Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Colt 45
Père : Fabrice du Welz
Livret de famille : Ymanol Perset (Vincent Milès), Gérard Lanvin (Chavez), Joeystarr (Milo), Simon Abkarian (Denard), Alice Taglioni (Isabelle), Joe Prestia (Marco), Mika’Ela Fisher (Mika),Philippe Nahon (le préfet)…
Date de naissance : 2014
Majorité : 06 août 2014 (en salles)
Nationalité : France
Taille : 1h25
Poids : Budget estimé à 11 M€
Signes particuliers : Un polar manqué, et pas qu’un peu. Quand un film devient presque drôle à ses dépends, généralement, c’est mauvais signe…
UN RIPOUX ET TOUS POURRIS !
LA CRITIQUE
Résumé : Armurier et instructeur de tir à la Police Nationale, Vincent Milès est expert en tir de combat. À seulement 25 ans, ses compétences sont enviées par les élites du monde entier mais dans la plus grande incompréhension de la part de ses collègues, Vincent refuse obstinément d’intégrer une brigade de terrain. Son destin bascule le jour où il fait la connaissance de Milo Cardena, un flic trouble, qui va l’entraîner dans une incontrôlable spirale de violence, plaçant Vincent au centre d’une série d’attaques à main armée, de meurtres et d’une féroce guerre des polices opposant son parrain, le commandant Chavez de la BRB, à son mentor, le commandant Denard de la BRI. Pris au piège d’une véritable poudrière, Vincent n’aura pas d’autre choix qu’embrasser son côté obscur pour survivre… L’INTRO :
Après le hardcore Calvaire puis l’étrange Vinyan, le réalisateur Fabrice du Welz se frotte au polar sombre avec tout ce qu’il faut de flics, de truands, de ripoux et de braquo. Un genre très tendance dans le cinéma français (et pas que, à la télé aussi), fruit d’une longue tradition (rappelez-vous Melville) aux codes récents relancé par Olivier Marchal puis balisés par tout plein d’autres derrière lui. Pour les besoins de Colt 45, le cinéaste s’est entouré d’une galerie de tronches habituées au registre, l’inévitable Gérard Lanvin en tête qui n’en loupe pas un, mais aussi l’excellent Simon Abkarian, JoeyStarr, Antoine Basler, cette trogne de Jo Prestia, Philippe Nahon ou encore Alice Taglioni (qui visiblement aime à jouer les fliquettes). Tout se beau monde se range derrière le jeune Ymanol Perset, héros central de ce récit implacable et vu dans la série Engrenages.
L’AVIS :
Le polar moderne est un genre souvent bien maîtrisé en France, peu un peu trop justement et c’est là que réside tout le paradoxe qui afflige Colt 45. De la maîtrise au balisage, il existe une frontière que le cinéma français a franchi ces dernières années, codifiant à l’extrême un genre qui commence à tirer la langue, à bout de souffle et d’inspiration. Si l’on parvient à avoir encore quelques bonnes surprises comme le maladroit mais pas si mal 96 Heures de Frédéric Schoendoerffer, Mesrine ou L’Immortel qui commencent à dater ou les efforts très efficaces de Fred Cavayé (même s’ils lorgnent plus vers le thriller), reste que le registre commence à répondre à un assemblage de codes, de figures visuelles et de rhétoriques, proches du copier-coller (La Marque des Anges, Les Lyonnais, Mains Armées, Le Guetteur, Switch etc…). Colt 45 tombe là-dedans, voire s’y vautre allègrement.
Dès le générique, esthétique, sons, musique, photographie, typographie… Tout transpire le déjà-vu à maintes et maintes reprises. Overdose quand tu nous tiens, Colt 45 est parti pour se fourvoyer dans le néo-classicisme établi par la tendance qui sous-tend le polar actuel. Ce que l’on pouvait espérer de mieux, à défaut d’originalité, c’est une intrigue dense, brutale, hargneuse. De quoi nous accrocher, nous mettre sous pression, nous captiver, le temps d’un film que l’on espérait au moins distrayant, haletant, efficace. Pari perdu, le film de Fabrice du Welz boit la tasse jusqu’à se noyer dans un océan de médiocrité où personne ne l’entend hurler entre deux gorgées d’eau.(Heu Fabrice du Welz, on dit ça, on dit rien hein, mais t’as un mort qui sourit au second plan à droite… C’est normal ?)
On pourrait s’attarder sur son amicale des mauvais acteurs, au mieux mal dirigés (Gérard Lanvin en roues libres et qui n’en a visiblement rien à foutre ou Joeystarr qui fait du Joeystarr en mode Joeystarr, content pas content, c’est la même expression de toute façon), au pire tout simplement pas bons (ce pauvre Ymanol Perset au physique photoshopé ou une tonne de seconds rôles incroyablement à côté de la plaque question acting). On pourrait aussi lapider l’affaire pour son inutilité tragique et son absence de propositions lui donnant un quelconque intérêt. Mais le véritable problème de Colt 45 réside ni plus ni moins que dans son script, idiot comme un manche à balai et aussi improbable que voir un jour la Reine d’Angleterre chez Flunch. Si dès le départ il ne brille pas par son intelligence, la suite ne cherche même pas à faire illusion alors que son dénouement vient définitivement lui tirer une balle dans le pied, avant de l’exécuter d’une seconde droitement logée entre les deux yeux. Colt 45 ne tenait déjà pas bien debout, il s’écroule face à un mur de débilité à en bouffer du foin, comme un unijambiste escaladant l’Himalaya avec une canne. Pour couronner sa nullité, les dialogues pondus par Fathi Beddiar font le reste, répétitifs, grotesques, ridicule voire risible et poussant les acteurs au pire des cabotinage dans une enfilade de scènes conférant au nanardesquement impayable. « T’as vu comme je tire vite avec mon gun scié double détente, 8 cylindres, 198 chevaux, option frigo-congélo-fax ? Ouais mais moi aussi, je tire vite. Moi, plus vite que toi. Non, moi. On mesure nos sexes ? Le mien est sûrement plus gros que le tien et je vais t’enfiler. Lol, tu veux être mon ami ? Ok, mais je vais te faire l’amour et tu vas avoir mal, bitch. »
Quelque part entre le mauvais et le nul, Colt 45 est un ratage intégral aussi vulgaire qu’il n’est prévisible, sorte d’empilement de clichés faisant du film un cliché à lui-seul. Et c’est bien dommage car dans ce marasme atterrant, subsiste la réalisation de Fabrice du Welz, qui entre deux de ces fameux clichés, témoigne de sa capacité à emballer des scènes rentre-dedans et rugueuses, foutrement bien balancées et violentes. C’est ballot qu’il ne les laisse pas toujours s’exprimer assez pour en profiter pleinement. Mais parfois (voire souvent) la seule bonne volonté ne suffit pas. Et Colt 45 en est un témoin trônant dans le haut du panier de l’échec, du genre qui se fait tout pour paraître costaud et badass mais qui pousse vers le rire, un peu comme un pastiche de film viril des années 80 avec grosses voix, burnes qui pendent, regards méchants, postures de durs et tout le toutim.
Bande-annonce :
Par Nicolas Rieux