A l’occasion de la sortie du film SUMMER (le 29 juillet au cinéma), prix de la mise en scène au dernier Festival de Sundance, nous avons rencontré la cinéaste Alanté Kavaïté et ses deux jeunes comédiennes Julija Steponaityte et Aistė Diržiūtė.
Sangaïlé, une jeune fille de 17 ans, qui passe l’été avec ses parents dans leur villa au bord d’un lac de Lituanie. Comme chaque année, Sangaïlé se rend au show aérien. Cette fois, elle y fait la connaissance d’Austé, une fille de son âge, aussi extravertie que Sangaïlé est timide et mal dans sa peau. Une amitié va s’épanouir dans la sensualité de l’été…
Summer a été ovationné pour sa beauté formelle pleine de poésie, avec notamment un prix à Sundance. Est-ce que c’était une volonté dès le départ, de faire un film très formel ?
Alanté Kavaïté : Oui, dès le début parce que je me suis tout de suite dit que j’allais faire un film sur les sensations et les émotions plutôt que sur des mots ou des rebondissements narratifs. Du coup, je me suis battue contre moi-même pour écrire une histoire courte et simple, contrairement à mon premier film, exprès pour me laisser de la place pour la mise en scène et travailler les sensations. J’avais comme notion principale dans la tête pendant tout ce processus, que ça serait un film impressionniste. Je voulais donc avoir de la marge pour la mise en scène et pouvoir changer le scénario tous les jours sur le plateau en fonction de ce qui se passait devant la caméra. Je tenais à pouvoir continuer à écrire le scénario à même le tournage, en tirant le meilleur de ce qu’il se passait. Et d’ailleurs, j’ai souvent modifié le script. C’est en effet un film très formel, un film de mise en scène, dirait certains.
La question du mal-être de l’adolescence, cet âge où on se cherche, avec en fond le passage de l’adolescence à l’âge adulte, est un sujet qui a été très souvent traité par le cinéma. Quand vous avez attaqué le projet, quelles intentions aviez-vous pour vous démarquer et trouver une originalité, votre originalité ?
Alanté Kavaïté : Je suis d’accord, c’est presque un genre en soi, qui a été souvent visité et revisité. Même dans le choix de deux filles, ce n’est pas novateur mais ce n’était pas le but. Le but était de faire un film lumineux et pop. Je pense qu’il y a peu de films sur cette période, qui ne soient pas sombres.
C’est vrai que souvent, les films un peu lumineux sur l’adolescence, ce sont les comédies.
Alanté Kavaïté : Oui, les comédies romantiques. Tout en traitant quelques éléments un peu plus graves, comme les entailles que s’infligent le personnage de Sangaïlé, je voulais faire un film lumineux car je crois que j’ai l’âge parfait pour traiter de ça, j’ai encore les sensations intactes mais je peux les analyser et les regarder avec du recul. Je voulais faire un film qui m’aurait fait du bien à moi-même à cette époque de ma vie. Je ne voulais ni d’un drame sur l’homosexualité ou l’autodestruction, mais un film positif. Autre chose, il y a l’aviation. Il y a peu de films sur la voltige et c’est quelque-chose de très lié à l’adolescence pour moi. Je trouve que c’est une métaphore très juste par rapport à mon personnage principal qui est en train de se construire et qui manque de confiance en soi. Comme beaucoup d’ados de cet âge là, quand on ne sait pas encore qui l’on est dans un corps d’adulte. Quand j’ai commencé à travailler, je me suis souvenu de mes étés en Lituanie qui était rythmés par ces fêtes aériennes. C’est un pays névrosé par ça, peut-être car c’est un pays très plat. Et il y a là-bas une forte envie de s’élever. Il y a vraiment quelque-chose autour du ciel en Lituanie. Comme je voulais travailler les sensations, je me suis qu’il n’y avait rien de mieux que cette sensation de vertige et de se prendre 6G dans la figure. J’assume totalement ce côté métaphorique, presque de conte, parce que ça aussi c’est lié à l’adolescence pour moi, les métaphores et les symboles. J’en joue beaucoup. Certaines sont même drôles, comme celle du coquillage, quand Sangaïlé l’effleure et met la main dedans. Et le but était de faire un film de leur point de vue, aussi. Comme le fait de ne pas regarder ces deux filles faire l’amour mais être avec elles, être l’une d’elle. Tout se relie, la peur des premiers émois, de la première fois, il y a ce côté « vertige ». C’était ça le pari du film, travailler les sensations.Vous aviez des références, avant de vous lancer, des livres ou films que vous avez pu conseiller à vos comédiennes, par exemple ?
Alanté Kavaïté : Des choses à leur conseiller, non. On a fait avec elles, plutôt un travail psychologique, moins esthétique. Avec le chef op par contre, il y a une scène que l’on a souvent re-regardés, et dans le film c’est même un hommage, c’est Paranoïd Park de Gus van Sant. La scène de la douche dans Summer est clairement un hommage. Je joue avec les surexpositions et les sous-expositions, avec l’ouverture du diaphragme. C’est lui qui m’a inspiré ça. Sinon, moi, je suis plus dans le cinéma japonais des années 60-70. Peut-être que le cadre fixe vient de là, pas seulement de manière conceptuelle. Je voulais clouer mon personnage dans le cadre, mais pas seulement. J’ai aussi beaucoup regardé le travail d’un photographe américain qui s’appelle Alec Soth. Il a une espèce de légèreté formelle tout en ayant un sujet grave. Comme film, c’est vraiment Gus van Sant, c’est le maître, c’est un grand plasticien.
Il y a quelque-chose de très intéressant dans Summer, c’est la façon dont vous mettez en scène cette relation homosexuelle adolescente. A aucun moment, la question de l’identité sexuelle n’est soulevée, comme si c’était normal et accepté, un peu comme faisait Fassbinder.
Alanté Kavaïté : Exactement. C’est un point très important pour moi. Par rapport au film, ce n’était pas le sujet, c’était quelqu’un qui se construit, qui grandit, qui cherche sa place. Mais aussi, je crois que c’est comme ça qu’on pourra faire avancer les choses. Je suis conscience d’être un peu en avance sur la société mais j’ai l’espoir que ça soit ça, la société de demain. Quoique, en tournant le film en Lituanie, je me suis rendu compte que dans la nouvelle génération, c’était presque ça. L’homosexualité n’est plus un « sujet ». Et pour moi, c’est très important car j’ai hâte qu’on parvienne à une société où l’on en parle plus, où tout le monde a les mêmes droits, où l’on arrêterait de sexuer les homosexuels à ce point. Ce sont des gens comme les autres, qui font des choses, qui vivent leur vie. C’est un film militant quelque-part, et j’espère qu’il fera du bien aux ados lituaniens, parce que la situation avance pas mal dans les grandes villes mais dans les provinces et les campagnes, les adolescents continuent de se suicider car ils sentent différents et n’ont personne pour en parler. Pareil, dans les festivals, il n’y a pas une interview où l’on ne m’a parlé de La Vie d’Adèle. C’est un signe qu’il n’y a pas assez de films lesbiens. Dès qu’il y en a deux, on se sent obligé de les comparer.
Surtout que franchement, il n’y a strictement aucun rapport entre La Vie d’Adèle et Summer.
Alanté Kavaïté : Aucun. Aux Etats-Unis ou à Berlin, on m’a demandé sans arrêt si La Vie d’Adèle m’avait inspiré alors que j’étais déjà en train de travailler sur Summer quand il est sorti… Pour moi, c’est donc important de faire un film avec un couple homo sans qu’on ne les pointe du doigt.Mais après, on peut aussi se demander si des évènements comme la gay pride ne sont pas des évènements qui maintiennent cette marque de différence, sans le vouloir bien entendu.
