Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : Non si deve profanare il sonno dei morti (aka Let sleeping Corpses Lie)
Parents : Jorge Grau
Livret de famille : Ray Lovelock (George), Cristina Gabo (Edna), Arthur Kennedy (L’inspecteur), Aldo Massasso (Kinsey), Fernando Hilbeck (Guthrie), Giorgio Trestini (Craig), Roberto Posse (Benson)…
Date de naissance : 1974
Nationalité : Espagne, Italie
Taille/Poids : 1h35 – Budget NC
Signes particuliers (+) : Un film fondateur du genre et de son avenir. Une narration à la fois simple et riche, des fulgurances visuelles fantastiques et du fond. L’oeuvre totale.
Signes particuliers (-) : x
UN EMBLÈME TROP SOUVENT OUBLIÉ…
Résumé : Un homme et une femme, compagnon de route de fortune après un accrochage, se retrouvent attaqués par des morts vivants en pleine campagne anglaise. Les ondes ultra-soniques utilisées dans les nouveaux matériaux agricoles semblent être la cause de la « maladie »…
Spécialiste des films de genre, l’hispanique Jorge Grau fait partie des quelques acteurs ayant animé le courant horrifique de son pays dans les années soixante-dix, avec passion et sincérité. Surtout, il est l’un des réalisateurs les plus passionnants du genre à l’époque, alors que le franquisme était plus proche de sa fin et que la révolution culturelle était en marche. Avec Armando de Ossorio, Jesus franco ou Narciso Ibanez Serrador, Jorge Grau était l’un des grands que l’Espagne a connu à une époque ou elle était en mesure, sinon en quantité au moins en qualité, de rivaliser avec la voisine Italie, grande terre prolifique pour le cinéma bis d’horreur. Mais à l’inverse d’un De Ossorio ou Jesus Franco, Jorge Grau était avant tout un auteur courageux qui fut parmi les premiers à politiser le genre en Europe, à l’image de ce qu’avait pu faire sa grande source d’inspiration outre-Atlantique, George Romero.
Coproduction italo-espagnole, Le Massacre des Morts-Vivants est non seulement l’une de ses œuvres les plus abouties et fameuses mais c’est aussi l’un des meilleurs films de zombie produit en Europe à l’époque. Fleuron du genre tristement trop méconnu et pourtant culte pour beaucoup d’amateurs, Le Massacre des Morts-Vivants, réalisé en 1974, est un film habile qui a su mêler à la fois engagement politique, prise de risque formelle et grand respect des fondations posées par Romero aux États-Unis et qu’il va renforcer en posant à son tour, une nouvelle pierre angulaire de ce que va être le genre par la suite, à son heure de gloire dans la deuxième moitié des années 70 puis 80.
Formellement, Le Massacre des Morts-Vivants marque les débuts d’un cinéma zombiesque qui va devenir plus gore, plus graphique, plus extrême, tournant ainsi le dos à l’ancien style timoré et dépassé, celui des films de son confrère Armando De Ossorio par exemple, avec sa saga des Templiers, plus proche du fantastique horrifico-gothique dans l’esprit de celui de la Hammer que du nouveau cinéma d’horreur moderne. Sanguinolent, Le Massacre des Morts-Vivants est en quelque sorte, l’un des membres importants d’une sorte de Nouvelle Vague de l’horreur, reprenant les idéaux du fameux courant français où l’idée serait de tourner le dos à un ancien cinéma de papa trop pépère et confortable dans ses pantoufles. Plusieurs séquences chocs (la jolie infirmière dévorée par des zombies affamés) seront ainsi marquantes et mémorables.
Narrativement, Le Massacre des Morts-Vivants s’appuie sur une intrigue assez simple mais que Jorge Grau arrive à rendre intéressante grâce aux interactions entre ses personnages et à la richesse de son récit qui multiplie les chapitres changeant de ton. On débute dans du fantastique avant de passer à la contre-enquête presque policière puis de finir sur de l’authentique cinéma gore bien horrible. Au final, le script de Le Massacre des Morts-Vivants sera typique du genre et précurseur de ce qu’il deviendra mais sa force réside dans sa capacité à ne jamais forcer ses débordements horrifiques visuels ou à tourner le récit autour d’eux comme s’ils étaient le point central du métrage mais au contraire, à les faire participer à l’histoire dominante, de façon cohérente, à les y intégrer sans jamais qu’ils ne paraissent gratuits ou poussifs dans leur présence.
Idéologiquement, Jorge Grau prend ses responsabilités et proche de son homologue américain et inspirateur Romero, l’ibérique fait en sorte à ce que son œuvre ne soit jamais une simple gratuité défiant la morale sans fond et finalité. Le Massacre des Morts-Vivants est bicéphale, partagée entre production horrifique efficace et histoire engagée avec un fond soutenant la forme. Les films de zombie de l’époque avaient tendance à lapidairement justifier l’apparition de revenants généralement soit par un virus, soit par la sur-industrialisation mais dans tous les cas, ces deux approches se rejoignaient dans l’idée que l’homme courait à sa perte par sa propension à sans arrêt accroître la place de la technologie, du progrès coûte que coûte, sans se préoccuper des risques qu’il encourt ou fait encourir à son environnement. Jorge Grau livre, lui, un véritable pamphlet critique contre la bêtise de l’homme sans arrêt à polluer son cadre de vie, sans arrêt en train de le souiller en donnant à la technologie une place trop importante au point qu’elle prend le pas sur la nature essentielle à la vie. Le prologue de Le Massacre des Morts-Vivants est exemplaire à ce titre, montrant la façon dont les villes sont déjà le comble de l’irrespirable et du massacre de la Terre mais pire, comment les espaces de verdure encore purs sont sur le point d’être souillés à leur tour par le progrès galopant et salissant, dangereux et destructeur. Et c’est le héros, George (Ray Lovelock), qui sera le garant de cette mise en garde, l’idée de tout un film même si elle s’égare parfois en cours de route.
Film d’horreur au discours profondément écologiste, Le Massacre des Morts-Vivants n’est pas qu’un bon film de zombie efficace, bien écrit et bien construit. Il est une réussite emblématique de la qualité des auteurs de genre européens de l’époque (Grau en Espagne, Fulci en Italie, Rollin en France…). Œuvre en partie fondatrice elle-aussi, préfigurant la vague gore et témoin de son temps au passage avec de belles petites piques envoyées au régime mourant du général Franco (la police fascisante et rétrograde qui martyrise le couple de héros sans chercher plus loin que le bout de son nez, préférant la répression à la compréhension), ce somptueux cauchemar est aussi une réussite esthétique entre horreur sans concession et passages giallesques (la scène de l’appareil photo). Le Massacre des Morts-Vivants ou tout simplement l’un des meilleurs films du genre, injustement mésestimé, souffrant de l’ombre des imposants classiques de Romero. On ne peut que vous le recommander si vous ne l’avez pas encore vu. Et méfiance, le film existe sous de nombreux autres titres comme Don’t Open the Window, The Living Dead at the Manchester Morgue ou Non si Deve Profanare il sonno dei Morti (le titre original italien)
Bande-annonce :
Film surprenant pour l’époque… un petit bijoux… Les zombies sont vraiment flippants. Le film a vieilli, mais seulement au niveau du doublage. A découvrir d’urgence pour les fans de morts vivants… Une réussite