[Note spectateurs]
Carte d’identité :
Nom : Leave no trace
Mère : Debra Granik
Date de naissance : 2018
Majorité : 19 septembre 2018
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 1h49 / Poids : NC
Genre : Drame
Livret de Famille : Thomasin McKenzie, Ben Foster, Jeff Kober, Dale Dickey…
Signes particuliers : Une très belle histoire père-fille.
L’APPEL DE LA NATURE
LA CRITIQUE DE LEAVE NO TRACE
Résumé : Tom a 15 ans. Elle habite clandestinement avec son père dans la forêt qui borde Portland, Oregon. Limitant au maximum leurs contacts avec le monde moderne, ils forment une famille atypique et fusionnelle. Expulsés soudainement de leur refuge, les deux solitaires se voient offrir un toit, une scolarité et un travail. Alors que son père éprouve des difficultés à s’adapter, Tom découvre avec curiosité cette nouvelle vie. Le temps est-il venu pour elle de choisir entre l’amour filial et ce monde qui l’appelle ?
Reparti bredouille du dernier festival de Deauville où il était présenté en compétition, Leave no Trace marque le retour au cinéma d’une ancienne belle promesse du vivier indépendant américain : Debra Granik. Il y a huit ans, la cinéaste se faisait un nom avec Winter’s Bone, drame dans l’Amérique profonde qui allait révéler au passage Jennifer Lawrence. Et pendant que la jeune actrice gravissait une à une les marches d’Hollywood pour devenir l’une des stars les plus prisées d’Hollywood, Debra Granik disparaissait, signant seulement deux documentaires depuis. Film modeste qui s’attache au parcours d’un père et sa fille (Ben Foster et la jeune Thomasin McKenzie) vivant en forêt loin d’une société qu’ils refusent, Leave no Trace va être pour la réalisatrice, l’occasion de creuser, comme elle l’avait fait avec Winter’s Bone à l’époque, la thématique des marginalisés de l’Amérique toute-puissante.
A la lecture du synopsis de Leave no Trace, on pense immédiatement au tragicomique Captain Fantastic de Matt Ross avec Viggo Mortensen. On pense aussi au Château de Verre de Destin Daniel Cretton avec Brie Larson et Woody Harrelson. Mais s’il exploite un argument que l’on a déjà vu plusieurs fois au cinéma ces temps-ci, le film de Debra Granik ne fait pourtant pas dans la redite. Adaptant le roman L’Abandon de Peter Rock, lui-même tiré de l’authentique fait divers d’un père et sa fille découverts dans un parc naturel par les autorités alors qu’ils s’y cachaient depuis plusieurs années, Leave No Trace propose une lecture plus naturaliste, plus dramatique, loin de la tonalité teintée de comédie que l’on retrouvait dans les deux comparaisons précitées. Mais attention, chez Granik, naturalisme ne vient pas rimer avec vision sombrement sordide. S’il n’affiche pas un visage très joyeux au demeurant, Leave no Trace ne s’empêtre jamais dans un quelconque misérabilisme glauque, pas plus qu’il ne s’enferme dans une démarche faisant de la noirceur une seconde peau imperméable. Avant tout, c’est une chronique humaine qu’offre la cinéaste, une chronique qui gravite autour d’une petite cellule familiale pour essayer de s’interroger sur notre rapport au monde actuel et sur les normes sociales devenues un establishment auquel il est impossible d’échapper qu’on le veuille ou non. Le monde actuel n’aime pas, voire ne tolère pas, la différence et ces deux êtres touchants vont en faire les frais.Au cœur du film, une réflexion sur l’uniformisation du mode de vie, sur l’impossibilité de s’écarter d’un moule social type, sur les mécanismes de sociabilisation ou sur le consumérisme moderne. A travers le périple intimiste de ce duo père-fille forcé de se confronter à un monde qu’ils ne connaissent et ne comprennent pas, Leave no Trace parle de beaucoup de choses, partant de l’intime pour tirer vers le général, prenant un cas spécifique pour en extirper une certaine universalité du propos. Et Debra Granik de manier avec habileté ses questionnements, au moins autant qu’elle manie avec dextérité l’évolution de son couple de personnages émouvants. Car Leave no Trace ne juge pas, ne cherche pas à répondre à des questions sur le bien-fondé des choix de ses protagonistes. Qui a raison ? Qui a tort ? La cinéaste laisse volontiers ces interrogations à d’autres. Ce qui intéresse Granik, et c’est déjà ce qui l’intéressait à l’époque de Winter’s Bone, c’est d’ouvrir une fenêtre sur des marginaux éloignés des conventions en se muant en conteuse. Et la cinéaste n’a pas perdu la main en huit ans d’absence. Malgré ses oripeaux de petit film indépendant, Leave no Trace a tout d’un conte tragique mené par des personnages très attachants. Un conte avec ses scènes amenant discrets sourires amusés et moments déchirants, un conte avec des enjeux sérieux et terribles, mais qui ne bascule jamais dans la prise d’otage émotionnelle. Au contraire, Granik est toujours à bonne distance, pudique, respectueuse, délicate, intelligente dans son approche tant de ses beaux « héros » que de son sujet.
Beaucoup d’émotions passe, surtout quand il sera question d’émancipation, l’un des chemins emprunté par le film. Car la découverte de ce monde renié si longtemps va forcément avoir des conséquences sur ce tandem d’autarciques désormais obligés de composer avec autre chose. Et au passage, Leave no Trace de s’interroger justement sur la question de l’émancipation. Quand on a connu qu’une seule chose dans sa vie, comment appréhender la nouveauté, la découverte d’un autre champ des possibles ? Faut-il se sacrifier pour le bien de ceux que l’on aime ou choisir son propre chemin quitte à en souffrir ? Définitivement, Leave no Trace est un film simple par l’envergure mais riche et complexe de par le cœur. Enfin, impossible de ne pas dire un mot de l’interprétation viscérale de Ben Foster, mais surtout de la performance bouleversante de la jeune Thomasin McKenzie, une sacrée promesse d’avenir. A croire que Debra Granik est une spécialiste de la découverte de jeunes talents prometteurs, que sa superbe direction d’acteur met dans la lumière.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux
Je partage entièrement votre avis. Ce film est un très beau conte, tout en finesse et en simplicité. Les acteurs – et la forêt, personnage à part entière – sont mis en valeur de la meilleure des façons, leur jeu rendant la réalisation encore meilleure et lui conférant une portée plus grande encore. Non, la différence n’est pas acceptable aujourd’hui, et pourquoi s’il vous plaît ? Parce qu’il faut savoir vivre en société, cela semblant être un devoir alors qu’au fond, d’où sortirait cette obligation ? Pourquoi ne pourrions-nous pas être nous même et vivre comme nous l’entendons ? (pour en savoir plus : https://pamolico.wordpress.com/2018/09/25/ceux-qui-errent-ne-sont-pas-tous-perdus-leave-no-trace-debra-granik/)