Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Cold in July
Père : Jim Mickle
Date de naissance : 2014
Majorité : 31 décembre 2014
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 1h49
Poids : Budget NC
Genre : Thriller
Livret de famille : Michael C. Hall (Richard Dane), Sam Shepard (Russel), Don Johnson (Jim Bob), Vinessa Shaw (Ann Dane), Nick Damici (Ray), Wyatt Russell (Freddy)…
Signes particuliers : Avec Juillet de Sang, pur thriller par essence, Jim Mickle ravive les braises des grandes heures du genre des années 80 et fait renaître un cinéma vintage qui nous manque tant.
LA BISE DE JIM MICKLE AUX ANNÉES 80
LA CRITIQUE
Résumé : 1989. Texas. Par une douce nuit, Richard Dane abat un homme qui vient de pénétrer dans sa maison. Alors qu’il est considéré comme un héros par les habitants de sa petite ville, il est malgré lui entraîné dans un monde de corruption et de violence. L’INTRO :
De films en films, Jim Mickle ne cesse de s’affirmer comme un grand représentant de la nouvelle génération de metteurs en scène ayant baigné dans la culture des années 80 et perçant aujourd’hui avec des œuvres fortes traduisant un talent monstre. Passé le coup d’essai Mulberry St, le cinéaste s’était vraiment révélé avec le très applaudi Stake Land, road movie vampirique qui avait sensation en festivals avant d’être très bien reçu par les amateurs de cinéma de genre. Mais le potentiel du bonhomme était encore loin d’avoir pleinement explosé. Trois ans plus tard, ce sera chose faite quand Jim Mickle accouche de We Are What We Are. Ce puissant et splendide drame flirtant avec le cinéma d’épouvante, remake du film mexicain Ne Nous Jugez pas, est acclamé à Sundance avant d’être accueilli dans la prestigieuse Quinzaine des Réalisateurs à Cannes. Un chef d’œuvre qui imposait définitivement son auteur, dont le prochain Cold in July devenait alors une attente prioritaire. Et rebelote. Emmené par le talentueux Michael C. Hall (Dexter pour les intimes) entouré des excellents Sam Shepard et du revenant Don Johnson, Juillet de Sang (en français dans le texte) a valu à Jim Mickle un nouveau voyage direction la croisette et la Quinzaine des Réalisateurs avec cette adaptation du roman éponyme de Joe R. Lonsdale. L’AVIS :
Pour son quatrième long-métrage, Jim Mickle s’éloigne un peu du cinéma de genre pour virer vers le thriller pur, malgré quelques petites touches le laissant graviter pas loin du registre qui a imposé son nom. Mais surtout, ce nouvel effort est l’occasion pour lui de prouver que son talent est sans borne et qu’il est doté de cette capacité rare de se réinventer sans cesse. Car même si l’on trouvera, avec une analyse un peu plus poussée, quelques récurrences dans ses quatre premiers films, Mickle est un cinéaste dont les films ne se ressemblent pas. Stake Land était un road movie post-apocalyptique purement horrifique d’une efficacité sans faille, We Are What We Are était une œuvre léchée fonctionnement essentiellement sur son ambiance lourde, mystérieuse et troublante et Cold in July est un film très stylisé et hautement référentiel, véritable pépite renvoyant au meilleur du thriller eighties, croisé avec un ton résolument « pulp ».
A la force d’une esthétique du mimétisme impressionnante (à l’instar des travaux d’un Ti West), Mickle parvient à nous projeter dans le temps, direction la fin des années 80 voire le tout début des années 90. Juillet de Sang appartient à cette période, l’imite à la perfection, mais pas que. Et c’est là toute sa force. A l’inverse d’un Rodriguez ou d’un Tarantino façon les géniaux Grindhouse, Mickle imite mais s’approprie, copie mais sans recracher, s’inspire mais sans jouer les fan boy amusé. Le cinéaste a ingéré la culture qui l’a façonné et la ressert dans une œuvre à laquelle il injecte sa personnalité, son style, son talent. Hybride, Juillet de Sang oscille dans un équilibre parfait, entre le vintage jouissif et la modernité furieuse, véritable claque qui appelle lointainement un mélange entre Killer Joe et les travaux d’un Gareth Evans sur la saga The Raid. Non pas que le film ait un quelconque rapport avec les récents uppercuts du plus thaïlandais des britanniques, mais en ce sens que comme lui, Mickle manie avec dextérité l’utilisation lucide de références évidentes savamment employées dans une baffe assénée avec maîtrise, gérant son rythme, son ambiance, son (ou plutôt ses) ton(s), avec à la clé quelques envolées graphiques d’une violence inouïe quasi en mode BD, conférant à sa pépite un parfum de film rentre-dedans éperdument iconique, fun et bourrin.
Et parmi les références de ce joyau délicieusement old school convoquant le meilleur du thriller des années 80, plane avant toutes les autres, une ombre carpenterienne évidente, au point que l’on aurait presque envie de s’écrier « Esprit de Big John es-tu là ? ». Cold in July transpire un amour inconditionnel à Carpenter, dans une sorte abécédaire « hommagesque » au cinéaste de Assaut. Musique, montage, découpage, photographie, anti-héros iconiques, mise en scène, ambiance toute en tension, subtile gestion de l’angoisse, pureté de l’art de l’efficace, c’est toute une première moitié du film qui renvoie à Carpenter et pourtant, Mickle réussit un exploit rarissime : louer un maître sans pour autant tomber dans la copie sans personnalité. Il ne se contente pas singer John Carpenter, il a assimilé John Carpenter, et réalise son propre film. Une œuvre à la fois référentielle, personnelle, par laquelle le réalisateur réussit son saut en Triple G : Glaçant, Grandiose, Génial ! Thriller ultra-stylisé, tétanisant et passablement badass, comme si Carpenter rencontrait Tarantino, Juillet de Sang est absolument énorme, tendu, stressant, haletant, en plus d’être beau à en crever. Seul défaut dans ce film construit à double-temps et d’une richesse narrative et visuelle inouïe, une deuxième partie un cran en-dessous de son hallucinante prédécesseur, quand l’improbable s’invite dans le scénario pour chiper la place d’un réalisme viscéral. L’évolution et les choix de ses personnages incarnent toute la force, la motricité et la capacité à surprendre du film et dans le temps, sonnent comme ses principaux ennemis, dans une œuvre handicapée par sa faculté brillante à scruter de près la façon dont se transforment ses protagonistes au gré des ressorts de l’histoire. Mais des transformations déconcertantes à la crédibilité très relative, pour ne pas dire invraisemblables.
Quoiqu’il en soit, en passant au-dessus d’un scénario tiré par les cheveux dans son arc dramatique à canon double-détente opérant un virage à mi-parcours qui en surprendra plus d’un, Juillet de Sang reste une intense virée qui prend aux tripes en plus de fasciner par son esthétique changeante, entre le thriller terrifiant et la balade sanglante à la tonalité pulp jubilatoire. Un véritable régal de série B hargneuse et captivante, baladant dans un univers moralement ambigu mais jouant la carte de l’ironie, porté par un trident d’exception incarnant des figures de cinéma grandioses, Michael C. Hall impressionnant en pur yankee limite bouseux, Sam Shepard flippant en redneck revanchard et Don Johnson énormissime (et hilarant) en texan ringard bien gratiné au four.
Bande-annonce :
Par Nicolas Rieux