de colline, mais aussi sur ses personnages écrits avec puissance et vertige. Car voilà comment décrire Sils Maria, une œuvre vertigineuse, sans limites si ce n’est celles que l’on voudra bien y voir. Un délice pour cinéphiles avertis.

Bande-annonce :

Par Nicolas Rieux

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