[Note spectateurs]
Carte d’identité :
Nom : L’insulte
Père : Ziad Doueiri
Date de naissance : 2017
Majorité : 31 janvier 2018
Type : Sortie en salles
Nationalité : France, Liban
Taille : 1h52 / Poids : NC
Genre : Drame
Livret de famille : Adel Karam, Kamel El Basha, Rita Hayek…
Signes particuliers : L’Insulte, ou comment aborder un sujet très sensible avec une intelligence qui le rend imparable.
LE PREMIER CHEF D’OEUVRE DE L’ANNEE 2018 ?
LA CRITIQUE DE L’INSULTE
Résumé : A Beyrouth, de nos jours, une insulte qui dégénère conduit Toni (chrétien libanais) et Yasser (réfugié palestinien) devant les tribunaux. De blessures secrètes en révélations, l’affrontement des avocats porte le Liban au bord de l’explosion sociale mais oblige ces deux hommes à se regarder en face.
Il était une fois une simple et stupide petite insulte balancée dans la rue, qui va se transformer en gigantesque affaire d’Etat. Au détour d’un chantier, deux hommes vont se quereller verbalement. Un mot lâché va être le point de départ d’un conflit hallucinant, dont l’escalade va grimper jusque devant les tribunaux, et se muer en affrontement inter-ethnique rameutant les plus hautes sphères politiques au cœur de l’affaire. Le pitch loufoque et kafkaïen de L’insulte avait de quoi séduire. La découverte du film a confirmé. Dire que Ziad Doueiri a frappé fort avec ce nouveau long-métrage produit par la comédienne Julie Gayet, serait un sacré euphémisme.
Cinq ans après le poignant L’Attentat, sur l’histoire d’un médecin israélien d’origine arabe qui s’affaire à soigner les blessés d’une tragique explosion avant de découvrir que la kamikaze était son épouse, le très politisé réalisateur franco-libanais revient avec une claque magistrale, qui cloue sur place autant pour son intelligence que pour son approche d’un sujet très sensible. Avec L’insulte, Ziad Doueiri aborde une question grave et réussit le pari de la traiter via un drame captivant teinté d’une pointe d’humour ubuesque. Ou plutôt d’une pointe de dérision. Car au final, c’est exactement ce vers quoi nous mène le propos du film, illustrer une situation absurde en poussant le curseur jusqu’à l’extrême. Avec un courage débordant et une confiance aveugle en ses intentions pacifistes, Doueiri marche sur un fil en s’attaquant au tabou des affrontements ethniques dans le Beyrouth d’aujourd’hui, encore meurtri par les conséquences de la guerre civile qui a marqué le pays au fer rouge entre 1975 et 1990. De nos jours, les chrétiens libanais coexistent avec les palestiniens dans une atmosphère de tension palpable, comme si la guerre n’avait jamais vraiment pris fin. La méfiance des uns à l’égard des autres, n’a d’égale que la rancœur pas encore ravalée, et la poudrière est encore prête à exploser malgré les années écoulées.
Dans un élan humaniste profondément émouvant, Ziad Doueiri signe un geste artistique et politique appelant à la réconciliation entre les peuples afin d’oublier une fracture qui n’a que trop durer. A travers son film, le cinéaste se fait la voix courageuse de ce noble appel tout en humilité et en sincérité. Il est grand temps de revenir sur ce passé devenu tabou, il est grand temps d’en parler afin de panser les plaies, de penser au pardon, et d’aller de l’avant pour bâtir un avenir où chacun aurait reconnu ses torts et accepté de marcher main dans la main avec le voisin. C’est en substance, tout ce que cherche à dire L’insulte, avec son histoire exagérant une situation pour se faire l’écho d’une réalité. Et si la problématique est complexe, Ziad Doueiri réussit à la décortiquer sans jamais tomber dans la naïveté, sans jamais sombrer dans les raccourcis faciles, sans jamais juger ou prendre parti. L’insulte ose dire beaucoup de choses, ose déterrer le passé, ose renvoyer chacun à ses propres fautes… pour au final, se faire le témoin de la vacuité de poursuivre un affrontement qui n’a plus vraiment de sens car au final, tout le monde est coupable, tout le monde est victime.
Sur le fond, le film de Ziad Doueiri laisse sans voix. Audacieux dans sa démarche, neutre dans son discours, et pertinent dans sa manière d’aborder son sujet avec une sagesse admirable, L’insulte ne prend jamais à la légère la complexité de ce à quoi il se confronte, et lui rend justice en proposant une analyse élaborée à la hauteur de son importance. Et là où il film gagne ses galons de petit bijou, c’est qu’il ne se laisse pas impressionner par l’ampleur de sa tâche en ne sacrifiant pas la forme au propos. Captivant, mené comme un thriller intense, prenant soin d’être toujours accessible, et très malin dans sa gestion du drame et de sa drôlerie au service de son message, L’insulte est un coup de maître total, une oeuvre majeure sous ses airs de petit film.
BANDE ANNONCE :
Par Nicolas Rieux
Une très bonne surprise ce film, c’est prenant, bien filmé et bien rythmé, avec une belle morale humaniste et judicieusement transmise, sans trop de facilités ni de pathos. Un film sur le vivre ensemble qui peut parler à tout le monde et qui fait du bien à voir !