Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Matrimonio all’italiana
Père : Vittorio de Sica
Date de naissance : 1964
Majorité : 27 mai 2015
Type : Sortie DVD/Blu-ray
(Éditeur : Carlotta Films)
Nationalité : Italie
Taille : 1h44 / Poids : NC
Genre : Comédie dramatique
Livret de famille : Sophia Loren (Filumena), Marcello Mastroianni (Domenico), Aldo Puglisi (Alfredo), Tecla Scarano (Rosalia), Marilu Tolo (Diana)…
Signes particuliers : Un chef d’oeuvre de la comédie italienne qui ressort en version restaurée 4K chez Carlotta Films. Entrez dans la danse du couple Loren/Mastroianni…
GRÂCE ET DISGRÂCE D’UN AMOUR
LA CRITIQUE
Résumé : Pendant la seconde guerre mondiale, Domenico Soriano, commerçant appartenant à une famille napolitaine aisée, rencontre dans un bordel Filumena Marturano, une femme d’origine humble. Il en tombe amoureux et l’emmène vivre chez lui. Après vingt ans de concubinage, et bien qu’elle ait toujours scrupuleusement joué son rôle de femme et de domestique, Filumena n’a pas encore reçu de proposition de mariage et décide de faire croire à Domenico qu’elle est mourante…L’INTRO :
Lorsqu’il s’attaque à Mariage à l’italienne, Vittorio de Sica n’est plus le maître du néoréalisme qu’il a été dans les années 40, époque où il signa ses plus grands chefs d’œuvre tels que Sciuscià, Le Voleur de Bicyclette ou Umberto D. A l’image du cinéma italien tout entier, son art a changé, il a changé. Mais celui qui a participé à élever au rang de mythe un courant emblématique d’après-guerre, n’a pas disparu pour autant avec la fin de celui-ci. Si ses triomphes sont désormais moins nombreux, ils ne sont pas pour autant anecdotiques, comme en attestent les succès de La Paysanne aux Pieds Nus en 1960 ou de Hier, Aujourd’hui et Demain en 1963. Et dans ces années 60, celui qui a révélé par le passé une Anna Magnani, est en train de s’employer à glorifier une autre immense comédienne transalpine, Sophia Loren. Sous la caméra du metteur en scène, la belle icône italienne sera couverte de récompenses. Pour Mariage à l’Italienne, sorti en 1964 et où elle est associée à une autre légende en la personne de Marcello Mastroianni, ce sera un énième prix de la meilleure actrice principale en Italie. Pour la première fois, le classique de la comédie Mariage à l’italienne, est disponible en version restaurée en 4k, chez Carlotta Films.L’AVIS :
C’est un Vittorio De Sica des grands soirs qui ouvre le rideau sur la scène de théâtre qu’est Mariage à l’italienne. Un De Sica à la fois semblable et différent de celui qui a pu signer, douze ans plus tôt, le chef d’œuvre humaniste Umberto D. Le temps a passé, le cinéma italien est en pleine mutation, et si la mode n’est plus aux films sociaux formellement minimalistes et puissamment engagés, De Sica s’est adapté. Mariage à l’italienne est plus cabotin, plus en verve, plus écrit et démonstratif, aussi. Mais Mariage à l’italienne est tout de même un bijou, un chef d’œuvre illustrant prodigieusement, tout le talent et l’intelligence d’un auteur, dont les qualités se retrouvent une fois de plus dans la finesse de sa mise en scène, dans la force d’une écriture profondément vivifiante et originale, dessinant ses enjeux par étapes, muant, changeant de visages en cours de route, passant du badinage au tragique, de la poésie lumineuse à la noirceur la plus totale, en s’appuyant sur des personnages formidables de subtilité et fascinants de nuances. Lui, est un mufle détestable et pourtant sympathique, elle, est une prostituée à l’apparence tape à l’œil, pour ne pas dire vulgaire, et dans le même temps touchante et cachant une sensibilité à fleur de peau, contenue derrière sa fière prestance.Satire du couple et de la bourgeoisie, entre la romance crépitante, la comédie de mœurs grinçante et le drame noué autour de deux pantins tour à tour tendres, tragiques ou pathétiques, Mariage à l’italienne est la quintessence d’un cinéma de papa transalpin au sens noble du terme, encore mordant dans les années 60 sous la direction d’anciens qui ont encore quelques grammes d’immensité dans leur réservoir à inspirations. Les sens de cinéphile sont en constant éveil, entre le charisme élégant d’un Mastroianni fabuleux dans un rôle à l’équilibre ô combien difficile, et la sensualité incendiaire d’une Sophia Loren à l’apogée de son sex-appeal (comment se remettre de cette scène en tenue voilée transparente), déambulant comme une Jayne Mansfield à l’italienne, le talent en plus pour conférer un côté bouleversant à son personnage écorché, tout en beauté fragile.Il faut voir comment De Sica en dit long avec presque rien. Une qualité qu’il n’aura jamais perdue et qui aura subsisté à ce passage vers un cinéma plus truculent et moins radical. La scène d’ouverture en est à ce titre, tout un symbole. En quelques minutes et sans quasiment rien expliquer, seulement en s’appuyant sur un langage cinématographique maîtrisé comme personne et sur des comédiens majestueux, on comprend tout, on saisit la situation, les personnages et les enjeux. Le reste ne sera que velours et délice permanent, oscillant sans cesse entre agacement et émotion face à une relation touchant d’un doigt la beauté et l’espérance, de l’autre, le chaos et le tragique.Film jouant sans cesse avec les rapports de force de dominant à dominé s’inversant dans un face à face cinglant, capable de la plus grande des douceurs comme de la plus violente des cruautés, Mariage à l’italienne prend des allures de guerre ouverte où le champ de bataille est la fierté, les adversaires, deux êtres défendant leur dignité, et les armes, la tactique de survie, la manipulation et la volubilité gouailleuse… à l’italienne, elle aussi. Impressionnant d’équilibre malgré sa navigation mouvementée entre les tons les plus opposés et les genres les plus extrêmes, Mariage à l’italienne est une étincelle qui embrase la pellicule pour brûler dans un feu majestueux avant de nous laisser avec les cendres d’un chef d’œuvre mémorable. Et en dépit de quelques excès de cabotinage ou petites maladresses (dont une noirceur que l’on aurait volontiers bien vu assumée jusqu’au bout), on ne peut que tomber éperdument amoureux de ce classique incontournable, niché sous le charme de ses deux étoiles stars et d’un sentiment doux-amer face à une farce mordante aussi délicieusement pétillante que tristement mélancolique dans le portrait de femme qu’il propose et transcende.
Le travail de restauration opéré sur le chef d’oeuvre de Vittorio de Sica n’est peut-être pas le plus saisissant que l’on ait pu voir à ce jour mais il redonne tout de même un coup de jeunesse au film. Couleurs retravaillées, netteté de l’image améliorée, visuellement, Mariage à l’italienne est du bel ouvrage. On notera juste que le son proposé reste du mono mais un mono propre et purifié de ses imperfections. Côté supplément, outre la bande-annonce d’époque, on se sera davantage attardé sur le mini-documentaire Une Vie, Une Époque… Des Circonstances (26 minutes). Les deux critiques de cinéma, Alain Garel et Sabrina Piazzi, conversent et de leur échange, naît un portrait de l’évolution du cinéma de Vittorio De Sica. Concernant Mariage à l’italienne spécifiquement, le tandem aborde la genèse du film, le contexte dans lequel il a été réalisé, célèbre les deux icônes qui brillent sous la caméra du maestro… 26 minutes aussi captivantes que pertinentes.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux