1996, la carrière de Brad Pitt a vraiment décollé après que l’acteur ait enchaîné Entretien avec un Vampire, Légendes d’Automne, Se7en, Sleepers ou L’Armée des 12 Singes. Au top de sa notoriété, Brad Pitt se lance dans un projet qu’il garde sous le coude depuis un moment. En 1992, la star avait reçu le scénario du film The Devil’s Own, qui deviendra Ennemis Rapprochés en France. Les années ont passé et rien ne s’est jamais décanté. 1995, Brad Pitt essaie de rebooster l’affaire en soumettant l’idée de proposer le script à Harrison Ford, grand nom qui pourrait clairement faire bouger les choses s’il embarquait à bord. Forcément, quand le comédien acceptera, tout ira beaucoup plus vite et les producteurs s’affaireront pour monter le film. L’argent arrive, l’écriture reprend, tout semble en bonne voie pour ce long-métrage qui évoque la guerre en Irlande à travers la relation entre un policier irlandais et un militant de l’IRA à New-York, le premier ne sachant rien au départ des agissements du second. Aux commandes, l’illustre Alan J. Pakula (Les Hommes du Président), réclamé par Harrison Ford (les deux se connaissaient du tournage de Présumé Innocent en 1990) et dont ce sera malheureusement le dernier film puisqu’il mourra dans un accident de voiture en novembre 1998.
Pour Brad Pitt, tout n’est alors que bonheur, le comédien s’apprêtant à enfin tourner un film qui lui tenait à cœur depuis longtemps. Mais l’emballement sera de courte durée. Car une fois installé sur le projet, Harrison Ford commencera à réclamer de profonds changements dans le scénario, à commencer par un développement de son personnage et beaucoup plus de scènes. Inquiet de voir le script qu’il avait tant aimé être totalement dénaturé et à deux doigts de virer en un nouveau thriller 100% Harrison Ford façon Le Fugitif, Brad Pitt répliqua, demandant lui aussi de nouvelles scènes et un développement de son personnage. Pour lui, pas question de devenir l’acteur de soutien du film, il voulait être la co-vedette avec Ford, qu’il avait lui-même suggéré au départ de surcroît. C’est alors que le scénario a commencé à devenir un pudding tricoté selon des égos. Quand le tournage commencera enfin en février 96, Brad Pitt paniquera. Les prises de vues débutent alors que le scénario n’est toujours pas terminé et à pas mal d’endroits foutrement incohérent. Craignant une catastrophe artistique qu’il voit venir à des kilomètres, Brad Pitt annonce alors qu’il va se retirer du projet. Problème, pas mal d’argent a été réuni et les producteurs refusent catégoriquement son départ. Pour le bloquer, ils décident de lui réclamer des indemnités à hauteur de l’investissement si tout s’effondre par sa faute. On parle alors de plus de 50 millions de dollars. Brad Pitt est coincé, il va être obligé d’aller au bout.
La suite ira dans l’escalade. Alors que des « script doctors » défilent pour secourir un scénario de plus en plus malade à cause des réécritures, le film se tourne parallèlement dans la douleur. Entre Brad Pitt et Harrison Ford, le torchon brûle. Les deux stars se disputent constamment jusqu’au point de ne plus s’adresser la parole. Pendant ce temps-là, le budget explose dans les grandes largeurs, passant de 50 M$ à 90 ! Une dérive pas arrangée par le problème de la scène finale avec une fusillade sur un bateau. A deux mois de la sortie, elle a dû être intégralement retournée en studio en Californie car Pakula, insatisfait du résultat, trouvait qu’elle ne fonctionnait absolument pas. Décidément… Et on en arrive à l’heure de la promotion. Si Harrison Ford se montrera plutôt mesuré, fuyant les questions qui fâchent par un simple « Je fais des films, à vous de décider s’ils vous plaisent ou non« , Brad Pitt n’hésitera à balancer ses quatre vérités et à montrer son dégoût envers le résultat d’un projet qui lui tenait à cœur. L’acteur ne se privera pas d’expliquer que le film « est un désastre, l’un des tournages les plus irresponsables – si encore on peut appeler ça un tournage » auquel il ait assisté. Cerise sur le gâteau, Ennemis Rapprochés s’offrira un dernier petit scandale extra-cinématographique au moment de sa sortie. Quelques mois avant le tragique accident qui lui coûta la vie, La princesse Diana fut surprise au cinéma en compagnie de ses deux fils, William et Harry. Ok, et donc ? La sortie du film était assez scrutée alors que le sujet demeurait encore brûlant et que certains bords lui reprochaient de « glamouriser » la guerre et le terrorisme de l’IRA. Or, en partie pour ces raisons, Ennemis Rapprochés était interdit aux moins de 15 ans en Angleterre, pays très à cheval sur ce genre de choses. Si William en avait pile poil 15, Harry n’avait que 12 ans. On apprît alors que La princesse de Galles avait usé de son influence pour convaincre les employés d’un cinéma afin qu’ils la laissent entrer avec ses enfants malgré l’interdiction. Diana dut se plier à des excuses publiques. Brad Pitt et Harrison Ford ? Ils ne retourneront jamais plus ensemble tout simplement, mais iront quand même jusqu’à nier toute brouille entre eux sur le tournage. Pas de bol, tout le monde était au courant et le politiquement correct n’a pas marché sur ce coup.
Par Nicolas Rieux