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Il n’y a pas à dire, certains ont la délicatesse d’un bouledogue anglais sous poppers. Comme le célèbre producteur italien Dino de Laurentiis qui s’est illustré en 1975 face à la toute jeune Meryl Streep, lors d’un de ses premiers castings. Si Georges Abitbol est l’homme le plus classe du monde dans La Classe Américaine, Dino de Laurentiis aurait pu prétendre au titre inverse, de l’homme le moins classe du monde. Ou le plus mufle, ça marche aussi.
1975 donc, Dino de Laurentiis a quitté son Italie natale pour venir s’imposer à Hollywood. Le nabab a fondé la « Dino de Laurentiis Company » et il a rapidement enchaîné quelques succès comme Un Justicier dans la ville avec Charles Bronson où Les Trois Jours du Condor avec Robert Redford. Il s’attaque alors à un mythe, King Kong, rêvant de produire une nouvelle version plus moderne et incroyable que le vieux film de 1933 jadis réalisé par Merian Cooper et Ernest Schoedsack. Après quelques errements pour trouver le réalisateur (Polanski et Peckinpah ayant refusé), son choix se porte sur le solide John Guillermin, qui sort d’un triomphe avec La Tour Infernale. Reste à composer le casting et s’il n’y a pas trop d’auditions à faire pour le rôle du grand gorille énervé, il va en falloir pour celui de Dwan, la jeune femme sur laquelle la créature jette son dévolu. Barbra Streisand est envisagée, la sublime Bo Derek refuse, Dino De Laurentiis continue de chercher. C’est alors qu’une jeune comédienne totalement inconnue se pointe aux essais. Elle s’appelle Meryl Streep, 26 ans au compteur. Le fils du vieux Dino l’a sélectionnée et la présente à son puissant paternel. Réaction du monsieur le moins classe du monde à son fiston « Mais pourquoi tu m’amène cette chose affreuse ?« . Sympa pour Meryl. Entre le « chose » et le « affreuse », on ne sait trop que choisir pour souligner la goujaterie du bonhomme. Et va avoir confiance en toi après ça. Le truc, c’est que courageux comme pas deux, Dino de Laurentiis avait pris soin de lancer sa petite saloperie en italien, histoire de ne pas afficher ouvertement le fond de sa pensée devant la jeune femme. Pas de bol pour lui, on le sait tous aujourd’hui mais Meryl Streep était tout sauf bête. Et il s’avérait que la jeune femme… parlait italien ! Sur un ton délicieusement sarcastique, Meryl Streep s’est excusée d’être « trop moche pour plaire à King Kong » avant de prendre ses cliques et ses claques et d’aller voir ailleurs si elle y était.
Heureusement, cet épisode n’entachera pas trop sa confiance en elle et la jeune Meryl persévèrera. Bien lui en a pris. L’année d’après, on la découvre dans Julia de Fred Zinnemann, puis elle s’imposera avec Voyage au bout de l’enfer de Michael Cimino et Manhattan de Woody Allen. Suivront La Vie Privée d’un sénateur et surtout Kramer contre Kramer, qui lui vaudra un Oscar. Le premier des trois qu’elle remportera sur ses 21 nominations, entre deux Golden Globes et autres BAFTA. Car oui, la jeune femme « trop moche pour plaire à King Kong » est aujourd’hui, l’une des plus grandes comédiennes de sa génération, et l’une des plus récompensées de l’histoire du cinéma.