Carte d’identité :
Nom : The Life and Death of John F Donovan
Père : Xavier Dolan
Date de naissance : 2018
Majorité : 04 septembre 2019
Type : Sortie Blu-ray/DVD
Nationalité : Canada, France
Taille : 2h03/ Poids : NC
Genre : Drame
Livret de famille : Kit Harington, Jacob Tremblay, Susan Sarandon, Natalie Portman, Kathy Bates, Chris Zylka, Thandie Newton, Michael Gambon, Ben Schnetzer, Emily Hampshire…
Signes particuliers : Magnifique, bouleversant, riche, Dolan réussit son premier film en langue anglaise.
UN NOUVEAU CHEF-D’ŒUVRE POUR XAVIER DOLAN
LA CRITIQUE DE MA VIE AVEC JOHN F DONOVAN
Synopsis : Dix ans après la mort d’une vedette de la télévision américaine, un jeune acteur se remémore la correspondance jadis entretenue avec cet homme, de même que l’impact que ces lettres ont eu sur leurs vies respectives.
Au lendemain de la présentation de son Juste la fin du monde pas mal chahuté par certains malgré sa puissance viscérale, Xavier Dolan s’est vite replongé dans le travail avec Ma Vie avec John F Donovan. Il ne savait pas à ce moment-là que le chemin allait être si difficile. Les médias se seront régalés des problèmes rencontrés par le prodige québécois. Après un long tournage fragmenté sur plusieurs mois et plusieurs lieux, Dolan est entré en montage de son premier film emmené par une galerie de comédiens anglo-saxons. Kit Harington, Jessica Chastain, Natalie Portman, Kathy Bates, Susan Sarandon, Jacob Tremblay, Thandie Newton… La distribution de ce septième long-métrage faisait rêver. Et puis est arrivé l’accroc tant commenté. Englué dans une post-production compliquée, Dolan se rendra à l’évidence, son film estimé à plus de 3h ne fonctionnait pas. Seule solution, couper entièrement le personnage campée par Jessica Chastain afin de retrouver une fluidité perdue. Le cinéaste en fut terriblement désolé, l’actrice comprendra, et le résultat prouve que ce choix déchirant était la bonne chose à faire. Car Ma Vie avec John F. Donovan est un grand film, du grand Dolan, une œuvre quasi parfaite qui touche au sublime même si, Dolan oblige, elle sera clivante, discutée et âprement débattue.
Sur le papier avec son casting de stars 5 étoiles, ses moyens confortables et son look de film plus accessible et moins radical, on aurait pu croire que Dolan s’éloignait de l’essence de son cinéma. Grosse erreur. Derrière son côté clinquant (qui fait avant tout écho à ce que le film raconte), Ma Vie avec John F Donovan est sans doute l’œuvre la plus personnelle du génie québécois. Dolan s’y raconte beaucoup, intimement, passionnément, véritablement, mais sans jamais verser dans la projection nombriliste. A travers cette histoire de correspondance entre un jeune garçon qui rêve de cinéma et une star de télévision à succès, le metteur en scène se remémore l’époque où lui-même était un enfant solitaire et passionné, qui rêvait de devenir comédien et écrivait à Leonardo DiCaprio pour lui témoigner toute son admiration. Et au-delà des apparences trompeuses, Dolan reste Dolan avec ce nouvel effort. Le cinéaste ne sacrifie pas son style et ses thématiques sur l’autel du spectacle.
À sa manière et preuve que le metteur en scène est capable de constamment se réinventer, Ma Vie avec John F Donovan est du pur Dolan dans l’âme, différent et pourtant connecté à sa filmographie, avec tout ce qui fait la force de son cinéma. Les personnages et l’intensité des émotions d’abord, une patte qui conjugue le formalisme stylisé, la sincérité du geste et l’authenticité ensuite, et enfin des thèmes forts, abordés frontalement avec cet éternel mélange de force du propos, d’intensité qui prend aux tripes, de poésie du langage et d’intelligence dans la manière de coudre ses idées entre elles. Et les idées sont justement très nombreuses dans cette nouvelle offrande cinéphile d’une densité vertigineuse. Avec une grâce qui force le respect tant l’équilibre et la maîtrise n’étaient pas des évidences devant le pari de ce puzzle au dispositif liant des récits séparés et emboîtés comme un jeu de poupées russes, Dolan parle d’amour maternel, de la dureté de l’enfance, du génie précoce, des contraintes de la vie d’artiste, des difficultés à vivre la différence et à supporter le rejet, de l’importance de trouver sa voie et surtout de savoir qui l’on est, des conséquences à l’affirmer dans un monde qui aime la standardisation, de la passion qui peut dicter une vie et des rêves, ou encore du star system et ses dérives critiquées avec virulence, le film renvoyant au show business et à Hollywood un miroir de sa terrible petitesse voire médiocrité. Il met aussi en garde contre la tentation des préjugés faciles, évoque la sensation d’étouffement dans une société uniformisante, souligne la complexité des sentiments et des liens familiaux, parle d’amour impossible, du poids des modèles inspirants et de la peur d’affirmer sa marginalité dans un monde qui pousse au secret par peur de perdre ce que l’on a construit… Car oui, en 019, il est encore difficile d’être gay et de le dire, surtout à Hollywood. Bref, énormément de choses, énormément de matériel en somme. Mais le plus fascinant dans l’histoire, c’est que rien de tout cela n’est expédié, rien n’est sous traité, survolé ou évoqué de manière superficielle. D’un désastre annoncé, Dolan a tiré un chef-d’œuvre où chaque idée, chaque propos, chaque couche de lecture existe en soi et pour soi dans un film multifacette qui donne du crédit et de la profondeur à tout ce qu’il aborde. A l’arrivée, Ma Vie avec John F Donovan est une leçon d’humanité, un portrait inspirant et une sincère déclaration d’amour au cinéma et à la vie en général. Le tout entre tendresse infinie et mélancolie cruelle, comme si le cœur de Dolan affrontait la difficulté du monde.
L’attente aura été longue mais elle a valu le coup. Dans le sillage d’un Dolan en fabuleux chef d’orchestre dirigeant une composition remarquable, chacun joue sa partition et tout s’emboîte avec magie. Des performances de comédiens prodigieux, dont un Jacob Tremblay hallucinant de conviction et un Kit Harington duquel Dolan arrive à tirer le meilleur, des images magnifiques sublimées par la virtuosité artistique du cinéaste, une BO exceptionnelle dont les notes oscillent entre le pop et la tragédie. Et au-dessus de tout, une richesse mirifique. Dolan nous immerge dans son histoire bouleversante, puis nous submerge par un flot d’émotions continu qui rythment un film épais et dont on ne sent jamais passer la moindre minute tant il est d’une fluidité magistrale. C’était l’une des craintes d’ailleurs, voir le film souffrir de son montage redouté chaotique. Il n’en est rien. Dans l’enfer, Dolan a su trouver le bon tempo, la bonne narration et la bonne dynamique pour que toutes les séquences se répondent et produisent sens, langage ou émotion. S’il est une mise en abyme (pour lui comme pour Kit Harington d’ailleurs, visage idéal pour camper une star de série étouffée, cernée et coincée par le succès), Ma Vie avec John F Donovan n’en demeure pas moins un film aux strates tellement nombreuses, qu’il réussit à être universel dans l’idée que chacun pourra y trouver une sous-composition qui lui parle. Merci Xavier pour cet immense moment de cinéma où l’on passe par toutes les émotions, des petits rires aux plus grosses larmes en passant par un appel à la réflexion qui reste encore longtemps après la séance.
LE BLU-RAY DE MA VIE AVEC JOHN F DONOVAN
Ma Vie avec John F. Donovan aura connu le pire, pendant la phase de financement, pendant le tournage, en post-production et malheureusement même dans sa distribution. Massacré par la presse américaine au festival de Toronto, le film allait connaître l’enfer. Refroidi, le distributeur québécois, qui était également en charge des ventes internationales, a décidé de jeter l’éponge. Bilan, il ne sortira pas dans la plupart des pays du monde. En France, le distributeur hexagonal avait mis dans des billes dans le film et de fait, avait le droit de le distribuer en salles de son propre chef. Ailleurs, il restera dans les cartons (il devrait enfin être distribué un peu partout prochainement). Bref, en attendant qu’il soit visible sur les écrans dans le monde, Ma Vie avec John F. Donovan sort déjà en vidéo chez nous via TF1 Studio, en Blu-ray et en DVD. Un Blu-ray qui offre une image exceptionnelle, travaillée, respectueuse du boulot formel de Dolan, respectueuse du piqué du film et des couleurs éclatantes. Là où le DVD se révèle un peu faiblard et limité question définition. Au niveau du son, un solide DTS-HD Master Audio 5.1 assure le boulot en français comme en anglais. Côté bonus, on se demandait ce qu’on allait y trouver tant le film a connu un amoncellement de galères. Surtout, Dolan a beaucoup coupé en montage, à commencer par l’intégralité du personnage campé par Jessica Chastain. Une matière que l’on espérait retrouver dans ces suppléments. Malheureusement, à grand film pas forcément grande édition vidéo. Force est d’avouer que l’édition TF1 Studio est assez décevante de ce côté là. Deux suppléments seulement accompagnent le film (sur le Blu-ray comme sur le DVD). D’abord, un making of d’une douzaine de minutes très « promo » où les comédiens et une partie de l’équipe (scénariste, chef op…) louent le travail de Dolan, pendant que le cinéaste évoque la création du film. Quelques rares images de tournage et une courte scène inédite sont au milieu de ce concert de louanges. Ensuite, quatre scènes coupées au montage. Seulement quatre. Et une seule où l’on aperçoit Jessica Chastain. La seule à valoir à peu près le détour au passage. Franchement, ces bonus méritaient plus.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux