Umberto D est l’un des plus grands trésors du cinéma italien d’après-guerre. Réalisé par Vittorio de Sica en 1952, le film retrace le triste destin d’Umberto Domenico Ferrari, un vieux professeur à la retraite qui essaie tant bien que mal de survivre en compagnie de son chien Flyke, avec le peu de ressources dont il dispose. Considéré par beaucoup comme un chef-d’œuvre absolu du cinéma (dont un Scorsese qui le considère comme son film fétiche), le bijou de De Sica marque la fin du néoréalisme italien. Certains s’accordent à l’inclure dans le mouvement pour son style et ses thématiques sociales, d’autres l’en écartent en raison de sa réalisation en studio ne correspond pas à la « charte » du mouvement. Toujours est-il qu’avec Sciuscià et Le Voleur de Bicyclette, Umberto D est probablement l’un des plus beaux films du cinéaste. L’un des plus puissants aussi avec son propos sur la misère sociale qui ravage l’Italie des années 50.
Aujourd’hui, sa renommée est mondiale. A l’époque, il fut salué par la critique internationale et couronné de prix. Malheureusement, il fut aussi un énorme échec, victime de terribles pressions politiques. Sa campagne promotionnelle se fit en parallèle d’une autre campagne, de destruction. Le Parti Démocrate Italien alors en place prit le film pour cible via la voix du politicien Giulio Andreotti, y voyant une très mauvaise « publicité » pour le pays. De Sica y peignait une Italie dans la misère économique et sociale avec un « petit peuple » écrasé par la morosité ambiante. Témoins, cet Umberto à bout, voulant en finir car n’arrivant pas à s’en sortir. Oui, Umberto D était un film éminemment politique et social et ce visage déplut fortement au pouvoir. Andreotti accusa De Sica de « laver son linge sale en public » (à se demander s’il avait vu les films du néoréalisme) et entama une campagne de dénigrement à travers les médias, notamment le très suivi quotidien Libertà, organe officiel du Parti Démocrate. Une campagne qui fut malheureusement très efficace, privant le film de tout soutien de la part du Gouvernement et trouvant écho auprès du public qui ne se rendit pas dans les salles.
Restauré, Umberto D ressort en Blu-ray (et DVD) dans un nouveau master Haute Définition chez Carlotta Films le 25 août prochain. Outre le film qui aurait toute sa place dans les étagères des cinéphiles, de formidables suppléments l’accompagnent. Un entretien passionnant avec le spécialiste du cinéma italien Jean Gili (29 min.), une analyse en profondeur de l’écrivain Jean-Baptiste Thoret (25 min.) et enfin la bande annonce originale. Une sortie à ne pas manquer.