Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : Gravity
Père : Alfonso Cuaron
Livret de famille : George Clooney (Matt Kowalsky), Sandra Bullock (Dr Ryan Stone), Ed Harris (le contrôleur de mission)…
Date de naissance : 2013
Majorité : 23/10/13 (en salles) / 26 février 2014 (en vidéo)
Nationalité : USA, Angleterre
Taille : 1h30 / Poids : 80 millions $
Signes particuliers (+) : Tout simplement un chef d’oeuvre et le plus grand film sur l’espace jamais réalisé. Gravity est même plus, une véritable expérience viscérale réalisant un vieux rêve d’enfance : aller un jour dans l’espace ! Un fabuleux mélange d’intelligence, de maestria, de poésie et de tension brute.
Signes particuliers (-) : x
EMBARQUEMENT POUR L’ESPACE
Résumé : Une banale sortie dans l’espace va se transformer en cauchemar pour deux astronautes à la suite d’un accident stupide qui va les éjecter de leur navette et les faire dériver dans l’immensité hostile de la galaxie. Chaque minute compte pour le Dr Ryan Stone qui effectue sa première expédition et Matt Kowalsky, spationaute chevronné qui vit sa dernière. Le manque d’oxygène, le noir, la solitude, l’absence de son, l’attraction gravitationnelle sont autant de dangers auxquels ils doivent faire face…
On est allé dans l’espace !!! On a vu l’immensité du cosmos, son silence, sa beauté, ses dangers aussi. Et tout ça, sans même bouger de notre fauteuil. Vous vous souvenez quand, gamin, vous contempliez émerveillé la voûte céleste en rêvant un jour d’être cosmonaute pour aller là-haut ? C’est désormais chose possible. Pas besoin de hautes études, d’entraînement, de conditionnement à la NASA ou autre. Alfonso Cuaron vous y emmène, le plus simplement et facilement du monde, et vous propose un voyage sensoriel d’une heure et demi dans l’espace. Mieux qu’un simulateur, avec Gravity, il vous dévoile les sensations, les appréhensions, la magie et la terreur qui règne dans cet endroit « autre », « extra », fascinant. C’est bien là le mot. La fascination pour l’espace, cette immensité quasi-mythologie que Cuaron définit comme la séparation d’avec la Mère Terre, a toujours nourri les rêves et les frayeurs Là-haut, la solitude, le néant, le silence total, l’isolement du reste de l’entière humanité, l’équilibre fragile de la vie conditionnée a tellement de conditions, autant de ressentis difficilement à appréhender mais que le cinéaste va nous aider à saisir au mieux.
C’était sans conteste le film du moment, le plus attendu de l’année, à plus forte raison depuis sa présentation à la Mostra de Venise où il a déchaîné les passions et survoltés l’audience. Des maîtres indiscutables comme James Cameron ou Martin Scorsese voit en lui, le plus grand film sur l’espace jamais réalisé, on le compare déjà à Kubrick et autres références glorieuses. Dans un concert de louanges dithyrambiques, Gravity prépare son arrivée en salles fin octobre précédé de la réputation la plus flatteuse possible. Deux acteurs, Sandra Bullock et George Clooney, une « voix », celle d’Ed Harris (qui rempile au pilotage d’une mission spatiale depuis la NASA des années après Apollo 13) et l’espace, juste l’espace, recréé fidèlement avec moult considérations scientifiques à l’appui, par un Cuaron qui ne cesse de s’affirmer comme l’un des metteurs en scène actuels les plus intéressants qui soit (Le Fils de L’Homme, Y tu mamá también, Harry Potter et le Prisonnier d’Askaban). Il n’en aura pas fallu beaucoup au cinéaste pour livrer l’un des plus épatants films de l’année voire plus. Un chef d’œuvre, après tout, le mot est bel et bien fait pour désigner pour ce genre d’œuvre exceptionnelle comme l’on en rencontre pas si souvent.
Il n’y a pas de détour possible pour parler de ce Gravity qui confirme son incroyable cortège de louanges dès ses premières minutes pleine de grâce, de magie, de poésie et de tension latente. Probablement l’un des plus grands films de SF réaliste jamais fait, ce thriller placé sous très haute angoisse est aussi stressant qu’il n’est époustouflant de passion émotionnelle brute et épidermique alors qu’il déploie toute la puissance intrinsèque des très grands films de cinéma en exploitant à merveille toutes les possibilités d’un art dont il repousse de quelques bons mètres les limites. Cuaron déboussole doublement et livre un film à double temps, symbole du double visage de cet espace à la fois envoûtant et fascinant et dans le même craint et redouté pour tout ce qu’il convoque. Du fond à la forme, le cinéaste mexicain impressionne, maîtrisant à la perfection son sujet et ses thématiques, sa technique, structure et narration.
D’abord, il y a sa faculté à nous embarquer dans un voyage extrêmement immersif direction l’ailleurs. L’infini espace est cet ailleurs difficilement représentable et imaginable dans sa plus pure essence pour l’esprit humain par sa non-tangibilité. Là-bas, là-haut, si près à l’oeil et si loin à l’esprit, là où la relation de communion naturelle avec notre environnement natif n’existe plus, où l’on est confronté à d’autres perspectives, d’autres réalités, d’autres règles, tout est si différent. Et à la force d’une minutie bluffante, d’une précision du détail étonnante (image et son) allant jusqu’au bout de ses choix et partis pris, Cuaron nous permet de saisir comme jamais ce vrai non-monde métaphysique où tout ce que l’on connaît est bouleversé, inversé ou renversé, cet isolement physique et psychologique, cet équilibre précaire où la vie est maintenue dans un danger permanent déniant l’erreur la plus infime qui soit. L’absence de son, l’apesanteur gravitationnelle, la lenteur des mouvements, le souffle court mais aussi la beauté, la pureté, la grâce, le calme absolu, Cuaron fait dans l’intensité bouleversante pour non pas nous proposer un film, mais pour nous faire vivre une expérience physique, mentale, morale, et émotionnelle aguerrie, nous transportant littéralement hors de la salle pour nous faire vivre ce voyage et pas seulement nous proposer de le contempler à distance. Sa réussite est totale. Sur la courte et concise durée du film, on est clairement ici mais là-bas, on est en totale déconnexion d’avec notre monde, plongé en compagnie de tous nos sens convoqués, dans ce cosmos fascinant et terrifiant à la fois, tout ça à la mesure d’une beauté renversante à en tirer des larmes de bonheur cinématographique et cinéphilique et grâce à une 3D qui s’impose en mètre-étalon de cette technologie sur-utilisée et pas forcément à bon escient. ici, sa perfection technique est redoutable et sous-tend un travail de mise en scène incroyable de maîtrise et presque indécent de génie.
Puis vient la panique. Deuxième lame d’un film qui passe de la poésie spatiale au cauchemar effrayant alors que se dessine sous nos yeux ébahis la dualité de l’univers, aussi attractif qu’il n’est angoissant, aussi immense qu’il n’est étouffant. La solitude spirituellement si agréable devient une peur, celle d’être seul, sans personne à qui psychologiquement comme physiquement se raccrocher alors que la peur monte en se transformant petit à petit en torture mentale. L’immensité apaisante devient quant à elle la source de la plus puissante des terreurs. Rien autour de soi, rien vers quoi aller, rien à quoi se rattacher. Seul reste l’homme confronté face à face et sans appui, à sa peur la plus viscérale. Gravity se mue alors en une haletante aventure humaine, un monstre de tension brute à nouer les tripes, à couper le souffle, à s’en ronger les ongles jusqu’au sang. On ne s’amarre pas à ce calvaire vécu par deux astronautes, on le vit, et tour de force suprême, sans jouer la facilité de l’habituelle carte de l’empathie. Nous spectateurs, nous sommes eux et ils sont nous, dans une équation où l’on ne fait qu’un.
Spectacle virtuose et d’une rare intelligence, parsemé de références métaphysiques et de symbolismes (cycle de la naissance, mort et renaissance, symbolisme de l’évolution, métaphysique du lien maternel à la Terre et paternel à l’espace) Gravity est époustouflant et d’une densité inouïe, sublimé par l’exceptionnelle bande-originale envoutante de Steven Price. Deux acteurs, la sombre immensité de l’infini pour cadre, une situation catastrophe aussi simple que dévastatrice de conséquences et une virée en apesanteur sidérante, coincée entre l’éblouissement et l’effroi. George Clooney et Sandra Bullock se livrent à une prestation prodigieuse, tour à tour sobre puis viscérale alors que Cuaron, en chef d’orchestre inspiré, étale son génie de la mise en scène et sa créativité démente dans de très longs plans-séquences où sa caméra virevolte, tournoie, se faufile, caresse, esquive et épouse l’action dramatique, rendant toute la dimension des sensations physiques et psychologiques que peuvent ressentir ses personnages en apesanteur dans cet environnement hostile. Cela faisait longtemps que le cinéma n’avait pas été aussi immersif, aussi attractif et aimantant. Somptueux mais sans maniérisme, efficace mais sans tape à l’œil, prenant mais sans démonstratif forcé, infiniment grand et pourtant si petitement intime, Gravity est seulement dans le saisissement total avec la preuve que la simplicité peut être mille fois plus percutante que la fausse complexité ou le rabaissement du sens, alors que l’exercice tout entier se résume à une question d’équilibre parfait entre le fond, le sujet et les formes qui le retranscrivent, et de sensation de vertige empoignant et d’absorption de la distance séparant le spectateur de l’œuvre qu’il regarde.
Le bruit, la foule, la promiscuité, les odeurs, la pollution, le béton, la grisaille, les voitures, l’environnement terrestre tout entier… la fin de séance est curieuse et Gravity nous laisse sur des sensations étranges. A la fois, le soulagement de retrouver la terre ferme après cette heure et demi passée sous stress et tension palpable et l’envie furieuse d’y retourner pour s’extraire du décalage que provoque le retour à notre réalité et retrouver ce monde au-delà de l’imaginaire, si fantasmagorique et pourtant réellement tangible. Oui, Gravity est un chef d’œuvre universel appelé à devenir un classique éternel. Une surpuissante métaphore existentielle sur la nature humaine, ses peurs et ses rêves, son existence, déguisée en un haletant thriller dramatique spatial catastrophe tout simplement magistral et parfait et qui, chose rare, se bonifie au fil des visions. Car le pire, c’est que c’est presque encore plus redoutable la deuxième fois. Avec Gravity, Cuaron nous rappelle tout simplement (et dieu sait si dès fois on en a besoin) pourquoi on aime tant le cinéma. Pour l’instant, voilà le film définitif sur la question.
Bande-annonce :
Par Nicolas Rieux
Il en faut bien des comme toi.
une sommité dans la nullité, ce film, comme vos éloges. Je sais au moins à quoi m’en tenir.