
Nom : After the Hunt
Père : Luca Guadagnino
Date de naissance : 20 novembre 2025
Type : Disponible sur Prime Video
Nationalité : USA
Taille : 2h19 / Poids : NC
Genre : Drame, Thriller
Livret de Famille : Julia Roberts, Ayo Edebiri, Andrew Garfield, Michael Stuhlbarg, Chloe Sevigny…
Signes particuliers : Intelligent dans le fond, raté sur la forme.
Synopsis : Une professeure d’université est confrontée à un tournant personnel et professionnel lorsqu’une étudiante brillante porte une accusation contre l’un de ses collègues, tandis qu’un sombre secret de son propre passé menace d’être révélé.

PROCÈS DE L’ÉPOQUE
NOTRE AVIS SUR AFTER THE HUNT
Il ne chôme pas Luca Guadagnino. Après son déplorable Queer en début d’année, l’Italien est déjà de retour avec After The Hunt, un thriller dramatico-psychologique à découvrir sur Prime Video et porté par une séduisante distribution réunissant Julia Roberts, Andrew Garfield, Ayo Edebiri (The Bear) et Michael Stuhlbarg.
Dévoilé en avant-première à la Mostra de Venise, After The Hunt suit une professeur de philosophie de la prestigieuse université de Yale (excellente Julia Roberts) qui se retrouve dans une situation inextricable quand l’une de ses plus chères étudiantes porte des accusations graves sur l’un de ses collègues et proche ami. Alma Imhoff ne sait qui croire, qui écouter, qui conseiller. La situation empire quand elle est prise de fortes douleurs au ventre et qu’un secret personnel de son passé menace de remonter à la surface.

Avec After The Hunt, Luca Guadagnino s’empare d’un vaste débat d’actualité quant à la nouvelle place de la femme dans la société, la poussée de l’inclusivité, le renversement actuel du patriarcat séculaire et des codes identitaires et toutes les conséquences que génère un tel bouleversement sociétal progressiste aussi brutal que nécessaire. Le père de Call Me By Your Name pose des questions passionnantes dans son entreprise très portée sur un regard philosophique, idéologique, sociologique et anthropologique. Beaucoup de choses en ique qui viennent malheureusement se bousculer dans un magma très bavard… dans le mauvais sens du terme. Guadagnino formule tout cela dans un pseudo thriller dramatique aussi mou du genou que parfois ridiculement mis en scène. A quoi sert ce clin d’œil évident aux génériques de Woody Allen ? Un tacle déguisé envers une figure controversée par le féminisme ou un hommage étonnant à son style ? Et pourquoi ce ton semi-hitchcockien péniblement surligné par la musique « suspen-isante » du tandem Trent Reznor & Atticus Ross ?
De base, Guadagnino s’embarque sur un sentier boueux et très glissant dont il sera extrêmement difficile de se sortir sans dégâts. Mais l’une des choses intelligentes à mettre au crédit du cinéaste (et au scénario), c’est qu’il ne cherche pas à établir une vérité sur l’affaire. S’il est bien question de vérité, le film s’attache surtout à montrer à quel point elle est difficile à aller chercher dans pareille situation. After the Hunt reste ainsi flou, d’un bout à l’autre. Ce qui intéresse Guadagnino, ce n’est pas tant le volet judiciaire de l’affaire mais les conséquences de l’après-révélation. Comme l’annonce le titre, le propos (épineux) se porte sur « l’after the hunt » (soit « après la chasse » donc).

After the Hunt joue la carte du film qui veut explorer en profondeur son sujet tout en faisant évoluer en sous-main son suspens. L’étudiante a t-elle vraiment été violée ou ment-elle pour protéger certains secrets compromettants ? L’accusé est-il déjà condamné quoiqu’il fasse, rien que sur la foi d’une telle accusation destructrice ? Et prendre parti ou non, pour l’un ou pour l’autre, Alma a t-elle seulement une chance de ne pas être éclaboussée par cette affaire qui tempête trop fort tout autour d’elle ? À travers ces questions, Luca Guadagnino explore les dynamiques de pouvoir, la peur qui fige tout le monde autour de la crainte d’être aspiré par les éclaboussures du scandale, le risque de griller un possible avenir en s’opposant au patriarcat, le danger des jugements hâtifs dans une société qui ne sait plus si elle doit anticiper, préserver, se méfier, composer… au risque de se tromper ou de ne pas faire ce qu’il faut. En creux, Guadagnino parle aussi féminisme et non sans discernement d’ailleurs. La révolution féministe est en marche mais quelles sont les conséquences de sa logique virulence ? Témoin, cet échange très intéressant lors d’une discussion inaugurale entre intellectuels, où l’on demande à une femme s’il ne serait pas concevable qu’elle décroche un poste voulu et rêvé parce qu’elle est une femme dans un contexte actuel adéquat ? Loin de Guadagnino l’idée de dénoncer le phénomène mais plutôt de s’interroger sur des questions de considérations. Le regard masculin ne risque t-il pas, désormais plus insidieusement, de continuer à sous-légitimer les femmes en attribuant leur succès à un contexte révolutionnaire plutôt qu’à leur réel mérite, déplaçant ainsi le problème originel ailleurs ?

Des idées thématiques, des réflexions de sociétés, des pistes de débats pertinents, il y en a beaucoup dans After the Hunt. Trop peut-être, surtout pour un scénario qui est le premier de son auteure. De fait, le film semble ne pas avoir les épaules pour supporter ses gigantesques ambitions interrogatrices. La problématique est qu’à vouloir explorer autant de sujets et de points de vue qui s’affrontent, After the Hunt se retrouve dans jonché sur un équilibre trop précaire. Il essaie de traiter avec consistance sans sombrer dans le résumé artificiel mais on tient difficilement une thèse de cette ampleur en deux heures. Surtout quand l’on doit aussi faire vivre un film autour. C’est d’ailleurs lui qui en pâtit le plus. Autour des débats, la narration d’After the Hunt, elle, sombre bel et bien dans le laborieusement poussif. Et avec elle, le film se perd dans ses propres méandres. Certains y ont vu une charge contre le mouvement MeToo (normal, le film est une ligne de crête audacieuse), d’autres un film indéniablement féministe et engagé. Preuve d’une lisibilité contrariée. C’était sûrement le prix à payer quand on esquisse les prismes d’un procès sans intentions. After the Hunt approche un sujet trop dense pour se permettre une telle audace de totale neutralité, et au final pas grand-chose ne fonctionne, ni l’histoire (ennuyeuse), ni le cœur du propos (confus).
Par Nicolas Rieux