Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Elle s’en va
Mère : Emmanuelle Bercot
Livret de famille : Catherine Deneuve (Bettie), Nemo Schiffman (Charlie), Gérard Garouste (Alain), Camille Dalmais (Muriel), Claude Gensac (Annie), Paul Hamy (Marco), Mylène Demongeot (Fanfan), Hafsia Herzi (Jeanne)…
Date de naissance : 2013
Majorité : 18/09/13 (en salles) / 29 janvier 2014 (en vidéo)
Nationalité : France
Taille : 1h53
Poids : Budget N.C.
Signes particuliers (+) : Par de doux moments éparpillés, par des scènes fugaces qui traversent l’écran, Elle s’en va parvient à toucher, essentiellement grâce à une immense Catherine Deneuve qui n’a rien perdu de sa superbe et de son charisme…
Signes particuliers (-) : A cheval entre la comédie dramatique légère et le film quasi-documentaire sur l’histoire d’un burn-out existentiel, le road movie d’Emmanuelle Bercot ne prend pas, sans cesse tiraillé entre touchante balade humaniste et échappée artificielle égrenant son catalogage cynique des clichés de la France. Parfois chichiteux, souvent faussement sincère et très naïf, Elle s’en va finir par énerver plus qu’il ne séduit.
SUR LES ROUTES AVEC CATHERINE DENEUVE…
LA CRITIQUE
Résumé : Bettie, la soixantaine, se voit soudain abandonnée par son amant et en péril financier avec le restaurant familial. Que faire de sa vie ? Elle prend sa voiture, croyant faire le tour du pâté de maison. Ce sera une échappée. Au fil de la route : des rencontres de hasard, un gala d’ex-miss France, le lien renoué avec sa fille, la découverte de son petit-fils, et peut-être l’amour au bout du voyage… Un horizon s’ouvre à elle.
L’INTRO :
Avec Elle s’en va, l’actrice-réalisatrice Emmanuelle Bercot (La Puce, Backstage) lance la grande Catherine Deneuve sur les routes de France, pour une sorte de road movie quelque part entre le crépusculaire et le récit initiatique tardif, dans lequel une attachante grand-mère atypique part vagabonder au volant de sa vieille voiture à la suite d’un « burn out » qui l’a poussé à quitter brusquement un quotidien monotone devenu trop étouffant pour elle. Poussée par un sentiment d’abandon et de liberté, Betty prend la poudre d’escampette sans crier gare en plein milieu du service dans le restaurant qu’elle gère avec sa mère et desserre l’étau qui était en train de la consumer à petit feu. Au gré de son voyage improvisé, la recherche de cigarettes, des rencontres inattendus et étonnantes, un but soudain qui tombera à pic et ce sentiment de revivre dans ce chaos nouveau pour elle.
L’AVIS :
Comédie dramatique s’éparpillant entre une forme de légèreté classique et un ton proche du film-documentaire lorsque son auteure cherche à saisir une authenticité qui se dessine façon Raymond Depardon (ce n’est pas pour rien si Bercot était coscénariste du Polisse de Maïwenn), Elle s’en va joue la carte de la sincérité à vif troublée par une émotion qui se veut à discrète dans un film joliment touchant à la fois plein de drôlerie et de gravité. Sur ses premières minutes, pas de doute, Elle s’en va séduit et attire, comme aimanté par la justesse d’une Catherine Deneuve à qui l’on offre l’un de ses meilleurs rôles de ces dernières années. La suite va malheureusement venir ternir ce beau portrait empreint de tendresse et de lucidité sur son sujet, cherchant à caresser une ode à la liberté revigorante version senior et à la vie qui peut sans cesse trouver un sens, même quand la mélancolie semble avoir gagner la partie.
Par cette échappée faussement gracieuse et aérienne évoquant par moments un certain cinéma d’auteur belge décalé et marginal, Emmanuelle Bercot essaie de nous faire croire à une hymne à l’authenticité par une histoire toute en vérité et en subtilité. Mais sa démarche est maladroite et son œuvre lézardée par un tact et une fraîcheur qui sonnent faux, par un ton bouleversant qui ne prend pas car trop instrumentalisé dans son optimisme mélodramatico-naïf, par une humilité de façade cachant en réalité une profondeur bien trop artificielle pour convaincre. De la simplicité au simpliste, il existe un fossé qu’il est bon de se garder de franchir et Bercot n’hésite pas à l’enjamber tout en essayant de nous faire croire le contraire.
On ne sait pas trop s’il faut se délecter d’une hymne frissonnante à l’authenticité ou se révolter devant ce défilé de clichés franco-français sur la France en général, s’il faut se laisser charmer par un déluge de tendresse ou s’irriter devant un mépris généralisé qui n’était certainement pas intentionnel mais qui est là. Dans ce festival de caricature, la véracité poignante finit par noyer, aidée en cela par un boulet de plomb accroché à son pied, celui d’une mise en scène qui se veut simple et sobre mais qui ne peut retenir quelques embardées chichiteuses inutiles.
Si Elle s’en va essaie de nous convaincre du contraire par l’entremise d’un périple libertaire sur fond de discours sur le renouveau, il n’empêche que c’est une sensation de vide qui s’en dégage au final. Elle s’en va, certes, mais elle ne sait pas où et ne laisse en tout cas pas grand-chose de consistant derrière elle si ce n’est une vague impression de bluette survalorisée. Creux, ce road movie est en réalité terriblement statique dans son fond et ne mène à pas grand-chose. Reste une Deneuve épatante qui confirme qu’elle n’a pas encore délivrer tout le talent qu’on lui a connu et qui sommeille encore en elle quand elle s’octroie des incursions dans un cinéma plus intéressant que la grande comédie populaire balisée.
Bande-annonce :
Par Nicolas Rieux