Nom : Dope
Père : Rick Famuyiwa
Date de naissance : 2015
Majorité : 04 novembre 2015
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 1h45 / Poids : 700.000 $
Genre : Comédie dramatique
Livret de famille : Shameik Moore (Malcolm), Kiersey Clemons (Diggy), Tony Revolor (Jib), Zoë Kravitz (Nakia), Rakim Mayers (Dom), Keith Stanfield (Bug), Blake Anderson (Will), Forest Whitaker (le narrateur), Rick Fox (le conseiller)…
Signes particuliers : Produit par Forest Whitaker et Pharrell Williams, une plongée à la fois drôle et touchante dans les bas-fonds de Los Angeles, en compagnie d’ados follement attachants !
FIXATION EXTRÊME (pardon…)
LA CRITIQUE
Résumé : Malcom fait tout pour survivre dans un quartier chaud de Los Angeles, jonglant entre inscriptions et entretiens pour entrer à l’université. Une invitation à une soirée underground va l’entrainer dans une aventure qui pourrait bien le faire passer du statut de « geek » à celui de mec cool, un « dope », pour finalement être lui-même.L’INTRO :
Le concept des « vraies de journées de merde » où tout part en vrille et où les galères s’alignent les unes sur les autres dans un effet papillon à s’en taper la tête contre les murs, ont toujours inspiré le cinéma, et plus particulièrement la comédie populaire ou le cinéma d’action, qui ont toujours chéri ce ressort narratif vieux comme le septième art. Dope, nouveau long-métrage du cinéaste Rick Famuyiwa, bien connu de la scène indépendante américaine après ses trois précédents réalisations, The Wood, Brown Sugar et La Guerre des Pères, vient quant à lui reprendre le principe pour s’inscrire dans la veine de la comédie dramatique indé à tendance sociale. Produit par la société de Forest Whitaker et par le chanteur à la mode Pharrell Williams, Dope avait connu un accueil plus que chaleureux à Sundance, avant d’être repris à Cannes à la Quinzaine des Réalisateurs. Ce petit délice, narré par la voix grave de Whitaker, s’attache au parcours d’un adolescent noir issu des banlieues chaudes de Los Angeles. Très différents « de tous les autres noirs de son quartier », Malcolm fuit les gangs, fuit les embrouilles, fuit le rap moderne, les grosses bagnoles et tous les autres clichés faciles que l’on prête traditionnellement aux « blacks des ghettos ». Son rêve à lui ? Aller à Harvard. Son quotidien ? Etudier, rester sage et rire avec ses amis, des geeks comme lui, accrocs à la culture des années 90.L’AVIS :
Pour Rick Famuyiwa, le ressort narratif de la journée où tout part à vau-l’eau (ou plutôt d’une poignée de journées cauchemardesques) est le prétexte pour élaborer un teen movie indépendant brassant les mêmes thématiques que la plupart des teen movie indépendants habituels, mais avec une vraie proposition de ton et d’allure, et surtout une visée ultime bien plus profonde, portant un regard grinçant sur la société contemporaine américaine et la façon dont elle considère les jeunes populations noires. Mais attention, n’allez pas croire que Dope est un pensum social inaccessible, lourd et déprimant, en mode pamphlet sociétal austère. A la fois drôle, touchant, frais, énergique et follement distrayant, Dope nous plonge dans les bas-fonds chargés en criminalité de L.A., à la rencontre de cette bande de copains lycéens hautement attachants dont on suit les péripéties avec un entrain salvateur. De vrais geeks, fans de la culture hip hop des nineties, époque où ils auraient aimé naître et grandir et qu’ils vivent à distance aujourd’hui, au risque de paraître ridicules avec leurs fringues démodés, leurs BMX, leur culture musicale déjà rétro et leurs centres d’intérêt à mille lieux de leurs congénères. Si le film brasse quantité de choses déjà-vu mille fois, le passage de l’adolescence à l’âge adulte, les premiers émois amoureux, l’éveil de la sexualité, l’amitié fraternelle, les différences, les rêves de jeunesse etc… Dope a pour lui de ne pas avoir été vu mille fois, justement, et c’est là toute sa force. Petit régal grisant, maniant l’humour avec tact et finesse, même quand il verse dans le gentiment graveleux sans vulgarité, l’effort de Famuyiwa est construit et conduit avec maîtrise et habileté, comme une folle course enivrante contre les évènements qui s’appliquent à les tirer loin de leur monde malgré leur résistance acharnée.Mais l’intelligence du film de Rick Famuyiwa est de ne pas se limiter à une énième comédie dramatique sur les mêmes éternelles turpitudes de l’adolescence. Le cinéaste va et voit plus loin, et dessine le vrai propos de son long-métrage en arrière-plan d’un récit très ludique et enjoué. Le fond de Dope ? Son jeune héros le résume très bien pour nous. N’entrer dans aucune case peut être une bénédiction car cela permet d’avoir un horizon plus large, cela permet de voir les choses avec plus de recul… et peut-être d’en tirer une certaine forme de sagesse et de discernement, et un œil aiguisé sur le monde environnant. Et Dope de parler, au-delà de sa distraction ô combien sympathique qu’il est, des affres de la fracture sociale aux Etats-Unis, des préjugés, de notre rapport à notre milieu social. Nous conditionne t-il obligatoirement ou sommes nous maîtres de nos trajectoires ? Et auquel cas, comment ce milieu qui essaie de nous façonner, va t-il nous influencer dans nos vies, nos aspirations, nos choix et nos destins ? Si quelques longueurs ralentissent cette belle aventure pleine de subtilité et d’acuité, surtout à l’entame du dernier tiers, quand le cinéaste se laisse un peu aller vers une réalisation post-moderne à la Projet X, heureusement pour nous, le coup de moins bien ne dure pas et Famuyiwa se reprend bien, pour ponctuer son travail d’un beau final tout en émotion et en force du message. Non, tous les jeunes noirs des quartiers défavorisés ne sont pas des délinquants agressifs et dangereux. Non, ils ne sont pas tous des futurs trafiquants de dope ou membres de gangs. C’est au final ce que clame Rick Famuyiwa, à l’heure où le cinéma américain exorcise certaines maux de la réalité sociale alors que les préjugés sont responsables de plusieurs drames, comme la mort d’adolescents noirs victimes de bavures policières. On avait eu Fruitvale Station fin 2013, on va avoir Straight Outta Compton prochainement. En empruntant un registre radicalement différent, Dope fait lui-aussi dans le militantisme contre les préjugés raciaux et les clichés encore trop ancrés dans les mentalités. Il le fait juste via une délicieuse histoire adolescente pleine d’humour et de panache. Un amusement intelligent à prendre comme il vient, boosté par la BO d’enfer, supervisée par Pharrell Williams !
LA BANDE-ANNONCE EN VO :
Par Nicolas Rieux