Alanté Kavaïté : Je suis d’accord et ça s’étend aussi au combat des femmes, je trouve. Par exemple, je n’accepte pas le concept et les festivals dits « de films de femmes », ça me choque, ça me dérange. La lutte la plus efficace pour l’égalité, c’est de faire des choses en oubliant les différences. Il n’y a pas de question de « films de femmes » ou de « films d’hommes ». Pour les homosexuels, c’est un peu pareil mais cela dit, on est peut-être encore un peu plus loin de l’égalité dans la lutte et il y a un petit passage encore à franchir avant d’arrêter d’en parler. Peut-être pas en France et encore que, quand je vois ces manifestations contre le mariage pour tous, on se dit qu’il y a du chemin à faire. Dans l’absolu, je suis d’accord. A un moment, il faut qu’on arrête de diviser et de catégoriser les gens, surtout quand c’est quelque-chose qu’on n’a pas choisi. Je n’ai pas choisi d’être une femme, donc pourquoi je devrais me justifier ou me mettre dans une catégorie. Pour beaucoup d’homosexuels, c’est pareil, ils ne l’ont pas choisi donc il ne faut plus qu’on en parle comme un sujet de société.
Dans Summer, Austé est quelque part le salut de Sangaïlé, c’est elle qui l’aide à trouver sa voie dans cette période où elle se cherche. Qu’est-ce qui selon vous, explique l’attirance de Austé pour Sangaïlé au tout début du film, qu’est-ce qui la pousse à aller vers elle comme ça, naturellement ?
Alanté Kavaïté : Je pense que Austé voit en Sangaïlé un petit animal, pas blessé mais, elle voit une énorme fragilité en elle, et c’est peut-être la seule qui décèle en elle, une force finalement. C’est comme ça que je l’imagine. Quand elle voit au tout début du film, dans la fête foraine, c’est une jolie fille tout frêle, et elle a quelque-chose en elle qui ne se voit pas de façon très évidente, mais que Austé sent. Pour moi c’est ça, au-delà de l’attirance inexplicable, au-delà du coup de foudre. C’est comme une biche qu’elle voit. Elle a envie de la soigner, de l’aider, de la recoudre, de l’habiller.
Est-ce que vous qualifieriez votre film de « optimiste » au final ?
Alanté Kavaïté : Absolument. Je reviens de loin pourtant. J’ai eu une adolescence compliquée, comme beaucoup, mais vraiment compliquée. Et quelques-uns des éléments du film, je les ai connu. Et avec la distance d’une vingtaine d’année avec cette période, je suis quelqu’un de plutôt heureuse et bien dans ma peau. Et je me dis que tout ça, ce n’était qu’une étape nécessaire pour grandir. C’est la ligne directrice du film, faire un film positif et lumineux.Parmi les nombreuses qualités formelles du film, il y a deux choses qui ressortent énormément, ce sont le travail sur la photographie et le travail sur le son. Comment avez-vous approché ces deux points ?
Alanté Kavaïté : Sur la photo, je savais dès le départ que ce serait beaucoup de plans fixes. A tel point que l’équipe m’a un peu traitée de terroriste du plan fixe, pendant le tournage. J’avais des idées très arrêtées et je voulais tenir cette rigueur jusqu’au bout, en opposition aux images aériennes et de drones. Les avions de voltige évoluent à une centaine de mètres de hauteur et les drones à une cinquantaine de mètres. Ils symbolisent une sorte de relâchement qui résonne avec ces moments de bonheur et d’apaisement que ressent parfois Sangaïlé. En fait, je travaillais énormément par contrastes. Des plans très larges en opposition avec des plans très serrés. Pareil pour le son. Dès le départ, je savais que je n’allais pas faire un traitement très réaliste du son, qu’il allait être impressionniste, comme l’image, comme le montage. Pour l’image, je ne pense pas qu’il aurait été possible de faire le film, techniquement parlant, il y a 6 ou 7 ans parce qu’on a pu mélanger des images de 4K avec des images HD des drones, sans que ça se voit, et en plus obtenir une vraie stabilité de l’image. C’est tout récent ça. Les drones et ce type de caméras, je ne les aurais pas eu de toute manière, il y a quelques années encore. On en revient toujours à cette idée de film impressionniste, de film de sensations. Ça passe par une très grande recherche formelle et beaucoup d’expérimentations. Même si on avait un cadre strict avec les plans fixes et une unité colorimétrique très précise avec Dominique Colin, mon chef opérateur, à l’intérieur de ce cadre, il y a eu beaucoup de choses qu’on a pu faire sur le tournage. Le fait que j’avais un scénario très court nous a laissé cette marge de manœuvre, justement. L’idée était vraiment de travailler par contraste, comme les deux personnages qui sont très opposés. Même dans le montage image et son, j’ai gardé cette idée de contraste. On est en plan fixe en en plan large, donc c’est d’autant plus fort de s’élever avec l’octocoptère (sorte de drone – ndlr) avec son tout petit son. On a vraiment testé des choses parfois improbables mais le résultat s’est souvent avéré payant. Comme par exemple, essayer de mettre deux musiques harmoniquement très différentes, l’une sur l’autre. On était sans cesse à la chasse de ça.
