Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : The Hill have eyes
Père : Wes Craven
Date de naissance : 1977
Majorité : 07 décembre 2016
Type : Sortie En Blu-ray 4K
Nationalité : USA
Taille : 1h29 / Poids : NC
Genre : Horreur
Livret de famille : Susan Lanier, Robert Houston, Martin Speer, Dee Wallace, Russ Grieve, John Steadman, Michael Berryman, Virginia Vincent…
Signes particuliers : Le classique de Wes Craven fête ses 40 ans.
LA MONTAGNE, ÇA VOUS GAGNE
LA CRITIQUE DE LA COLLINE A DES YEUX
Résumé : Originaire de l’Ohio, la famille Carter traverse les États-Unis en caravane pour se rendre à Los Angeles. Le père souhaite faire un détour par le désert du Nevada pour visiter une mine d’argent, sans savoir que celle-ci se situe au niveau d’une zone d’essai de l’aviation américaine. Les Carter sont bientôt victimes d’un accident et doivent se séparer pour aller chercher du secours. Mais ce qu’ils ignorent, c’est qu’une étrange famille de cannibales est en train de les espionner…1977, Wes Craven a derrière lui un seul et unique film : le mémorable La Dernière Maison sur la Gauche, sorti en 1972. Une œuvre extrême, jusqu’au-boutiste, dont la violence froide et le caractère malsain imprègne la rétine. Il s’attaque alors à son deuxième long-métrage sans savoir qu’il est sur le point de récidiver, et d’offrir au cinéma de genre, un second classique qui entrera dans son histoire. Avec La Colline a des Yeux, le cinéaste va confirmer qu’il est un authentique « Maître de l’horreur ». Classé X par la commission de censure américaine, le film subira des modifications de montage pour sortir dans une version seulement assortie d’un classement « R » (les moins de 17 ans doivent être accompagnés d’un adulte). On regrettera d’ailleurs que le montage initial ait été perdu, probablement à jamais sauf miracle. Pour célébrer le quarantième anniversaire du film, Carlotta Films réédite La Colline a des Yeux pour la première fois dans une version restaurée en 4k. Voilà qui n’était pas du luxe tant les éditions DVD précédentes n’ont jamais affiché une qualité exceptionnelle, en dehors de celle édité par Wild Side, l’autre acteur fort du cinéma patrimonial.Il n’y a pas de meilleure manière de résumer La Colline a des Yeux, qu’en citant Wes Craven. « Beaucoup de films d’horreur américains ont ce sujet : quitter la grande route, sortir des sentiers battus, de la civilisation en un sens. Ca nous rend vulnérable, comme si on repartait en arrière, à l’époque où l’être humain était tout petit. » En effet, comme dans des Massacre à la Tronçonneuse et autre Délivrance ou Duel, c’est en quittant la civilisation que le cinéma américain a donné lieu à ses meilleurs survival. Un sous-genre que l’horreur a su exploiter en confrontant viscéralement l’être humain à l’inconnu du « quelque part, au-dehors ». Et par « au-dehors », on entend, comme l’explique si bien Wes Craven, tout ce monde qui entoure la civilisation moderne, tout ce monde où l’homme se retrouve seul et abandonné au cauchemar qu’il va vivre, tout ce monde qu’il ne maîtrise pas, où il est sans repères, bloqué dans un cadre qui lui est inhospitalier. Ce monde va le pousser dans ses derniers retranchements, le contraindre à faire ressortir ses plus profonds instincts de survie. En ce sens, La Colline a des Yeux partage beaucoup de choses avec La Dernière Maison sur la Gauche, sauf qu’il délocalise son action, prenant le chemin de contrées rocailleuses où la sauvagerie prévaut sur la civilisation, où l’homme est désarmé et impuissant face à la menace, forcé de faire appel à son coté « animal » le plus primitif pour lutter contre l’agression. Mais s’ils partagent cela, les deux métrages sont en revanche différents dans le style et La Colline a des Yeux ne réussira pas atteindre le niveau d’excellence de La Dernière Maison sur la Gauche.Malmené par la critique à l’époque (Télérama le qualifiait « d’abject » et de « repoussant »), La Colline a des Yeux a fini par trouver son statut de film culte avec les années, aussi grâce à l’explosion de la VHS dans les années 80. Néanmoins, il n’aura jamais été réellement considéré comme un « grand film », davantage comme un plaisir coupable et comme une œuvre qu’il faut avoir vu car elle est emblématique d’un genre et surtout, d’une époque. Il faut bien avouer que le film de Wes Craven est souvent maladroit, techniquement pas toujours brillant, parsemé de quelques scènes à la lisière du ridicule. A ce titre, Alexandre Aja réussira d’ailleurs à le transcender avec son brillant