Nom : Frankenstein
Père : Guillermo del Toro
Date de naissance : 07 novembre 2025
Type : disponible sur Netflix
Nationalité : USA
Taille : 2h30 / Poids : 120 M$
Genre : Drame, Fantastique, Epouvante
Livret de Famille : Oscar Isaac, Jacob Elordi, Mia Goth, Christoph Waltz…
Signes particuliers : Frankenstein et Guillermo Del Toro, c’était une évidence.
Synopsis : Le réalisateur oscarisé Guillermo del Toro adapte le roman classique de Mary Shelley sur Victor Frankenstein, un scientifique brillant mais égocentrique qui donne vie à une créature lors d’une expérience monstrueuse, menant finalement à la perte du créateur comme de sa tragique création.

L’UNE DES PLUS BELLES VERSIONS DU MYTHE
NOTRE AVIS SUR FRANKENSTEIN
Après avoir revisité le mythe de Pinocchio, Guillermo del Toro s’attaque à celui de Frankenstein. A son tour, le cinéaste pose sa vision artistique sur le classique de Mary Shelley pourtant mainte fois adapté au cinéma, des Monsters Movies d’Universal avec Boris Karloff à la vision de Kenneth Branagh avec Robert de Niro en passant par les productions de la Hammer avec Peter Cushing et Christopher Lee, la version de Paul Morrissey/Andy Warhol, celle érotique de Jesus Franco ou celle animée de Tim Burton. Frankenstein a peu près tout connu au fil de plusieurs d’adaptations ou d’apparitions à l’écran. Mais il n’avait peut-être jamais rencontré un conteur tel que Guillermo del Toro. Justement parce que c’est au fond un conte tragique teinté d’une matière horrifique ambigue, Frankenstein semblait avoir été écrit pour le mexicain. Le mariage entre eux était une évidence, c’est presque étonnant qu’il ait fallu attendre si longtemps. Avec Oscar Isaac en savant fiévreux et Jacob Elordi dans le rôle de la Créature, (accompagnés de Christoph Waltz et Mia Goth), Frankenstein est le second film du contrat de collaboration signé entre Netflix et Del Toro. Et à coup sûr le meilleur du mariage à ce jour.

Raconté en chapitres, le point du vue du Créateur puis celui de la Créature, le Frankenstein de Guillermo del Toro est exactement ce que l’on pouvait attendre d’une adaptation du mythe prométhéen par le cinéaste mexicain. Del Toro signe un pur conte tragique moulé dans un écrin à l’esthétique sublime. Tellement sublime, tellement virtuose, tellement cinématographique, que l’on en viendrait presque à regretter que le film soit distribué sur une plateforme et non dans les salles de cinéma. En même temps, n’oublions pas que c’est grâce à Netflix que Guillermo del Toro peut avoir les moyens de développer des projets rêvés qu’il ne pourrait ou n’aurait pu concrétiser autrement. Comme son prochain The Buried Giant en stop motion ou, qui sait un jour futur, son adaptation fantasmée des Montagnes Hallucinées de Lovecraft. Bref, revenons à nos moutons, ou plutôt à nos expériences scientifiques.
Frankenstein est une adaptation plutôt fidèle au roman de Mary Shelley (mis à part un père inventé au docteur) mais une adaptation abordée selon le regard romantique de Guillermo del Toro qui signe un grand film épique, bouleversant, horrifique et terriblement romanesque. Avec au centre de tout, une réflexion sur l’humanité au premier sens du terme. La part d’humanité de cette Créature créée de toutes pièces en dépit du sens naturel, moral et théologique. La part d’humanité de ce créateur qui rejette sa « progéniture » quand il réalise l’erreur suprême qu’il a faite. Et enfin, la part d’humanité des personnes croisées autour de cette aventure, un capitaine de bateau qui va écouter les deux points de vue, une femme qui va s’émouvoir du sort de la Créature, un vieillard aveugle indifférent à son apparence… Comme s’il avait atteint la plus extrême pureté de son style après des années à le perfectionner, Guillermo del Toro marie la fable, le fantastique, l’horreur, le tragique, le romantisme poétique, l’existentialisme, l’action (un peu) aussi et l’esthétisme rétro-moderne. Chaque plan de Frankenstein est le fruit d’une composition soigneusement pensée dans une quête obsessionnelle du Beau. Mais pas ce Beau qui sonne souvent creux quand il n’a aucune caisse de résonance, non très peu pour Del Toro. Non, chez lui, le Beau est un écrin subtil véhiculant de puissantes émotions empathiques, des images de cinéma imprégnantes et mémorables, un souffle chargé de particules conteuses riches en sensibilité. Ensemble, ils forment l’indéniable force du cinéma de Del Toro : sa capacité unique à crédibiliser un imaginaire avec une sincérité indéfectible. Del Toro croit toujours en ce qu’il raconte avec une ferveur émouvante, et c’est ce qui fait (et a toujours fait) sa différence.

Tel un chef d’orchestre ou un marionnettiste, le cinéaste dirige et d’autres animent et incarnent. Oscar Isaac embrasse toute la fièvre passionnelle puis les remords terrifiés du docteur Victor Frankenstein. L’acteur ne semble pas jouer, il semble possédé, obsédé, dévoré par son rôle. Au moins autant que l’étoile montante Jacob Elordi, qui incarne une Créature en embrassant toutes ses subtilités et ses facettes, effrayante au départ, enfantine ensuite, terrifiante après, déchirante enfin. Les protagonistes évoluent, changent, comme le film lui-même. L’idéalisme devient une ignominie, le Bon devient péché, le merveilleux devient horrible, la fable devient tragique et sombre, les rôles et l’empathie s’inversent. Et le conte d’épouvante de Mary Shelley devient un film qui en dit plus qu’il n’y paraît. À travers l’histoire de Frankenstein, Del Toro interroge sur la normalité et l’anormalité, sur les limites ou non de la science, et même sur la place de la femme dans un univers masculin via le fascinant personnage féminin incarné par Mia Goth, sorte d’alter ego humaine de la Créature qui cherche elle-aussi sa place dans un monde qui ne lui correspond pas.
Comme souvent, Guillermo del Toro livre une leçon de cinéma en signant l’une des plus belles adaptations de Frankenstein jamais faite. Probablement la plus respectueuse des intentions de l’ouvrage, la plus poétique, la plus profonde et consistante et la plus incarnée. Magistral. Après la résurrection de Nosferatu chez Robert Eggers, celle de Frankenstein chez Del Toro. Les classiques ont toujours la côte et de belles choses à livrer.
Par Nicolas Rieux