Le film a reçu des financements lituaniens. Est-ce que cela traduit une preuve d’évolution des mentalités à propos du regard sur l’homosexualité en Lituanie ? Je ne sais pas trop quelle est la situation là-bas, pour être honnête…
Alanté Kavaïté : C’est un gros problème pour les lituaniens et pour les trois pays baltes, et je peux le comprendre car ce sont de petits pays et qu’on ne peut pas connaître la situation de chaque pays en général sur tout, mais on a tendance à mettre tous ces pays dits « de l’Est » dans le même sac, avec la Roumanie ou la Hongrie etc… Mais la Hongrie par exemple, c’est à 2000 kilomètres, on ne parle pas la même langue. Même les polonais, qui sont à côté de nous, on est très différents. Nous ne sommes même pas slaves en Lituanie. Les Lituaniens peuvent se vexer facilement quand on les prend pour des slaves ou pour des russes. En fait, la situation concernant l’homosexualité est la suivante. Dans les grandes villes, ça avance vraiment vite, même si l’on part de loin. On est loin du « mariage pour tous » mais au moins, il peut être débattu. Il y a la gay pride qui défile sur la rue centrale de la capitale… qui part de la Cathédrale quand même ! C’est un symbole. On a fait la gay pride au moment du tournage. Il y a évidemment des opposants qui sont là, notamment les vieux avec leurs croix comme s’ils étaient face à des vampires, ou des skinheads qui balançaient des tomates. J’étais inquiète car l’acte est violent en soi mais la bonne nouvelle, c’est qu’ils n’ont aucune représentation politique en fait. On parle souvent de l’extrême droite dans les pays de l’Est mais ce n’est pas du tout le cas en Lituanie. Là-bas, l’extrême droite ne représente même pas 3%. Autre chose, dans un tout autre domaine, nous avons une femme présidente, qui a même été réélue. Je me rappelle en France quand Ségolène Royal s’est présentée, on en a fait tout un plat car c’était une femme. Et nous, on avait déjà notre femme Présidente. On ne lui a jamais connu d’homme. Il y a eu des enquêtes et on disait qu’elle était homosexuelle. Elle n’a pas réagi pendant longtemps avant de le démentir un jour. Mais peu importe, le sujet n’est pas là. Le sujet est que c’est quelque-chose de positif, je pense. Ce qui est important, c’est que les gens l’ont élu malgré ces bruits, et même largement la deuxième fois. La situation en tout cas, est en bonne voie. Les petits vieux, on ne peut même pas leur en vouloir, c’est la religion qui parle et ils ont traversé tellement de choses difficiles. Ils ne pouvaient pas pratiquer leur religion librement sous l’Union Soviétique donc il y a eu un regain religieux après. Mais globalement, les commentaires homophobes que je peux recevoir sur le film, ils viennent de la France ! C’est assez hallucinant. Rien venant de Lituanie. Et pendant les cinq mois qu’on a passé là-bas, je n’ai jamais eu la moindre de réflexion.
En fait, je voulais surtout faire référence au fait que c’était le premier film LGBT lituanien…
Alanté Kavaïté : Oui, et j’en suis très fière ! Il y a eu des courts-métrages mais jamais de longs-métrages. Ça s’explique aussi parce que c’est une toute petite cinématographie, on fait 6 à 10 films par an, seulement.
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Interview des deux jeunes comédiennes de Summer, Julija Steponaityte et Aistė Diržiūtė.
Vous jouez deux personnages très opposés dans Summer, l’une est introvertie et l’autre est extravertie, l’une se cherche dans la vie alors que l’autre est bien dans sa peau. Vous partagez des points communs avec vos personnages, vous leur ressemblez ou vous êtes au contraire très différentes d’elles, dans la vie ?
Julija Steponaityte : Vous savez, une caméra est capable de tout dire. Et le cinéma est très intéressant pour ça car vous ne pouvez pas mentir, vous devez ressentir ce que votre personnage ressent. Finalement, ce n’est pas tant une question de différence ou de similarité, parce que quand vous avez un personnage, vous le construisez en vous et vous l’étendez ensuite. Et vous pouvez être n’importe quoi.
Aisté Diržiūtė : Me concernant, j’ai beaucoup de mon personnage. Quand j’avais 14-15 ans, j’étais un peu comme Austé, j’avais beaucoup d’énergie, j’étais très heureuse dans ma vie, très empathique. Quand vous avez un personnage couché sur un script, vous allez puiser en vous de quoi le nourrir, les émotions et tout le reste. Quelle chose étrange, le cinéma…
La relation que vous jouez à l’écran est très délicate et demande beaucoup de complicité. Comment avez-vous travaillé cette complicité, peut-être même en amont du film ?
Julija Steponaityte : En fait, pour la petite histoire, on se connaissait depuis longtemps. On se connaît depuis l’âge de 12-13 ans. J’habitais la capitale et Austé habitait un petit village de province. Et on s’était rencontrée sur internet.
Aisté Diržiūtė : On a développé une vraie amitié parce que je me sentais un peu seule dans mon village, elle aussi. Et on se voyait pendant les vacances, j’allais chez elle, elle venait chez moi… Et bien sûr, ça a beaucoup aidé. Et après, on ne s’est plus vues pendant six ans. En tout cas, je pense que le fait qu’on se connaisse d’avant le film, a beaucoup aidé pour jouer cette relation.
Julija Steponaityte : Oui, ça a été très important.
Alanté Kavaïté (la réalisatrice) : C’est quelque-chose que je ne savais pas. En fait, elles se sont retrouvées au casting. Quand j’ai compris ça, j’ai eu peur car il y avait un vécu et comment gommer ça pour rendre l’impression que c’est la première fois qu’elles se rencontraient etc… Et finalement, ça a été facile. Cette complicité a donc aidé pour jouer des scènes d’amour très sensuelles, mais du coup, est-ce que ça a été particulièrement difficile ou pas plus que d’autres scènes du film ?
Julija Steponaityte : Forcément, ça a beaucoup joué en effet. Comme on se connaissait, on n’a pas eu à nouer un lien sur le tournage. Après, c’était quand même difficile à jouer, bien sûr.
Aisté Diržiūtė : Pour moi, ça n’a pas été le plus difficile. Les scènes dans l’eau ont été plus compliquées car je suis phobique. J’ai peur de l’eau. Pour moi, c’était plus dur de jouer Austé qui va dans l’eau, que les scènes d’amour !
Est-ce que vous aviez des indications très précises sur les scènes ou il y a eu une part d’improvisation sur le tournage ?
Julija Steponaityte : C’était un travail vraiment collectif entre nous et avec Alanté Kavaïté. Le script changeait beaucoup en plus au fur et à mesure du tournage.
Aisté Diržiūtė : Oui, on était très ouvertes aux changements, et du coup on improvisait beaucoup.
Au-delà des dialogues et de l’histoire, vous dégagez énormément de choses par le regard, les gestes, la présence dans l’image. Comment avez-vous travaillé pour parvenir à ce résultat là ?
Julija Steponaityte : Vous savez, les lituaniens ne parlent pas beaucoup en général. Ce qui était bien avec ce film, c’est qu’il est très « physique ». Par exemple, mon personnage de Sangaïlé conduit, boit, nage, fait l’amour, vole… Les émotions qu’elle peut transmettre, passent par des actes plutôt physiques.
Aisté Diržiūtė : Mais sinon, comment on est arrivées à cela ? En travaillant ! (rires) Même les scènes où il ne se passe pas grand-chose visuellement, vous devez ressentir ce qu’il se passe. Vous devez être dans la situation. Avec ou sans dialogues, finalement, le travail est le même. Vous devez être dans la situation, dans le moment, dans le ressenti. On a aussi beaucoup échangé, on a beaucoup passé de temps ensemble.
Julija Steponaityte : Ce qui était bien aussi, c’est qu’un jour par semaine, tous les samedis, on partait avec Aisté, Alanté, le producteur et Dominique Colin (le chef opérateur – ndlr) et on allait se balader au hasard. On s’est servies de ces moments-là, je pense, pour mieux construire cette relation et même, dès fois, pour tourner des plans de regard, des gestes… On remplissait des interstices d’un scénario qui était vraiment « vivant ».
Alanté Kavaïté : En fait, on tournait comme en France, cinq jours par semaine avec l’équipe principale. Et tous les samedis, quand l’équipe principale se reposait, nous on partait avec des vélos dans le coffre, parfois des costumes. C’était vraiment inscrit dans notre plan de travail en fait. On allait chercher des choses, on ne savait pas vraiment quoi. Toujours dans cette idée de film impressionniste, on allait tourner un ciel, un regard. C’était des choses qu’on faisait en plus du travail de la semaine et vous retrouverez tout ça dans les bonus DVD. C’était des jours de grandes discussions sur la construction des personnages. Aussi, tout au long de la préparation et du tournage, on parlait sans cesse de ce qu’on allait faire le dernier jour de tournage. Ce qu’on a fait ce jour là, c’est qu’on a tourné des interviews des deux personnages, trois ans après les évènements du film. Pas les actrices, les personnages, comme si on interviewait Sangaïlé et Austé. Et elles racontaient à la caméra, cet été là. Ca aussi, ce sera dans le bonus DVD, illustré avec des images coupées au montage. A un moment, j’ai eu la sensation que ce travail qu’on faisait, était presque plus important pour elles, que ce qu’on faisait sur le film. Ca a beaucoup nourri notre travail, c’était un peu le monde à l’envers, les bonus DVD nourrissaient le film.
Vous êtes toutes les deux, de jeunes comédiennes et Summer s’est tellement baladé dans des festivals, que j’imagine que ça vous a mis soudainement dans la lumière. Quels sont vos rêves et aspirations pour la suite ?
Julija Steponaityte : Je ne prévois pas de rester comédienne, en fait. J’ai des projets de cinéma mais j’aimerai être dans les coulisses plutôt, je ne suis pas une actrice, moi.
Aisté Diržiūtė : Moi, je suis une actrice, par contre ! J’espère faire d’autres films, j’ai des projets. J’ai fait du théâtre, Summer et maintenant, j’ai un agent, je travaille ma promotion et je cherche d’autres projets de films, de séries… Non, pas de séries… Enfin, j’ai des rêves mais c’est difficile d’en parler maintenant car on est dans la réalité pour l’instant.
BANDE-ANNONCE :
Propos recueillis par Nicolas Rieux
Merci à Alanté Kavaïté, Julija Steponaityte, Aistė Diržiūtė, ainsi que Cartel et UFO Distribution.
Pareil que Yanka, je n’ai pas trouvé l’actrice qui jouait Sangailé convaincante.
La moitié du questionnement et des réponses porte sur ce qui est censé pourtant être banal, c-à-d les amours saphiques entre les deux actrices qui, de fait, ne sont pas le sujet du film. Pourquoi dès lors faire de ce film un film LGBT avec toute la propagande que cela suppose ? Intéressant par contre le point de vue sur la forme et le son, car on sent bien que c’est là que cela se passe. J’ai pensé parfois à « Pique-nique à Hanging Rock » (Peter Weir), à cause de la photographie et de l’ambiance subtilement onirique, et aussi à « La Belle », film d’enfance lumineux et magique d’Arūnas Žebriūnas, le compatriote d’Alantė Kavaitė. C’est d’ailleurs après avoir lu une réflexion pleine de justesse de la réalisatrice sur « La Belle » que j’ai eu envie de voir « Summer ». Sinon, je n’ai pas trouvé fort convaincante Julija Steponaitytė, au contraire d’Aistė Diržiūtė, parce qu’il y entre elles trop de contrastes. Autre problème de crédibilité : les personnages sont censées avoir 17 ans, mais on n’y croit à aucun moment : elles font adultes. Renseignements pris, elles avaient toutes les deux 22 ans à l’époque du tournage, l’une depuis peu, l’autre pas loin des 23 ans.