Mondomètre
Carte d’identité :
Nom : Brimstone
Père : Martin Koolhoven
Date de naissance : 2016
Majorité : 22 mars 2017
Type : Sortie en salles
Nationalité : Danemark
Taille : 2h25 / Poids : NC
Genre : Western, Thriller
Livret de famille : Guy Pearce, Dakota Fanning, Kit Harington, Carice van Houten, Emilia Jones, Paul Anderson, Ivy George…
Signes particuliers : Entre la réussite et l’échec, un film qui a le mérite d’être hors normes.
UN TRAQUEUR SACHANT TRAQUER…
LA CRITIQUE DE BRIMSTONE
Résumé : Dans l’Ouest américain, à la fin du XIX siècle. Liz, une jeune femme d’une vingtaine d’années, mène une vie paisible auprès de sa famille. Mais sa vie va basculer le jour où un sinistre prêcheur leur rend visite. Liz devra prendre la fuite face à cet homme qui la traque sans répit depuis l’enfance…
Le nom de Martin Koolhoven ne dira probablement pas grand-chose à beaucoup de monde. Pourtant, le gaillard est tout sauf un débutant. Sa carrière de réalisateur, Koolhoven l’a commencé il y a près de 25 ans, du côté de sa Hollande natale. Ce qui explique sans doute qu’il puisse se permettre aujourd’hui, d’ouvrir son dernier long-métrage à la manière légèrement mégalo d’un Carpenter : Koolhoven’s Brimstone. Le cinéaste s’empare d’un genre profondément enraciné dans la culture américaine et sa grande tradition cinématographique. Mais peut-être parce que son imagerie est particulièrement puissante, ou peut-être parce que son illustration a nourri des générations entières de cinéphiles à travers le globe, le western et ses grands espaces ne sont depuis longtemps, plus l’apanage du seul pays de l’Oncle Sam. On se souvient tous des grandes heures du western italien, mais on pourrait également citer des œuvres plus récentes tel que le danois The Salvation avec Mads Mikkelsen ou le splendide Blackthorne de Mateo Gil.
Avec Brimstone, Martin Koolhoven signe une œuvre bicéphale, sorte de grande fresque tarée et hors normes, dévorée par ses ambitions, sa violence, son iconographie et sa recherche d’un lyrisme flamboyant et abominablement horrifiant. Européen dans l’âme, américain de cœur, Brimstone est autant un western ultra-violent, qu’un thriller sous tension et un survival hard-boiled à la lisière du cinéma d’horreur, tant sa radicalité ne s’embarrasse d’aucune limite et n’épargne aucun plan gore au spectateur. Sur le fond, Brimstone s’apparente à une épopée américaine plongeant le spectateur dans la rudesse du Grand Ouest américain du XIXème siècle. Mais sur la forme, le film de Koolhoven quitte les codes du genre à l’américaine, sa violence sans concessions qui illustre le calvaire de cette jeune femme angélique inlassablement traquée par un sinistre prêcheur aux allures de redoutable psychopathe tout droit sorti d’un lointain cauchemar, l’amenant dans une dimension viscérale qu’il aurait été impossible de reproduire dans le moule d’un cinéma américain trop puritain pour soutenir pareil supplice. Brimstone a beau être un western, sa dimension horrifique férocement balancée à l’écran, le porte vers quelque chose de différent, vers quelque chose de presque nouveau si le film n’affichait pas autant ses innombrables inspirations, parmi lesquelles on citera La Nuit du Chasseur de Charles Laughton, Les Nerfs à Vif de Martin Scorsese, Impitoyable de Clint Eastwood, Vorace d’Antonia Bird ou encore Le Grand Silence de Corbucci et on en passe.
Mais en réalité, le problème de Brimstone n’est pas tant sa propension à se soumettre aux films qui l’ont nourri. Son réel problème, c’est qu’il est foncièrement capable du meilleur comme du pire, les deux s’harnachant souvent l’un à l’autre dans une dichotomie portant l’œuvre vers une agaçante sensation d’étrange « bancalité ». Pour chaque qualité, un défaut caché en embuscade, et vice versa. Pour le récit voulu puissant d’une cavale tragique, une étonnante absence d’émotions alors que l’horreur humaine éclabousse l’écran. Pour l’immersion intense et haletante dans cette traque cruelle et tétanisante, de longueurs terribles menant le film vers une durée pesante et interminable (plus de 2h20 quand même). Et ainsi de suite. Pour de belles images splendidement photographiées, une musique insupportable d’omniprésence, pour des plans déments shootés avec un talent dingue, une prétention flirtant avec le nombrilisme artistique, pour des scènes viscérales n’hésitant à pousser le bouchon jusqu’au hardcore inconfortable, des dérives vers la complaisance gratuite… Brimstone est comme ça, porteur de ces innombrables fractures dans son essence profonde, toujours à cheval entre le fabuleux et le décevant, entre l’audace et l’exagération, comme quand il étale des scènes foutrement iconiques, auxquelles viennent répondre leurs cousines plus grotesques (le film par exemple), ou comme quand il voit sa construction chapitrée, passer du coup narratif un brin pompeux, à la bonne idée payante… avant de lasser.
Au final, Brimstone a cette fâcheuse tendance à vouloir toujours trop bien faire, et ainsi à pêcher par excès de tout. Excès de mise en scène, excès de sur-maîtrise, excès d’écriture, excès de longueur, excès de lyrisme, excès d’inconfort horrifiant. Autant de choses qui font vriller sa folie narrative et sa virtuose somptuosité, brisant son envol, et le nôtre par la même occasion, alors que l’on aurait adoré pouvoir se laisser absorber par ce jeu du chat et la souris à l’habile chronologie fonctionnant à rebours. Néanmoins, si Brimstone souffre de beaucoup de tares, et si sa longueur est un frein pas négligeable, reste une tentative sacrément burnée, quelque part entre le western dramatiquement désespéré et le thriller horrifique rageur et halluciné, dominé par un flippant Guy Pearce, aussi abominable qu’est angélique, sa pauvre victime d’une vie, incarnée par la revenante Dakota Fanning.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux