Nom : Pauline s’arrache
Mère : Emilie Brisavoine
Date de naissance : 2015
Majorité : 03 mai 2016
Type : Sortie DVD
(Éditeur : Jour de Fête)
Nationalité : France
Taille : 1h28 / Poids : NC
Genre : Documentaire, comédie dramatique
Livret de famille : Pauline Lloret-Besson, Meaud Besson, Frédéric Lloret, Emilie Brisavoine…
Signes particuliers : Un fabuleux documentaire construit comme un fabuleux film… Ou l’inverse.
LA FOLLE HISTOIRE DE LA PRINCESSE PAULINE
LA CRITIQUE
Résumé : Pauline, 15 ans, est la seule de la fratrie à vivre encore avec ses parents. Entre sa mère, une ancienne reine de la nuit, et son père qui se travestit, son quotidien est explosif. Pauline est filmée pendant deux ans par sa demi-soeur Emilie, qui mélange des archives familiales et des images prises sur le vif… On y découvre une jeune fille pleine de vie, parfois agaçante mais au charme désopilant, très amoureuse d’un musicien. Pendant les deux années où la caméra la suit se joue une question fondamentale : quand et comment devient-on adulte ? Quel est le bon moment pour quitter le giron familial, pour « s’arracher »… L’INTRO :
Pendant quatre ans, Emilie Brisavoine a filmé sa demi-sœur, et par extension sa famille. Pauline s’arrache est la somme de cet effort de longue haleine, un film-documentaire qui n’était même pas censé traverser le cadre de la sphère strictement familiale, avant que l’histoire atypique de sa conception ne le mène plus loin que prévu. L’intervention initiale d’un ami qui a prêté sa caméra à cette professeure d’arts plastique en la mettant au défi d’en faire quelque-chose. L’intervention d’amis qui l’ont ensuite poussé à chercher un producteur. Et au final, de sa centaine d’heure de rushes, la néo-réalisatrice a su créer, faire naître une œuvre testamentaire absolument sensationnelle, qui se sera baladée de festival en festival aux quatre coins de l’Europe, avec un passage à Cannes. Et si derrière ce qu’il montre à l’écran, Pauline s’arrache est l’histoire d’un petit exploit, devant, il l’est tout autant.L’AVIS :
L’entrée dans l’univers du film d’Emilie Brisavoine est déroutante. Des images vidéo captées à la volée avec un caméscope, pas loin de l’exercice amateur. Des images brutes, à la qualité visuelle très relative, sans éclairage, avec un son en prise directe. On se rend vite compte que Pauline s’arrache n’est pas un film de cinéma traditionnel mais une œuvre instinctive, improvisée, un effort qui montre plus qu’il ne filme, qui capture plus qu’il ne met en scène. Pourquoi pas, même si l’on ne peut s’empêcher d’éprouver quelques inquiétudes sur la finalité nombriliste de la chose, sur sa tenue sur la durée, ou sur sa réelle valeur cinématographique. Mais parfois, le génie est fait de petits riens, parfois, la grandeur s’érige sur les fondations d’une humilité désarmante. C’est tout ce que sera Pauline s’arrache, modeste petite tentative qui en dit tellement long sur la foi de sa seule instantanéité authentique.Revêtant l’emballage amusément décalé d’un conte de fée, Pauline s’arrache va s’appliquer à utiliser son « costume » pour mieux souligner la noirceur de son histoire anti-merveilleuse et tragiquement réaliste. On pense se lancer dans le journal de bord vidéo d’une adolescente insupportable et archétypale de cette nouvelle génération pseudo-rebelle à l’agaçante inconséquence, mais l’erreur de jugement hâtif va vite prendre forme. En réalité, on est face à un formidable récit d’apprentissage universel, celui d’une « poupée » immature à qui l’on a demandé de grandir trop vite et trop mal, sans repère, sans amour, sans valeurs. On pense que l’on va rire tout du long devant la futilité de cette jeune gamine impossible aux allures d’enfant gâté, on se rend vite compte que l’on est devant le spectacle d’une tragédie, celle d’une pauvre gosse enfermée dans un cauchemar émotionnel et familial peu enviable. Le masque tombe, l’amusement fait place au déchirement, le rire fait place aux larmes, l’anecdotique fait place au témoignage bouleversant d’une enfance sacrifiée. Entre moments cocasses et scènes poignantes, entre délires destroy et réflexions existentielles à hauteur d’adolescente, entre excessivité et tendre regard sur des passages de vie obligés (ou non), Pauline s’arrache est un portrait tour à tour intelligent et plein d’énergie, désolant ou pertinent, intimiste ou universel.Documentaire qui deviendrait presque une comédie dramatique de fiction ou comédie dramatique construite sur les fabuleuses fondations de sa démarche documentaire au naturel salvateur, Pauline s’arrache brille surtout par ce que son auteure a su faire de sa riche matière épisodique. Il y est formidable de voir comment, à la seule force d’un travail de montage à la sagacité sans pareille, Emilie Brisavoine réussit à raconter quelque-chose de follement écrit sans l’être, de follement cinématographique sans l’être, de follement homogène au-delà des heures et des heures de rushes foutraques qu’elle a pu capter. La chronique erratique d’une ado au milieu d’une famille singulière, se transforme progressivement en un drame initiatique sur le travail d’émancipation d’une jeune femme qui revient de loin. Profondément psychologique et psychanalytique entre ses lignes, souvent malin dans sa manière d’utiliser ses images et recourant à une étrange forme de « pudeur impudique », Pauline s’arrache accomplit la prouesse de dépasser son statut de documentaire en forme d’épisode de Confessions Intimes misérabiliste, pour embrasser un regard en prise directe avec la vie, où l’hilarité s’entremêle à l’émotion, à la violence âpre ou à la dureté de l’évolution dans une cellule familiale dysfonctionnelle. Une cellule que les parenthèses « hors du sujet » qu’est son héroïne, ne servent qu’à mieux cerner. Sans le vouloir, Pauline s’arrache est du grand cinéma. Et c’est peut-être justement parce qu’il n’en a pas forcément conscience, que sa sincérité et son acuité déchirent autant, balayant tout cynisme ou souci de prétention. Bouillonnant, frais et superbe !
LA BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux