Mondociné

TRE PIANI de Nanni Moretti : la critique du film

Partagez cet article
Spectateurs

Carte d’identité :

Nom : Tre Piani
Père : Nanni Moretti
Date de naissance : 2020
Majorité : 10 novembre 2021
Type : sortie en salles
Nationalité : Italie
Taille : 1h59 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de Famille : Margherita Buy, Nanni Moretti, Alessandro Sperduti, Riccardo Scarmacio., Alba Rohrwacher..

Signes particuliers : Nanni Moretti n’est plus que l’ombre de lui-même.

 

LES DENTS DE MORETTI SONT USÉES

NOTRE AVIS SUR TRE PIANI

Synopsis : Une série d’événements va transformer radicalement l’existence des habitants d’un immeuble romain, dévoilant leur difficulté à être parent, frère ou voisin dans un monde où les rancœurs et la peur semblent avoir eu raison du vivre ensemble. Tandis que les hommes sont prisonniers de leurs entêtements, les femmes tentent, chacune à leur manière, de raccommoder ces vies désunies et de transmettre enfin sereinement un amour que l’on aurait pu croire à jamais disparu…

 

Post-festival de Cannes dont il est reparti bredouille alors qu’il croyait dur comme fer en les chances de son nouveau long-métrage, Nanni Moretti a quand même su quitter la Croisette en faisant parler de lui. Le cinéaste s’est ému sur Twitter de l’attribution de la Palme à un film où une femme « tombe enceinte d’une Cadillac », déclarant s’être senti soudainement vieux. Visiblement le cinéma post-moderne de Julia Ducorneau, très peu pour lui. Mais en même temps, oui, Nanni Moretti a vieilli. On le savait déjà depuis un moment, il l’a confirmé avec Tre Piani, drame austère dressant la destinée d’une poignée de résidents d’un immeuble des quartiers chics de Rome emportés dans la tourmente. Un fils aux prises avec son père, un juge intransigeant, et avec sa mère qu’il considère trop soumise. Un architecte inquiet pour sa fille qu’il soupçonne d’avoir été abusée par un vieux voisin perdant la boule. Une femme qui vient d’accoucher seule alors que son mari est en voyage professionnel. Tre Piani est une chronique éclatée observant des chemins secoués qui se croisent. Mais c’est surtout un drame très ténu, très rigide, et justement coincé dans sa propre rigidité.

 

Qu’il semble loin le Nanni Moretti grinçant et acerbe qui régalait avec ses satires semblables à du Woody Allen transalpin. Les années 70/80 ont été belles (Je suis un autarcique, Bianca, Palombella Rossa), les années 90 ont marqué une seconde apogée pour le cinéaste avec des bijoux tels que Journal Intime ou Aprile. Mais passé le nouveau millénaire, le changement fut brutal. En 2001, Moretti remportait la Palme d’or avec La Chambre du Fils, un drame plombant loin de son cinéma politique d’avant. A l’époque, on avait été séduit par cette sortie de sa zone de confort même si le classicisme de l’œuvre décevait un peu. Mais depuis, Moretti n’a jamais retrouvé sa flamme d’antan même si certains exercices ont pu être honorables à défaut de plus. C’est finalement encore « ailleurs » qu’il rebondira, avec le documentaire avec Santiago Italia, l’une des plus belles œuvres de l’année 2018. Mais derrière, Moretti rechute.

 

Tre Piani a tout du drame ampoulé, de ces mélos artificiels sur-écrits où tout a été pensé pour provoquer les émotions plutôt que les laisser affleurer d’elles-mêmes. La finesse que Moretti s’évertue à injecter dans chacun de ses personnages et à chaque ligne de son scénario semble terriblement illusoire. Tre Piani veut tellement être fin qu’il en est lourd, narrativement, artistiquement, thématiquement. Comme une pizza avec tant d’ingrédients apposés sur la pâte, que les saveurs s’annihilent pour laisser place à une forme de fadeur ironique. Avec cette adaptation d’un roman (une première chez lui) de l’israélien Eshkol Nevo, le cinéaste italien entendait dresser une métaphore d’une Italie en train de sombrer à l’image des personnages qui rythment son histoire. Mais au fond, de quoi parle vraiment Moretti au-delà de ça ? Des liens intergénérationnels, de la culpabilité, de la parentalité, des angoisses modernes, des rapports hommes-femmes… De tellement de choses en fait, que l’effort en devient aussi cacophonique que poussif, en plus d’être inefficient. Car glacial comme une bise d’hiver, Tre Piani avance de manière très programmatique, en laissant toujours le spectateur à distance de tout, à l’image de la manière dont Moretti filme. Aucune émotion ne vient conjuguer ces drames à un autre temps que le passé simple et l’on ploie devant cet étalage de mélancolie désincarnée. A cela s’ajoute, cerise sur le gâteau et ironie pour un réalisateur également comédien, une direction d’acteurs qui laisse franchement dubitatif (on sent tellement les « moteur, action, coupez » à chaque scène que l’on repassera pour tout naturel et authenticité). De quoi encore plus plomber un effort qui transpire le factice.

Par Nicolas Rieux

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Close
Première visite ?
Retrouvez Mondocine sur les réseaux sociaux