Nom : Marty
Père : Delbert Mann
Date de naissance : 1955
Majorité : 04 mai 2016
Type : Sortie vidéo
(Editeur : Wild Side)
Nationalité : USA
Taille : 1h30 / Poids : NC
Genre : Comédie dramatique, Romance
Livret de famille : Ernest Borgnine, Betsy Blair, Esther Minciotti…
Signes particuliers : Un classique « hors normes », qui aura surpris tout son monde en 1955.
CHRONIQUE DE L’AMOUR CHEZ DES GENS ORDINAIRES
LA CRITIQUE
Résumé : Trentenaire résigné par son succès auprès des femmes, Marty s’accommode de son statut d’éternel célibataire. Pourtant, malgré les apparences, ce garçon affable mais complexé souffre, blessé par les remontrances de proches lui rappelant sans cesse l’incongruité de sa situation. Lorsqu’il rencontre Clara, une jeune institutrice timide, qui semblait aussi avoir renoncé à l’amour, Marty caresse enfin l’espoir de mener une vie comme les autres. Mais c’était sans compter sur le mépris soudain de son entourage à l’égard de Clara…L’INTRO :
Marty, c’est l’histoire curieuse d’un tout petit film programmé pour être un flop et qui est devenu un succès public et critique totalement inattendu. C’est l’histoire d’un petit film fragile sans comédiens très connus (à l’époque) et tiré d’un téléfilm qui s’est hissé à la surprise générale, aux sommets des Oscars et du festival de Cannes. C’est l’histoire de l’un des plus gros hold up artistique de l’histoire du cinéma, et au passage de l’une des entreprises les plus rentables qu’ait pu connaître Hollywood. En 1953, le scénariste Paddy Chayefsky, le réalisateur Delbert Mann et le producteur Fred Coe travaillaient tous sur la série The Philco Television Playhouse. Ils s’attèlent ensemble à l’écriture d’un long-métrage sur les mésaventures sentimentales d’un boucher italien rondouillard du Bronx à la recherche de l’amour pour ne pas finir vieux garçon. Le succès du téléfilm amène l’idée d’un film de cinéma. Toute l’équipe rempile et Burt Lancaster rejoint le projet en tant que producteur, l’acteur ayant besoin d’un flop pour de sombres histoires de déductions d’impôts. Il jouera de malchance. Personne ne croyait en ce Marty, porté par la bonhomie d’un Ernest Borgnine alors habitué aux seconds rôles patibulaires et un Betsy Blair qui ne répondaient pas vraiment aux canons de beauté de l’époque (en plus de traverser l’enfer du blacklistage pour ses sympathies marxistes héritées de son mari Gene Kelly). Et pourtant… Marty sera un succès public hors norme à l’affiche pendant de longs mois, suivi d’un triomphe critique avec une Palme d’Or à Cannes et 4 Oscars, dont les plus importants.
L’AVIS :
Pour un hold-up, autant dire que Marty en est un, et même de taille! Car la redécouverte du film aujourd’hui laisse sérieusement songeur sur la valeur réelle de ce petit drama sentimental (et sentimentaliste) dont les qualités sont davantage à aller chercher du côté de la corrélation entre ce qu’il montre et raconte, et l’époque dans laquelle il a pu le montrer et le raconter. Fortement surestimé, Marty n’est pas loin de s’imposer comme l’une des plus grosses incompréhensions de l’histoire, à la fois de Cannes et des Oscars. Plutôt charmant, sympathique, touchant même, Marty doit surtout sa valeur au contrepied qu’il a pu proposer au regard du cinéma hollywoodien de son temps. Delbert Mann et ses acolytes auront en effet audacieusement casser des codes pourtant inamovibles. Pas de belle gueule de cinéma, pas de beauté diaphane ou de séductrice vampirisant l’écran, Ernest Borgnine n’était pas Marlon Brando et Besty Blair n’était certainement pas Ava Gardner ou Grace Kelly. Marty surprend par sa façon d’inviter des « gens ordinaires » dans un cinéma proposant alors généralement de « l’extraordinaire ». Les icônes d’antan y étaient alors remplacées par des comédiens plus communs, à l’image d’un récit suivant le parcours de deux âmes perdues d’une totale banalité, un petit gros qui se voit « moche comme un chien » et une petite maigrichonne au visage assez ingrat. Ils n’ont rien qui sorte de l’ordinaire, ils ne plaisent pas spécialement et pourtant, on se prête vite à s’attacher à leur normalité, comme on se prête vite à s’attacher à leur tendre histoire où la mélancolie de leur solitude se conjugue à l’espoir d’être heureux un jour.
