Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : The Hobbit: The Battle of the Five Armies
Pères : Peter Jackson
Date de naissance : 2014
Majorité : 10 décembre 2014
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 2h24 / Poids : 730 M$
Genre : Heroic Fantasy
Livret de famille : Martin Freeman (Bilbon), Richard Armitage (Thorin), Evangeline Lilly (Tauriel), Lee Pace (Thranduil), Luke Evans (Bard), Ian McKellen (Gandalf), Ken Scott (Balin), James Nesbitt (Bofur), Cate Blanchett (Galadriel), Christopher Lee (Sarouman), Hugo Weaving (Elrond), Orlando Bloom (Legolas), Ian Holm (vieux Bilbo), Aidan Turner (Kili)…
Signes particuliers : Peter Jackson referme les livres sur la Terre du Milieu en concluant sa deuxième trilogie avec un final placé sous les cieux de l’épique…
FIN DU VOYAGE EN TERRE DU MILIEU
LA CRITIQUE
Résumé : Atteignant enfin la Montagne Solitaire, Thorin et les Nains, aidés par Bilbon le Hobbit, ont réussi à récupérer leur royaume et leur trésor. Mais ils ont également réveillé le dragon Smaug qui déchaîne désormais sa colère sur les habitants de Lac-ville. A présent, les Nains, les Elfes, les Humains mais aussi les Wrags et les Orques menés par le Nécromancien, convoitent les richesses de la Montagne Solitaire. La bataille des cinq armées est imminente et Bilbon est le seul à pouvoir unir ses amis contre les puissances obscures de Sauron. L’INTRO :
Ce sont presque quinze années de sa vie que Peter Jackson referme aujourd’hui avec Le Hobbit : La Bataille des Cinq Armées, dernier volet de la saga dédiée à Bilbon Sacquet et point final à son travail sur l’univers du Seigneur des Anneaux. Deux trilogies titanesques qui auront tenu en haleine les fans de Tolkien depuis 2001. Si la saga Le Hobbit a toujours eu un complexe d’infériorité face à sa glorieuse cousine Lord of the Rings, on espérait quand même beaucoup de ce final annoncé comme dantesque et ambitieux, alors que le second chapitre La Désolation de Smaug nous avait laissé bouche bée devant la libération du dragon, fin prêt à entamer sa campagne dévastatrice. Une chose était sûre, ceux qui avaient reproché au premier ses longueurs éternisantes et ceux qui n’avaient pas été pleinement convaincus par le spectacle pourtant splendide du deuxième volet, pouvaient se réjouir car comme son titre l’indique, La Bataille des Cinq Armées allait être le moment tant attendu avec un très grand « M ». Le voyage de Bilbon et ses amis les Nains est désormais achevé, Erebor est libéré… Place maintenant à la guerre sous les cieux de l’épique avec la convergence prévisible de tous les intéressés par la position stratégique de la Citée et son trésor légendaire.L’AVIS :
Tout a été dit ou presque sur la saga du Hobbit, décryptée, disséquée, analysée, retournée dans tous les sens par les fans, comme sa prédécesseur Le Seigneur des Anneaux avant elle. La question en suspens était donc de savoir si cet ultime chapitre allait être une claque majestueuse ou pas. Si Peter Jackson, qui aura étiré un simple roman en une série de trois films avec les dangers logiquement engendrés, allait réussir le pari de terminer tout ça par un moment cinématographique de légende justifiant l’entière seconde trilogie plus poussive et moins riche, même si chacun des deux précédents chapitres auront su satisfaire malgré leurs défauts. Et la meilleure réponse possible s’avèrera aussi lapidaire qu’évasive. Oui et non. Concrètement, ce que l’on peut dire de façon affirmative, c’est que les déçus de Un Voyage Inattendu et La Désolation de Smaug n’auront que bien peu de chances d’apprécier cette conclusion outre mesure. De la même manière, ceux qui ont été totalement conquis jusque-là, pourront éprouver une forme de jouissance sacrée devant un dernier acte qui envoie le bois en terme de spectacle et de générosité. Construit sur deux parties distinctes, La Bataille des Cinq Armées se résume narrativement à la mise en place pendant une bonne heure des enjeux stratégiques entre les parties en présence, enjeux qui vont ensuite nourrir la seconde moitié du long-métrage qui lâche la bride avec la dite bataille ultra-conséquente qui offrira pas moins d’une bonne heure de guerre intense entre les Nains, les Elfes, les Orques, les Humains etc… Peter Jackson aura ménagé la progression de toute sa saga aux allures de voyage à embûches en vu de ce moment de bravoure délivré comme un cadeau final : un film-bataille pharaonique.
L’intention était louable, même si elle reste soumise à un esprit de fan-service laissant derrière lui, une traînée de nostalgie couplée à du déjà-vu. Car concrètement, ce que l’on retiendra de La Bataille des Cinq Armées, ce ne sera sans doute pas sa préparation introductive mais la fameuse méga-bataille guerroyante où le cinéaste injecte toute son énergie pour proposer un final visuel et immersif déboussolant, aidé par le recours à la 3D et la technologie HFR (48 images / seconde). Sauf que patatras, cette fameuse bataille dont tout le monde parle, ce monument de spectacle annoncé comme dévastateur, énorme etc… n’a rien à envier aux précédents moments de bravoure du Seigneur des Anneaux. Redite, découpage maladroit ou panne d’inspiration pour trouver des idées nouvelles après avoir déjà fait le tour du sujet, toujours est-il que Peter Jackson nous avait sacrément plus bluffé sur ce point avec Les Deux Tours ou Le Retour du Roi. En filmant une bataille totale en jouant avec les points de vue, les situations et les zones de conflit, le cinéaste finit par se noyer dans la chorégraphie de son ballet guerrier. Malgré quelques fulgurances visuelles, chaque petite histoire alimentant la grande qu’est cette bataille monumentale, n’est que frustration ou déception. A tout vouloir montrer, Jackson ne montre finalement pas grand-chose, l’épique sombre dans le foutoir narrativement désordonné, le découpage global est maladroit et ne laisse pas vivre ses séquences correctement, le souffle recherché est sans cesse coupé, ou plutôt entrecoupé par les sauts géographiques et narratifs à la fluidité contrariée. Au point que cette guerre se passe, que les âmes trépassent, et que l’on contemple détaché ce capharnaüm sans jamais réellement vibrer, du moins pas autant que précédemment dans la saga du Seigneur des Anneaux qui affichait des scènes équivalentes nettement meilleures et plus impressionnantes car mieux maîtrisées à tous les niveaux.
Deuxième problème majeur rencontré tout au long du film, l’inconstance et l’inégalité de chacun des points forts. Ses ambitions de spectacle qui finissent par saboter le « coup » espéré et visé, ne sont pas les seules.
- Les effets spéciaux ? Clairement, on ne pourra pas décemment dire que La Bataille des Cinq Armées loupe le coche question production design ou SFX. Le film recèle quantité de séquences visuellement magnifiques. Mais pas toutes. Les effets digitaux souffrent d’un traitement aléatoire au point de laisser filtrer une dichotomie entre les efforts concentrés sur ce qui est mis en avant et ce qui est bâclé. Exemple parfait, l’ouverture avec l’attaque de Smaug. Pour un dragon magistralement matérialisé, des effets de fond (le village qui s’embrase) d’une laideur sans nom. Et la technologie HFR ne pardonnera rien. La perfection et la netteté du procédé trahiront à de nombreuses reprises des incrustations sur fond vert méchamment loupées ou une image pas toujours aussi bien soignée qu’elle aurait dû.
- L’émotion ? La Bataille des Cinq Armées essaie de coupler son souffle épique à une dramaturgie émotionnelle forte. Autant dire que l’alliance ne fonctionne pas de façon optimale. Ce dernier volet reste assez froid et terme d’émotion, probablement le contrecoup de sa nature intrinsèque oubliant souvent les personnages (trop nombreux) pour les fondre dans le spectacle général esquissé et la fonction qu’ils y occupent. Pire, quand Jackson essaie de s’attarder sur eux, c’est davantage un sentiment de ridicule qui filtre, plus qu’une intensité dramatique faisant mouche (exemple dans l’idylle entre Kili le Nain et Tauriel l’Elfe ou dans la mauvaise gestion de la confusion obsessionnelle de Thorin).
- La densité ? La Bataille des Cinq Armées se voulait plus condensé pour gagner en efficacité pure. Sur certains points, le film y parvient en s’allégeant des longueurs qui ont rendu les deux volets antérieurs imparfaits. Problème, cette néo-densité est mal gérée à l’arrivée. Etrangement, le film de Peter Jackson gagne en rythme autant qu’il perd en intérêt. En faisant le ménage pour supprimer le superflu, le cinéaste supprime des choses essentielles à la fluidité de son récit et perd le fil de son histoire, de ses personnages, pour livrer un spectacle d’action affichant des carences en identité et charme.
- Sérieux et iconisation ? Le Hobbit a toujours essayé de masquer son manque de gravité et son ton nettement moins sombre que Le Seigneur des Anneaux. Une fois de plus, Peter Jackson s’y applique mais pèche davantage que par le passé. Le résultat alterne le fabuleux et le ridiculement kitsch lorsqu’il se laisse aller à des séquences supposées iconiques ou fortes, mais en réalité transpirant une forme de bêtise à la limite du comique.
Au final, La Bataille des Cinq Armées est un beau spectacle concluant une saga agréable sans avoir été géniale, mais qui souffre autant de son inégalité que de sa taille courte sur patte. Est-ce par ce que le film est considérablement moins long que les autres qu’il ne provoque pas le même impact dramatique ? Car si les précédents volets tournaient autour des 2h45, ce dernier acte a été ramené à un trompeur 2h24, incluant plus d’un quart d’heure de générique. On est à l’arrivée plus proche des deux heures de film et cet effet de resserrement impacte l’histoire ou des personnages souffrant des raccourcis et d’un traitement plus expéditif. Bilan mitigé pour ces adieux en demi-teinte, tiraillé entre la démesure grandiose et l’insatisfaction d’un pâle copie moins qualitative du travail précédemment entrepris.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux