Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Her
Père : Spike Jonze
Livret de famille : Joaquin Phoenix (Theodore), Scarlett Johansson (Samantha), Amy Adams (Amy), Rooney Mara (Catherine), Olivia Wilde (la fille au rdv), Chris Pratt (Paul)…
Date de naissance : 2013
Majorité : 19 mars 2014 (en salles)
Nationalité : USA
Taille : 2h06
Poids : 23 millions $
Signes particuliers (+) : Un merveilleux voyage intimiste au carrefour des genres, entre la comédie romantique, le drame ou la science fiction… Her est l’énième preuve du génie de Spike Jonze dès qu’il s’agit d’appréhender un univers singulier et d’y saisir les petites choses qui en feront toute la portée allégorique. Porté par un exceptionnel Joaquim Phoenix et la voix rugueusement sensuelle de Scarlett Johansson, cette étonnante parenthèse en terre inconnue est une petite douceur exquise et brillante.
Signes particuliers (-) : Un peu long, Her aurait gagné à être encore davantage raccourci pour gagner en intensité.
L’AMOUR 3.0
LA CRITIQUE
Résumé : Los Angeles, dans un futur proche. Theodore Twombly, un homme sensible au caractère complexe, est inconsolable suite à une rupture difficile. Il fait alors l’acquisition d’un programme informatique ultramoderne, capable de s’adapter à la personnalité de chaque utilisateur. En lançant le système, il fait la connaissance de ‘Samantha’, une voix féminine intelligente, intuitive et étonnamment drôle. Les besoins et les désirs de Samantha grandissent et évoluent, tout comme ceux de Theodore, et peu à peu, ils tombent amoureux…
L’INTRO :
Parce que sa rareté derrière la caméra n’a d’égale que son talent et la singularité de son style mêlant fantasmagorique et sensibilité allégorique, chaque nouveau film de Spike Jonze résonne comme un événement dans le cœur des cinéphiles. En seulement trois œuvres toutes plus prodigieuses les unes que les autres, le cinéaste a su s’imposer comme un metteur en scène incontournable. Avec Her, une romance science fictionnelle pleine de tendresse entre un homme écorché par une rupture et un séduisant programme informatique de dernière génération rappelant le système Siri de Mac en plus poussé et abouti, Jonze signe son quatrième film en près de quinze ans. Et on dit que Terrence Malik est l’empereur de la discrétion !
L’AVIS :
Après Dans la Peau de John Malkovich, Adaptation et Max et les Maximonstres, Spike Jonze poursuit son exploration d’une thématique qui aura décidément jalonné l’ensemble de son travail, la solitude de l’être humain en proie à une crise existentielle et ses efforts désespérés pour y trouver une issue. Une fois n’est pas coutume, le metteur en scène baigne le spectateur dans un univers bien à lui, un peu rêveur et étrange mais totalement enivrant de beauté, façonné par un déploiement d’émotions épidermiques qui ont l’avantage de n’avoir rien de factice chez lui grâce à l’humilité et à la sincérité d’approche de ses histoires attachantes. En l’occurrence ici, celle d’un seul et presque unique personnage omniprésent, Theodore Trumbly. Un immense Joaquim Phoenix sur qui repose l’entièreté d’un film qui sonne comme un tour de force tant artistique que d’interprétation. Phoenix, c’est ce malheureux qui ne se remet pas de la fin de l’histoire d’amour de sa vie. Inconsolable, Theodore ère, replié sur lui-même par tristesse, dans une existence devenue fade, sans intérêt ni but. La lumière viendra de OS, système d’exploitation révolutionnaire pourvu d’une conscience. Une sorte d’intelligence artificielle qu’il prénommera Samantha et avec qui il développera une étonnante relation le conduisant vers une ré-appréhension du goût de la vie et de l’amour.
Un peu comme dans le cinéma de son voisin Michel Gondry, Spike Jonze a ce don de nous immerger totalement dans des rêveries cinématographiques fascinantes partageant avec le public des thématiques universelles. Her est un petit miracle de cinéma et de poésie, une histoire d’amour d’un nouveau genre entre un romantique brisé et une voix, celle d’un programme qui en appelle au concept supérieur de l’âme sœur, cet autre que l’on recherche tous, celui ou celle qui nous comprendra mieux que personne et avec qui le partage se fera dans un mélange de naturel et de fluidité empreint de perfection. Au son des échanges entre Theodore/Phoenix et la voix sensuellement rocailleuse d’une Scarlett Johansson invisible à l’écran et pourtant omniprésente dans l’histoire, se dessine sous nos yeux une œuvre lunaire à la grâce palpable, métaphore subtile et intelligente de la quête existentielle ultime de l’homme, cette recherche d’un vide à combler chez tout être humain programmé pour aimer.
Que ce soit par son immense maîtrise formelle, la richesse scénaristique transcendantale avec laquelle le récit et ce qu’il appelle est cristallisé, l’élégance de son univers science fictionnel radieux, discret et fabuleusement crédible ou par l’alchimie installée entre ses comédiens à la relation d’interprétation atypique, Her est un bijou d’apesanteur dont on ne pourrait reprocher que la durée, pourtant ramenée de 2h30 à 2h06 mais qui nous paraît bel et bien 2h30 à l’arrivée. Mais l’acuité avec laquelle Jonze saisit son sujet et les instants qui le subliment dans un tourbillon émotionnel éperdument abandonné entre mélancolie et pureté bouleversante, nous fait chavirer d’adoration pour cette ode douce amère à la fois inquiétante sur l’illimité des possibilités du virtuel et pourtant lumineux comble du bonheur couché sur pellicule.
Encore une fois, Spike Jonze prouve qu’il est un grand artiste complexe doté d’une âme de passionné elle-même passionnante. Her est une originalité presque incongrue sur le papier mais qui parvient à en dire tellement sur les relations amoureuses et les étapes qui les caractérisent. La justesse foudroyante, la vivacité intellectuelle mais surtout la magie enchanteresse relâchée par cette histoire humainement 3.0, nous pousse à nous laisser aller, bercer par ce très grand moment de cinéma.
Bande-annonce :
Par Nicolas Rieux