Ode à la différence, ode à la beauté de l’intérieur, ode à l’idée qu’il vaut mieux partager sa vie avec quelqu’un de plaisant, d’intéressant, avec qui l’on se sent complice, plutôt qu’avec une gravure de mode n’ayant rien à offrir derrière sa superficialité, Marty a un beau cœur, et il entend le rendre pleinement à l’écran avec son récit condensé sur quelques jours seulement. Et en sus, le film d’aborder certaines thématiques gravitant autour de son sujet principal. Les différences culturelles, le regard des autres, et même les relations enfants-parents selon une perspective presque existentialiste évoquant la place et le rôle de chacun dans la vie de l’autre sur fond d’émancipation personnelle vs de rôle à tenir auprès de ses ancêtres vieillissants.Mais Marty a beau avoir pour lui une forme de générosité bouleversante et une audace détonante de la production de l’époque, il n’empêche que le film de Delbert Mann peine à réellement prendre son envol artistique. C’était alors le premier de Delbert Mann qui, jusque-là, n’avait travaillé qu’à la télévision. Et ça se sent. Très télévisuel, tant dans l’écriture que dans une mise en scène aussi lisse qu’absente, Marty n’arrive pas à se transcender, n’arrive jamais à embrasser l’intelligence qu’on voudrait bien lui prêter, n’arrive jamais à trouver la bonne rythmique des films du genre, non plus. Ce classique capitalise surtout sur sa démarche visant l’identification du spectateur par le vrai en lieu et place de la sublimation cinématographique. C’est probablement cette curieuse originalité qui lui aura valu son avalanche de louanges, cette façon de tordre le cou aux conventions hollywoodiennes pour peindre avec pudeur, des gens simples, des ouvriers ni beaux, ni intéressants, ni fantastiques. Dommage que Marty peine à traduire ses bonnes intentions via un beau morceau de cinéma qui dépasserait le cadre de l’artistiquement anecdotique. Il apparaît comme un petit film assez « moyen » voire quelconque, plus valeureux pour son fond édifiant que pour sa forme désuète et limitée. Un peu comme ses personnages finalement. Mais son ovation à l’époque aura de quoi rester en travers de la gorge quand on songe qu’en 1956, les Oscars ou le festival de Cannes l’auront préféré au A L’Est d’Eden d’Elia Kazan, oubliant James Dean au profit de Borgnine, pire, écartant Kazan au profit d’un Delbert Mann au talent très relatif. Et l’on pourrait aussi citer Un Homme est Passé de Sturges, L’Homme au Bras d’Or de Preminger… Reste un film d’une grande tendresse et piqué par des pointes d’humour réjouissantes à l’image de sa délicieuse scène de « Qu’est-ce qu’on fait ce soir ? Je ne sais pas…«
L’ÉDITION BLU-RAY COLLECTOR
L’édition proposée par Wild Side a été réalisée à partir d’un master restauré en haute définition. L’éditeur aura fait tout son possible pour redonner une certaine jeunesse au film mais sans avoir pu faire des miracles. Le master original ayant souffert des ravages du temps, quelques imprécisions techniques seront à prévoir au détour de ses parties les plus abîmées. Rien de fondamentalement dommageable, cette nouvelle galette de Marty arborant néanmoins une fière tenue, avec une image optimisée au maximum. Du côté des pistes son, de l’anglais et du français DTS Stereo ou Dolby Digital Stereo impeccablement réorchestré.
Côté suppléments, Marty fait partie des belles éditions soutenues par l’éditeur. Logique de lui voir associer des compléments de valeur, à commencer par un livret de 82 pages revenant en détails sur la genèse du film et notamment, l’incroyable histoire de sa confection et de son succès tonitruant. Illustré par des documents rares et des photos, ce livret aura été rédigé par le célèbre historien du cinéma qu’est Patrick Brion. Sur le Blu-ray, vient également s’ajouter Des Lumières et des Ombres, un sujet d’environ 30 minutes dans lequel l’incontournable directeur de la photographie français Pierre-William Glenn (collaborateur des plus grands, de tavernier à Costa-Gavras en passant par Rohmer, Corneau, Téchiné ou Pialat) revient sur le travail de Joseph LaShelle, chef-opérateur de Marty.
EXTRAIT :
Par Nicolas Rieux