Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : The Other
Père : Robert Mulligan
Date de naissance : 1972
Majorité : 14 septembre 2016
Type : Sortie Blu-ray/DVD
Nationalité : USA
Taille : 1h47 / Poids : NC
Genre : Drame, Épouvante
Livret de famille : Uta Hagen, Diana Muldaur, Chris & Martin Udvarnoky…
Signes particuliers : Entre le drame et le fantastique, Robert Mulligan signe un chef d’œuvre à (re)découvrir en haute définition grâce à la nouvelle édition collector concoctée par Wild Side.
L’AUTRE CHEF D’OEUVRE DE ROBERT MULLIGAN
LA CRITIQUE DE L’AUTRE
Résumé : Élevés par leur grand-mère Ada, les jumeaux Niles and Holland Perry vivent paisiblement dans une ferme du Connecticut… Mais, un beau jour, des évènements étranges et tragiques commencent à se produire. Tout laisse à penser que l’un des deux frères a quelque chose de diabolique en lui…
A dix ans d’intervalle, Robert Mulligan aura signé probablement les deux plus grands films de sa belle carrière. En 1962, le discret metteur en scène atteint d’abord la consécration avec Du Silence et des Ombres, chef d’œuvre entré pour l’éternité dans la culture populaire américaine. En 1972, le même Mulligan tourne L’Autre, adaptation d’un célèbre best-seller de Thomas Tyron (Le Visage de l’autre). L’Autre est un thriller dramatique au suspense très aiguisé, flirtant avec la lisière du fantastique voire même de l’épouvante. Le résultat est formidable.L’Autre fonctionne entièrement sur une double-dynamique faite de complémentarités et de contraires. D’abord, il y a la complémentarité quasi-fusionnelle de ses deux jeunes protagonistes principaux, les jumeaux Niles et Holland. Malgré la récente mort de leur père et les problèmes de santé de leur mère, le duo complice passe un été quasi-normal à la campagne. La complémentarité fonctionne, entre eux deux comme entre eux et la nature bucolique de ce cadre champêtre idéal à l’épanouissement. La photographie flatte la beauté des lieux, le soleil éclaire le film et son imagerie chatoyante, L’Autre baigne dans une atmosphère étonnamment légère et enchantée alors que son tandem séduit. C’est sans doute la perfection visuelle et sensorielle de cette installation qui va permettre à Mulligan de mieux déstabiliser ensuite le spectateur. Lorsque les premiers signes d’étrangeté apparaissent, L’Autre bascule. Un basculement non pas direct et brutal mais plutôt lent et sourd. Progressivement, Robert Mulligan transforme l’ambiance agréable en la parasitant par des prémices dérangeantes. Comme lorsque l’on dort et que l’on sent que notre doux sommeil est en train de vriller vers les affres du cauchemar. Lentement mais sûrement, L’Autre instille une sensation d’inquiétude, d’inconfort, de mal-être. La dynamique de ses deux héros vacille, l’équilibre se transforme en relation de dominant à dominé, et le spectateur perd pied dans la toile en train de se tisser sous ses yeux. Progressivement, le film se tend, il devient de plus en plus hypnotisant, énigmatique, angoissant. Angoissant justement car énigmatique.
Brillamment et avec une virtuosité sidérante, Mulligan joue avec la compréhension du spectateur et parce qu’il le laisse volontairement dans les eaux troubles d’un flou savamment entretenu, l’atmosphère se drape dans un effrayant de plus en plus puissant, un effrayant qui s’immisce dans toutes les pores du film. A l’écran, les jeunes comédiens Chris et Martin Udvarnoky incarnent et véhiculent les ressentis, ils captivent le regard, renforçant la tension suffocante par leur jeu terriblement glaçant. Thriller psychologique manipulateur, témoin du génie de Robert Mulligan pour désarmer son audience et jouer avec lui comme avec ses degrés de compréhension, L’Autre va alors déployer sa dynamique des contraires, glissant vers la terreur soigneusement développée pas à pas. Difficile d’aller plus loin dans la critique, de peur de trop en dévoiler, mais Mulligan réussit à nous immerger complètement dans un récit sans cesse troublant, dont le machiavélisme perturbant est sublimé par le recours à une esthétique gothique dès plus fascinante. Un chef d’œuvre à cheval entre le drame et le genre, que l’on n’oublie pas une fois découvert.
LE TEST BLU-RAY DE L’AUTRE
Comme toujours dès qu’il s’agit de toucher à des classiques du cinéma, Wild Side a concocté une édition collector qui ravira les cinéphiles. Une édition dont la beauté visuelle continue de régler son compte au débat sur la dématérialisation des supports. Quand on voit la qualité de tels « objets de cinéma », autant dire que l’on n’a aucune envie de voir le support physique disparaître. Dans le détail, la galette Blu-ray proposant L’Autre en version restaurée HD, séduit d’emblée par la beauté de son image, soutenue par un son DTS qui fait des merveilles du haut de son 2.0. Si l’entame du film pouvait procurer quelques inquiétudes sur le travail de restauration opéré, la suite rassure très vite avec une image resplendissante, au piqué parfait. Et le film de Robert Mulligan d’y trouver une nouvelle jeunesse admirable. Côté suppléments, l’édition s’offre un livret de 78 pages signé Frédéric Albert Lévy (un ancien de Starfix) et largement illustré en documents rares, photos et affiches originelles. Parfait pour tout savoir de ce classique indémodable trop souvent mésestimé. Sur le Blu-ray, le film est accompagné d’une interview croisée de Pascal Laugier par Fausto Fasulo (Mad Movies). Durant 32 minutes, les deux hommes conversent sur le film, sa mise en scène, ses choix esthétiques, son ambiance… Si l’on aurait aimé peut-être davantage de suppléments vidéos, l’ensemble reste du très beau travail de cinéphile, que l’on le recommande plutôt deux fois qu’une !
Par Nicolas Rieux
EXTRAIT :