remake de 2006, l’un des rares exemples de relecture aillant su faire mieux que son aïeul. La Colline a des Yeux est notamment plombé par une direction d’acteurs en délicatesse avec le talent. Hormis quelques comédiens qui se défendent (Michael Berryman impose son visage atypique pour faire naître le malaise et Dee Wallace se défend), beaucoup jouent terriblement faux, et récitent des dialogues globalement tragiques. Un premier défaut qui se double rapidement d’un second, cette impression d’amateurisme ambiant qui ne produit par le même effet d’inconfort craspec vu du côté de La Dernière Maison sur la Gauche. Au détour de quelques scènes, Wes Craven se perd et fait naître quelques rires gênés par le grotesque de ce qu’elles montrent. Qui ne se souvient pas du « chien intelligent des Carter », scène au sommet du risible. Enfin, il y a le rendu général. Artistiquement assez faible, La Colline a des Yeux n’affiche pas un grand génie, en tout cas, pas celui dont on sait Craven capable. Le cinéaste ne parvient pas à imposer un rythme soutenu à son long-métrage, évite souvent la confrontation avec le gore alors que son film cherche à baigner dans le malaise, et l’ensemble fleure souvent bon le désuet, relevant de ces films qui ont mal vieilli et qui semblent techniquement mal branlés.Fort heureusement, La Colline a des Yeux a beau vriller parfois du côté du nanar trop bisseux pour s’accorder avec son statut de film culte, il réussira tout de même à proposer quelques moments mémorables qui le sauvent de la chute infernale. Comme cette scène de viol supposé, à la fois terrible, angoissante, insoutenable. Une scène qu’Aja a su rendre encore plus forte en n’hésitant pas à y aller franchement, mais que Craven a eu le mérite d’insinuer… en 1977, à une époque où les mœurs n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui. Enfin, quand il se permet d’embrasser le gore, La Colline a des Yeux parvient à faire naître quelque-chose, à faire jaillir un inconfort qui lui rend fièrement service.Mais au-delà du caractère horrifiquement « divertissant » pour les amateurs de cinéma de genre et les nostalgiques, La Colline a des Yeux, comme bien des films relevant du même sous-genre qu’est le survival dans les années 70, se double d’une étude sociologue intéressante. A l’instar de Massacre à la Tronçonneuse, le chef-d’œuvre de Tobe Hooper qui reste quand même très loin au-dessus de la mêlée, le film de Wes Craven oppose « civilisés » et « sauvages ». Par ce clivage sur lequel le film articule sa démonstration horrifique, il oppose également deux visages de l’Amérique, voire du monde par extension. Ou quand les sociétés ont évolué frénétiquement vers la modernité en oubliant certains des leurs en route. Comme dans Massacre à la Tronçonneuse, il est encore question d’une Amérique à deux vitesses, une Amérique qui a muté, qui s’est industrialisé, qui s’est modernisée, mais une Amérique qui a laissé sur le carreau, ceux qui n’ont pas été touché par cette évolution trop lointaine pour eux. Une Amérique qui a délaissé les habitants des contrées reculées, livrés à eux-mêmes et oubliés. Et cette Amérique-là va justement réapparaître dans le sang et dans l’horreur, elle va sortir de l’oubli où on l’a laissé, en croisant la route de sa voisine qui l’a effacé de son paysage. Elle va se retourner contre elle et le choc des cultures ne pourra que mener inéluctablement, vers une violence évocatrice de la violence sociale qu’elle a subi. Sur le fond, La Colline a des Yeux peut se revoir comme un film pertinent, illustrant une réalité de l’Amérique de son temps. Dommage que Wes Craven n’ait pas su rendre cette idée dans un film indéniable bon.
La nouvelle édition que proposera Carlotta dans la foulée d’une ressortie en salles, ne manquera de transporter de joie, les fans du film, de Wes Craven, et de cinéma en général. Outre le long-métrage dans une nouvelle version restaurée gardant le côté granuleux de l’image mais tout en la débarrassant de ses impuretés, la fin alternative est proposée pour la première fois en HD. On ne s’y attardera pas pour ne rien dévoiler à ceux qui ne la connaîtraient pas déjà. Derrière, Carlotta déroulera plus de quatre heures de suppléments, dont beaucoup inédits à ce jour, à commencer par de nouveaux commentaires audio. La suite du film (assez médiocre cela dit) est également présente dans ce beau coffret de luxe, ainsi qu’un livre de 200 pages revenant sur la carrière et l’œuvre de Wes Craven.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux