A l’occasion de la sortie du film Les Heures Sombres de Joe Wright sur Winston Churchill, nous avons pu rencontrer l’acteur Gary Oldman et la comédienne Kristin Scott Thomas, pour le compte de l’émission Mardi Cinéma L’hebdo sur France 2.
Synopsis : Les Heures Sombres s’intéresse à une partie de la vie de Winston Churchill, à partir de mai 1940, lorsqu’il devient Premier ministre en pleine Seconde guerre mondiale.
LE 03 JANVIER AU CINÉMA
GARY OLDMAN
Qu’est-ce qui vous a décidé de prendre part à ce projet ? J’ai lu qu’au début, vous n’étiez pas très « partant » pour le faire…
Gary Oldman : Oui, au début, quand on vous propose un tel projet, avec l’idée de jouer une telle figure aussi iconique et mythique que Winston Churchill, vous avez le réflexe de vous demander à vous-même, si vous parviendrez à trouver votre chemin au milieu de cette ample forêt, à trouver l’homme. Je savais aussi que ça demanderait énormément de travail, que ça demanderait un abandon total au projet. Mais finalement, après coup, ce fut une très belle année de ma vie. Mon hésitation a été en partie pour ces raisons, mais aussi parce que Churchill a été joué tellement de fois, par de très grands acteurs. Quelque part, vous mettez vos pieds dans les chaussures de Churchill, mais aussi dans celles de Robert Hardy, Albert Finney, Richard Burton…
Et de surcroît, je suppose que la transformation physique devait être fastidieuse, et devait prendre un sacré paquet de temps chaque matin…
Gary Oldman : Le maquillage prenait environ 3h15, tous les matins. Avec la mise du costume et des accessoires, cela prenait 4 heures au total. Mon réveil sonnait donc vers 1h30 ou 2h du matin, 2h30 quand j’avais de la chance. On tournait ensuite 10 ou 12 heures, et il y avait une heure pour tout enlever le soir. C’était long je dois avouer. Et ce fut comme ça pendant 48 jours. Mais ce n’était pas si terrible quand on y pense. Je me disais sans cesse que si Winston Churchill avait pu tenir tête à Hitler à 65 ans, je pouvais bien tenir 3 heures sur une chaise de maquillage le matin. Ma vie n’est pas si terrible…
Que représente Churchill pour vous ?
Gary Oldman : A cette époque, il représentait le rempart de la civilisation en Europe. Je veux dire, sa décision de ne pas se rendre à l’Allemagne… Il faut essayer d’imaginer ce que ça devait être. Ne pas céder à Hitler, alors que l’Europe avait capitulé, que les nazis avaient une armée gigantesque, une flotte immense, et que l’Europe tombait comme des dominos, avec les nazis partout et le communisme à l’autre bout du continent. Churchill a été une figure essentielle, indispensable à notre histoire.
Le film n’est pas juste un biopic pédagogique. Il est plus que cela. Quel est son véritable cœur pour vous ?
Gary Oldman : Churchill a vécu une longue vie et sa vie est faite de chapitres. En se focalisant sur les quelques jours que racontent le film, on se focalise sur une poignée de jours très significatifs. Ce sont quelques jours qui résument presque tout le personnage. En lisant le script, j’ai été fasciné de voir à quel point on entrait vraiment dans l’intimité de Churchill. C’est divertissant mais c’est aussi une remarquable leçon historique.
KRISTIN SCOTT THOMAS
Que représente Winston Churchill et Clémentine Churchill pour vous ?
Kristin Scott Thomas : Etant anglaise et européenne née dans les années 60, pour moi Churchill représente un sauveur, un héros absolu, un symbole de père de la Nation. Il y a beaucoup de statues de lui dans le monde, dont une très belle à Paris, donc je ne suis donc pas la seule à voir cela. Avant de la jouer, Clémentine représentait pour moi l’élégance, la fidélité, une sorte de mât de bateau, car je pense sincèrement, et ceux qui les ont connu le disaient, elle était à ses côtés tout le temps et elle était un soutien énorme pour lui. Sans elle, il n’aurait sûrement pas été le Churchill que l’on connaît.
D’ordinaire, dans les biopic « classiques », l’épouse d’un héros comme ça est souvent reléguée en arrière-plan, elle est dans le paysage. Ici, le film souligne bien l’importance qu’elle avait…
Kristin Scott Thomas : Le titre du film renvoie bien à cette décision morale que devait prendre Churchill. On avait donc besoin de sentir l’homme qui luttait avec son esprit, ses convictions, son idée de la justice. Pour cela, il fallait avoir un personnage à qui il pouvait se confesser, un personnage qui soulignerait sa fragilité. C’était un homme qui doutait beaucoup, qui se remettait en question, qui a eu des hauts et des bas. Il a été glorifié mais il ne faut pas oublier qu’après la guerre, il a été rejeté totalement. Donc avec ce rôle de Clémentine, cela permettait d’avoir accès à ses réflexions intimes.
C’est une femme qui finalement, a voué sa vie à Winston Churchill. Quelque part, est-ce qu’on peut la voir comme une sorte d’héroïne de l’ombre ?
Kristin Scott Thomas : On peut mais surtout, ce qui était intéressant avec elle, c’est qu’elle avait ses propres démons. le mariage avec Winston Churchill était un mariage tumultueux, épouvantable par moments et extraordinaire à d’autres. Ils avaient des disputes légendaires, tout le monde savait qu’il fallait déguerpir dans ces cas-là. Elle le trouvait très difficile, avec ses dépenses astronomiques et son caractère compliqué. C’était une bataille personnelle pour elle. Mais elle l’aimait donc elle est restée. C’était une femme de l’ombre mais c’était aussi une bagarreuse, une lionne.
Il en avait conscience d’ailleurs puisque Churchill disait que son plus grand exploit, aura été d’avoir convaincu Clémentine de l’épouser.
Kristin Scott Thomas : Tout à fait.
Comment avez-vous préparé ce rôle ?
Kristin Scott Thomas : J’ai beaucoup lu, j’ai parlé avec de gens qui l’ont connu, j’ai parlé avec sa secrétaire, ses petits-enfants… Et j’ai regardé des images. C’était une femme très élégante, avec un style très particulier. Elle fabriquait ses propres vêtements, elle a grandi en France à Dieppe, elle a appris le français sur les marchés, elle était modiste (créatrice de chapeaux – ndlr). Ce sont des choses extraordinaires, devenir la femme du Premier Ministre avec un tel passé ! Le jour de son mariage, elle s’est échappée car elle ne supportait plus le monde vu qu’elle était très timide ! Tout ça pour dire que c’était une femme très complexe. Et j’ai appris tout ça en lisant et en parlant avec des gens.
Et comment s’est passée votre collaboration avec Gary Oldman ?
Kristin Scott Thomas : Très bien. Extrêmement naturellement et facilement. Lui était Winston Churchill et moi Clémentine, et je l’ai cru et il m’a cru ! On a peu parlé au final, mais on a beaucoup répété. Joe Wright aime répéter. Avec lui, on n’arrive pas sur le plateau en découvrant ce que l’on va tourner le jour même. Heureusement ! On a eu le temps de travailler ensemble en amont.
Merci à Gary Oldman et Kristin Scott Thomas & Universal Pictures
Propos recueillis et traduits par Nicolas Rieux