Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : L’Astragale
Mère : Brigitte Sy
Date de naissance : 2014
Majorité : 08 avril 2015
Type : Sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h45 / Poids : NC
Genre : Drame
Livret de famille : Leïla Bekhti (Albertine Sarrazin), Reda Kateb (Julien), Esther Garrel (Marie), India Hair (Suzy), Jean-Benoît Ugeux (Marcel), Jocelyne Desverchere (Nini)…
Signes particuliers : La cinéaste Brigitte Sy se penche sur l’histoire d’Albertine Sarrazin, 46 ans après la version avec Horst Buchholtz et Marlène Jobert. Une romance dramatique bouleversante.
UNE ROMANCE CONTRARIÉE PAR LE DESTIN
LA CRITIQUE
Résumé : Une nuit d’avril 1957. Albertine, 19 ans, saute du mur de la prison où elle purge une peine pour hold-up. Dans sa chute, elle se brise l’os du pied : l’astragale. Elle rampe jusqu’à la route et interpelle une voiture. Elle est secourue par Julien, repris de justice, qui l’emmène et la cache chez une amie à Paris. Pendant qu’il mène sa vie de malfrat à droite à gauche en province, elle réapprend à marcher dans la capitale. Julien est arrêté et emprisonné. Seule et recherchée par la police, elle se prostitue pour survivre et, de planque en planque, de rencontre en rencontre, lutte au prix de toutes les audaces pour sa fragile liberté. Mais les souffrances physiques qu’elle endure ne sont rien à côté de ce que l’absence de Julien provoque dans sa chair…L’INTRO :
Parce que ces temps-ci, on n’arrête plus la marche du biopic au cinéma, en voici un nouveau, français cette fois-ci, et centré sur Albertine Sarrazin, bien connue des passionnés de littérature, sans doute moins des autres. Petit point d’histoire pour replacer le sujet dans son contexte. Albertine Sarrazin est une écrivaine française connue pour sa vie mouvementée racontée notamment dans son roman L’Astragale. Une auteure disparue très jeune, à l’âge de 29 ans, laissant derrière elle un fabuleux héritage littéraire édité à titre posthume. Prostituée et petite délinquante à l’enfance douloureuse, Albertine Sarrazin échouera en prison à l’âge de seize ans suite à un hold-up qui tourne mal. S’évadant en sautant d’un mur de dix mètres de haut (se brisant alors l’astragale, un petit os du pied), elle sera ramassée par un malfrat local, Julien Sarrazin, dont elle s’éprendra passionnément, et qui lui permettra de se cacher et d’éviter une vie de cavale en se forgeant une nouvelle identité. Le début d’une histoire et d’un étrange destin tragique, qui participera probablement à sa fin. Brigitte Sy, comédienne et réalisatrice de Les Mains Libres en 2010, s’est intéressée à ce personnage passionnant, pour d’innombrables raisons, et dont elle a offerte l’interprétation à Leïla Bekhti, Reda Kateb incarnant Julien Sarrazin. A noter qu’une première version avait été réalisée en 1969 par Guy Casaril, avec Horst Buchholz et Marlène Jobert.L’AVIS :
L’Astragale repose sur une histoire forte, celle d’une jeune femme passée entre les goutes de sa vie noyée dans un océan de tristesse ou quelques beaux moments lumineux ont fait office de radeau. On discerne très vite ce qui a pu plaire à Brigitte Sy dans ce conte inversé ou la luminosité de la passion dévorante s’évapore derrière la romance contrariée et tragique. L’histoire d’un amour fou barré par le destin, l’histoire d’un éternel empêchement à être ensemble, l’histoire d’une femme en avance sur son temps et dans le même temps, prise au piège de ses griffes acérées. La vie d’Albertine Sarrazin paraît à s’y méprendre, à une tragédie grecque où l’impuissance a convolé aux côtés de l’espoir et des rêves, couvrant inlassablement la lumière, d’un vaste enchevêtrement de sombres nuages. Touchant, voire bouleversant, ce récit dramatique fondé sur l’impossible sans jamais appuyer le pathos mais au contraire, en soulignant sans cesse l’énergie désespérée d’une personnalité forte mais fragilisée par les coups, aurait pu être le terrain d’une petite beauté cinématographique couplant l’émotion à un portrait de femme magnifique.Mais malheureusement, la beauté du film de Brigitte Sy opère seulement par petites touches, par des moments de grâce qui s’évaporent dans un tout qui peine à emporter. Trop de zones d’ombre laissant un amer sentiment d’imprécision dans un biopic qui se veut « partiel », trop de pistes esquissées et non exploitées, trop sage et feutré, pas suffisamment maîtrisé dans sa conduite narrative souvent répétitive, L’Astragale séduit par à-coups mais s’enferme dans un doux ennui que sa beauté formelle ne vient pas suffisamment rattraper. Sans doute trop focalisée sur sa romance, la cinéaste oublie d’ancrer son histoire à quelque-chose de plus dominant. Le contexte historique entre la France conservatrice, la France post-guerre et la France face à la guerre d’Algérie, la question des origines, la passion pour l’écriture, le passé trouble des personnages, l’homosexualité latente… Autant de pistes esquissées, plaquées en fond de toile, mais vite abandonnées ou survolées dans un script maladroit.Brigitte Sy ne parvient pas à offrir une réelle ampleur à son histoire où l’émotion se trouve prise au piège d’un récit langoureusement replié sur lui-même. De L’Astragale, il reste un hommage avoué à la nouvelle vague, celle du Truffaut et du Godard des débuts (A Bout de Souffle par exemple), il reste des intentions pas toujours traduites en actes, quelques scènes touchées par une élégante poésie où Leila Bekhti offre une sensibilité frémissante. Frémissante seulement, car la justesse y est trop intermittente, noyée dans un ensemble qui sonne souvent faux. De ce noir et blanc formellement splendide à un langage à la fois trop imprécis et trop présent, en passant par des comédiens magnifiés mais souvent hésitants. A l’image du film tout entier, dont on retiendra, en revanche, une petite ribambelle de plans sublimes, composés avec une délicatesse visuelle folle.
EXTRAIT :
Par Nicolas Rieux