Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : The Falcon and the Snowman
Père : John Schlesinger
Date de naissance : 1985
Majorité : 04 novembre 2015
Type : Sortie vidéo
(Éditeur : Wild Side)
Nationalité : USA
Taille : 2h11 / Poids : NC
Genre : Thriller, Espionnage
Livret de famille : Timothy Hutton (Chris Boyce), Sean Penn (Charlie Daulton Lee), Pat Hingle (Mr Boyce), Joyce Van Patten (Mme Boyce), Richard Dysart (Dr Lee), Priscilla Pointer (Mme Lee), Chris Makepeace (David Lee), Dorian Harewood (Gene), Mady Kaplan (Laurie), Macon McCalman (Larry), David Suchet (Alex), Boris Leskin (Mikhael)…
Signes particuliers : Injustement méconnu, l’un des grands films d’espionnage du cinéma américain, est enfin disponible en Blu-ray, dans une nouvelle version restaurée.
LA DÉSILLUSION DE LA JEUNESSE AMÉRICAINE
LA CRITIQUE
Résumé : Peu après le scandale du Watergate, un jeune homme employé dans l’électronique de pointe et en possession d’informations gouvernementales ultra-secrètes, décide de vendre des renseignements à l’URSS. Il convainc son meilleur ami de traiter avec les diplomates soviétiques de l’ambassade de Mexico. Mais ce dernier multiplie les maladresses et les deux espions en herbe se trouvent bientôt engagés dans un engrenage fatal…L’INTRO :
C’est l’un des très grands films de l’illustre John Schlesinger (avec Macadam Cowboy et Marathon Man) et paradoxalement un classique trop méconnu des années 80. Si les cinéphiles auront tous probablement déjà entendu parler de ce drame d’espionnage passionnant porté à bout de bras par Timothy Hutton et Sean Penn, deux amis à nouveau réunis quelques années après Taps, Le Jeu du Faucon n’aura pourtant jamais eu la chance de s’installer parmi les grands chefs-d’œuvre du cinéma américain. Et pourtant, il l’aurait bien mérité sa place dans ce panthéon. Tourné en 1984 sur un scénario de Steve Zaillan (La Liste de Schindler entre autres), Le Jeu du Faucon est basé sur l’histoire réelle de Christopher John Boyce et Andrew Daulton Lee, deux jeunes citoyens condamnés pour avoir transmis des secrets de la CIA aux Russes dans un contexte de Guerre Froide encore tendu même si le pic de la crise est passé. Steve Zaillan et John Schlesinger prennent certaines libertés d’avec l’histoire du duo surnommé The Falcon and the Snowman (le titre original du film), mais néanmoins, Le Jeu du Faucon s’impose comme une œuvre importante, non seulement pour ses qualités évidentes, mais également pour le commentaire qu’elle délivre sur l’Amérique de l’époque, vu par un cinéaste qui, rappelons-le, est un britannique et non un américain, ce qui lui permet d’avoir une certaine distance dans son regard.L’AVIS :
Avec ce onzième long-métrage, John Schlesinger s’inscrit dans le sillage des grandes œuvres sur des scandales d’espionnage façon Les Trois Jours du Condor, Les Hommes du Président ou encore La Théorie des Dominos. Le cinéaste s’est déjà frotté au genre avec Marathon Man, mais pourtant, il ne fera pas dans la redite et optera pour un contrepied qui déroutera partiellement le public. Schlesinger reprend à son compte un fait divers qui a défrayé la chronique des années 70 et provoqué l’indignation dans un climat où la peur du « péril rouge » n’était pas encore digérée. Il signe un thriller dramatique implacable et captivant, plongeant le spectateur au cœur des rouages de l’espionnage, du contre-espionnage et de la diplomatie, à travers la trajectoire de deux anti-héros espions malgré eux (ou plutôt espions sans croire l’être vraiment) entre excitation d’un « acte de courage » dénonciateur, engrenage fatal et paranoïa. Deux personnages incarnant la nouvelle jeunesse américaine désenchantée de l’époque, auxquels Schlesinger parvient à immédiatement attacher son auditoire. Ce qui est le plus saisissant dans la façon dont le metteur en scène s’y prend pour narrer son histoire, c’est sans conteste la prédominance de l’humain sur « l’affaire », probablement ce qui lui vaudra quelques critiques eu égard au manque d’efficacité du film. En tout cas, une récurrence chez un auteur qui aura toujours privilégié la force des personnages à l’histoire contée, bien qu’il ait si souvent réussi à brillamment conjuguer les deux, sans doute l’une des grandes forces de son cinéma. Optant pour un angle intimiste plutôt qu’un récit scolaire généraliste, Schlesinger ne retrace pas tant le fil d’un scandale à proprement parlé, mais davantage le parcours de deux paumés semi-idéalistes, qui se sont laissés happer par les ramifications du jeu dangereux et complexeauquel ils ont voulu se frotter avec une part d’inconséquence intenable sur la durée, ce qu’ils apprendront à leurs dépends. Comme à son habitude, au détour d’un récit haletant et immersif, Schlesinger délivre surtout un commentaire pertinent sur la société américaine. Cette fois, il pointe du doigt un état mensonger et pernicieux, qui trompe, ment, manipule, et quasiment au grand jour de surcroît, alors que la plupart des citoyens sont au fait de ces agissements aux allures de secrets de polichinelle. Et Le Jeu du Faucon de devenir ainsi l’un des plus beaux films sur la désillusion du peuple envers leurs dirigeants et gouvernements, alors que le scandale du Watergate venait d’ébranler le pays quelques années auparavant (le point de départ du film, d’ailleurs).Incarnant à la perfection l’idéalisme et l’inconscience, soit les deux visages de ce tandem naïf et sacrifié, Timothy Hutton et Sean Penn brillent de mille feux au centre de ce thriller à la fois minutieux et poignant, participant tous deux, dans de larges proportions par leur implication, à la qualité du résultat final d’un film qu’il est bon de redécouvrir aujourd’hui, alors qu’il se double d’un portrait de la défiance d’une génération envers des institutions qui les ont trop souvent déçus. Malgré quelques pistes trop vite dessinées ou expédiées (le conflit père-fils entre Hutton et Pat Hingle, les idéaux revendiqués à l’origine des crimes à venir), Le Jeu du Faucon est une œuvre forte à classer dans la catégorie des regards témoignant du rêve américain écorné devant l’effondrement de l’idéalisme national patriotique. Une œuvre sombre, à l’image du cinéma de Schlesinger, et probablement l’une des plus grandes prestations de Timothy Hutton, trois ans après son sacre aux Oscars (pour Des Gens comme les Autres de Robert Redford), acteur fabuleux qui n’aura sans doute pas connu la carrière qu’il méritait, contrairement à son compagnon de route, Sean Penn.
L’ÉDITION BLU-RAY
Voilà une édition présentant une « version restaurée », et qui ne fait pas semblant. Eu égard à sa qualité, Le Jeu du Faucon méritait ce qu’il y avait de mieux et il l’obtient. L’image de cette édition Blu-ray concoctée par Wild Side est absolument sensationnelle, conservant le grain d’époque tout en affichant une qualité d’échantillonnage parfaite. On se retrouve ainsi face à un pur régal visuel, comme on en souhaiterait plus souvent. En complément du film, la même chose que sur le Blu-ray de Les Envoûtés, autre sortie Blu-ray autour du réalisateur John Schlesinger, à paraître le même jour, à savoir un entretien avec l’incontournable Philippe Rouyer, qui nous fait partager son savoir en matière de cinéma américain. D’une durée d’environ 18 minutes, Jeu d’espions est l’occasion d’écouter le journaliste de cinéma, revenir sur cette oeuvre majeure. Rouyer la replace dans son contexte, dans le cinéma de Schlesinger, établit des parallèles, analyse le fond, livre quelques anecdotes croustillantes (comme la relation orageuse entre le cinéaste et Sean Penn). Plus qu’un entretien, un véritable décryptage passionnant mettant en lumière la valeur de Le Jeu du Faucon.
EXTRAIT :
Par Nicolas Rieux