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ROUGE de Farid Bentoumi : la critique du film

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Carte d’identité :

Nom : Rouge
Père : Farid Bentoumi
Date de naissance : 2020
Majorité : 11 août 2021
Type : sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h28 / Poids : NC
Genre : Thriller, Drame

Livret de Famille : Zita Hanrot, Sami Bouajila, Céline Sallette…

Signes particuliers : Entre le drame et le thriller, une formidable réflexion sur un enjeu actuel.

 

 

ZITA HANROT VOIT ROUGE

NOTRE AVIS SUR ROUGE

Synopsis : Nour vient d’être embauchée comme infirmière dans l’usine chimique où travaille son père, délégué syndical et pivot de l’entreprise depuis toujours. Alors que l’usine est en plein contrôle sanitaire, une journaliste mène l’enquête sur la gestion des déchets. Les deux jeunes femmes vont peu à peu découvrir que cette usine, pilier de l’économie locale, cache bien des secrets. Entre mensonges sur les rejets polluants, dossiers médicaux trafiqués ou accidents dissimulés, Nour va devoir choisir : se taire ou trahir son père pour faire éclater la vérité.

 

On dit souvent après un premier effort remarqué, que le plus dur est « le film d’après », ce fameux second long-métrage qui cristallise alors de fortes attentes. Dans le cas du cinéaste Farid Bentoumi, c’est le contraire. Sa première réalisation, c’était il y a six ans avec la comédie identitaire Good Luck Algeria où Sami Bouajila campait un improbable skieur olympique concourant pour l’Algérie. Sympathique et touchant, le film basé sur une histoire vraie avait cependant un caractère un rien anecdotique malgré quelques notes intelligentes laissant espérer un talent à suivre. A rebours, c’est aujourd’hui que Farid Bentoumi se révèle vraiment avec Rouge, thriller dramatique politico-social pour lequel il retrouve Bouajila, associé à la formidable Zita Hanrot. L’histoire de Nour, une infirmière embauchée dans l’usine chimique iséroise où son père travaille depuis toujours. Très rapidement, elle va découvrir que tout n’est pas très « propre » dans la gestion des déchets polluants. Mais parler signifie trahir la confiance de son paternel. Et chez Arkalu, Slimane est une institution respectée de tous. Si sa propre fille fait éclater un scandale, il sera accusé d’avoir fait entrer le loup dans la bergerie. Sauf que se taire, c’est devenir complice d’une situation révoltante encouragée par les instances politiques…

Œuvre engagée pour la cause écologique mais ne se démontant pas devant les difficultés dès lors qu’elle se retrouve face à des raccourcis facilement empruntables auxquels elle tourne le dos, Rouge est une fiction d’une maîtrise remarquable. Il aurait été facile de tirer à boulets rouges (sans mauvais jeu de mot) sur les puissants patrons qui manipulent, dissimulent et s’arrangent pour faire prévaloir leurs intérêts sans se soucier de la planète et de la santé des gens. Mais la problématique est plus complexe. Bentoumi le sait et il n’hésite pas à mettre les mains dans le cambouis, à rendre ses enjeux mobiles, les déplaçant au gré des points de vue. Oui, l’usine pollue. Il faudrait la fermer. Sauf que dans cette région frappée par la crise et le chômage, la fermer c’est supprimer des centaines d’emplois, c’est plonger des centaines de famille dans la galère, c’est condamner plusieurs villages qui vivent de cette activité. Que faire ? Quelle est la bonne solution ? D’autant que ceux qui savent préfèrent s’en foutre plutôt que de perdre le peu qu’ils ont. Bentoumi n’est ni politicien ni scientifique, alors il se garde bien d’imposer des vérités faciles. Cela ne l’empêche pas d’émettre des pistes à étudier.

Toute l’intelligence de Rouge, outre son refus du prisme unique et lapidaire, c’est de mêler petite et grande histoire, le drame familial et le thriller politique et social. Les deux se nourrissent mutuellement dans un film captivant qui fonctionne à merveille en faisant appel autant au cœur qu’à l’intellect. Le cœur est transpercé par la force de cette magnifique relation filiale entre un père aimant et une fille en difficulté personnelle, relation soudainement perturbée par un dilemme moral menant à un conflit inextricable. L’intellect, lui, est sollicité par la pertinence de la réflexion que déploie ce film-dossier dans la lignée du -différent- Dark Waters de Todd Haynes. En cristallisant ses enjeux autour d’un duel père-fille (dénoncer les mauvaises actions d’une usine polluante revient à dénoncer les mauvaises actions de son père qui a contribué à les couvrir par son silence décennal), Rouge prend une hauteur passionnante en mettant en avant l’idée qu’il est temps que les jeunes générations se mobilisent pour dénoncer les erreurs de celles de leurs pères. Sans forcément les accabler. On peut comprendre tout en (ré)agissant.

Labellisé « Cannes 2020 », Rouge s’inspire du scandale de l’usine Alteo de Gardanne longtemps accusée de polluer la Méditerranée avec ses boues rouges pleines de produits chimiques toxiques. De cet épisode, Farid Bentoumi tire une histoire simple qu’il complexifie à chaque pas du scénario. Formidablement interprété par son duo de comédiens stars, Rouge est à la fois haletant, pertinent, actuel, mais aussi profondément émouvant et tragique. Du grand cinéma dans lequel l’engagement épouse une mise en scène superbement cinématographique.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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