Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Birdman
Père : Alejandro Gonzalez Iñarritu
Date de naissance : 2014
Majorité : 25 février 2015
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 1h59 / Poids : 22 M$
Genre : Comédie dramatique
Livret de famille : Michael Keaton (Riggan Thompson), Zach Galifianakis (Brandon), Edward Norton (Mike Shiner), Naomi Watts (Lesley), Emma Stone (Sam), Amy Ryan (Sylvia), Andrea Riseborough (Laura), Lindsay Duncan (Tabitha)…
Signes particuliers : Chef d’oeuvre, vous avez dit chef d’oeuvre ? La perfection a désormais un nom.
BIRDMAN S’ENVOLE AU-DESSUS DU CINÉMA
LA CRITIQUE
Résumé : À l’époque où il incarnait un célèbre super-héros, Riggan Thomson était mondialement connu. Mais de cette célébrité il ne reste plus grand-chose, et il tente aujourd’hui de monter une pièce de théâtre à Broadway dans l’espoir de renouer avec sa gloire perdue. Durant les quelques jours qui précèdent la première, il va devoir tout affronter : sa famille et ses proches, son passé, ses rêves et son ego… S’il s’en sort, le rideau a une chance de s’ouvrir…L’INTRO :
Des Oscars aux BAFTA, des Golden Globes à la Mostra de Venise, en passant par les Independant Spirit Awards ou les Director’s, Screen Actors, et Producers Guild of America Awards, Birdman, le nouveau long-métrage d’Alejandro Gonzalez Iñarritu, est le film dont tout le monde en parle en ce début d’année 2015. Et il y a une raison à cela. Fort d’une carrière jusque-là lardée de récompenses récoltées au gré des Amours Chiennes, 21 Grammes, Babel ou Buitiful, le cinéaste mexicain vient tout simplement de signer son meilleur film. Son chef d’œuvre, si tant est que ses précédentes œuvres n’en étaient pas déjà. Le nom du ressuscité Michael Keaton est sur toutes les lèvres, Emma Stone, Edward Norton, Naomi Watts, Zach Galifianakis, Andrea Riseborough ou encore Amy Ryan sont aspirés par le vortex d’une œuvre portée aux nues. Oui, en s’inspirant librement d’une nouvelle de Raymond Carver (Parlez-moi d’amour), Alejandro Gonzalez Iñarritu vient de frapper un très très grand coup. Birdman ou (la surprenante vertu de l’ignorance), dans son titre complet, est un film dont on parlera encore dans dix ans, vingt ans, et au-delà.L’AVIS :
Fable tragi-comique quasi en huis-clos dans et autour d’un théâtre, où doit se jouer prochainement Parlez-moi d’amour de Carver sous la direction d’un ancien acteur de film de super-héros tentant de relancer sa carrière fanée à Broadway, Birdman est un chef d’œuvre avec un « C » majuscule. Et les lettres qui suivent aussi. Un CHEF D’ŒUVRE donc, devrait-on écrire pour être plus juste. Une œuvre méta richissime aux ramifications infinies, où les couches d’inspiration et d’analyse se superposent les unes sur les autres, dans un maelström d’intelligence sans limites, sans barrières, long-métrage à la fois inclassable et sans attaches, survolant la production actuelle, libre comme l’air, en se laissant porter par le génie, la grâce, et la perfection de sa conception fascinante et définitive.Plus qu’un simple portrait critique du monde du spectacle dans toute son entièreté, Birdman va au-delà de cette vision première qui n’est que sa fine couche pelliculaire qui enrobe toute sa richesse thématique. Le film d’Iñarritu évoque bien sûr les petits travers de ce microcosme fait d’acteurs à succès ou dans le creux, fous ou rêveurs, fragiles ou mégalo, de metteurs en scène angoissés, d’auteurs pompeux, de critiques cyniques, d’argent, d’égoïsme, d’art et de divertissement, et tout ce qui va avec. Mais il développe par-delà cette façade qui lui confère son comique délicieusement acerbe, une subtile réflexion sur le pouvoir de l’illusion, sur l’égo alimenté par les petits succès, sur l’acte de création. Il s’interroge sur l’essence même de l’artiste schizophrène, et par extension sur l’existence en général, sur la trace laissée par notre passage sur terre, sur l’amour, sur l’art, au sens artistique, mais aussi sur l’art de la représentation, l’art de jouer sa vie, l’art de paraître… Au fond, en grattant le vernis de ses innombrables thématiques, Birdman se révèle être avant tout, l’histoire d’une quête existentielle profonde réfléchissant avec acuité sur la condition humaine, sur le masque que l’on porte en société. Au final, chaque personnage de Birdman porte un masque qui trahit son moi intérieur. Iñarritu irait-il se promener sur les terres d’un Lars von Trier lorsqu’il accouchait de son joyau Melancholia ? Oui et non. Oui en ce sens que les deux films partagent des questionnements communs. Non, car à la différence du danois, le metteur en scène mexicain livre un film lumineux, à l’extrême opposé de son très (trop) sombre Biutiful, il y a quatre ans, et à l’opposé du film de von Trier.Film total dont l’ampleur majestueuse impressionne, Birdman est l’œuvre presque ultime et crépusculaire d’un cinéaste qui touche du doigt le divin en livrant une perle inspirée, sublime, rageuse, à sa manière, du moins. Chaque séquence, chaque scène, chaque image, traîne dans son sillage sa charge de symboles et de vérités. Tout peut y être fantasmé, décortiqué, analysé, révélant ainsi l’incroyable virtuosité narrative et formelle d’une œuvre qui conjugue sans cesse la forme et le fond, tout en ayant cette capacité rarissime de sans cesse réfléchir sur elle-même, sur ses composantes, sur le cinéma en général dans toutes ses multiples définitions.Birdman est une tragédie drolatique sur la vie, sur les aspirations, sur le vrai soi qui se cache derrière le jeu de représentation que l’on élabore en société. Mais le talent réel d’Iñaritu, est de parvenir à ce résultat étourdissant sans jamais être nombriliste, pompeux, dogmatique ou hautain. Il le fait avec une maîtrise affolante et géniale, au sens premier du terme, à travers un film jouissivement cabotin, utilisant le cynisme et l’ironie pour mieux les retourner contre eux-mêmes, recourant à la douce moquerie pour mieux disséquer les sujets qu’il aborde. Et tout cela dans une farce hautement divertissante, ludique, amusante, qui régale à chaque instant, ne brillant de mille feux pour son audace, son brio, sa créativité sans bornes, à l’image de cette truculente manière de détruire les artifices rhétoriques, qu’ils soient narratifs ou de mises en scène, pour les intégrer dans la diégèse en visant le super-réalisme, le film vrai et authentique, qui abat les cloisons entre le spectateur et l’art, entre le spectateur et le monde du spectacle (comme la bande originale, à même l’image). Brillant et virtuose, Birdman est un film qui tombe les masques (que de références directes ou cachées à ce sujet !).C’est sans prétention aucune qu’Alejandro Gonzalez Iñarritu signe un film qui s’envole au-dessus du cinéma. Au-dessus des qualificatifs de « chef d’œuvre » ou de « grand film ». Sans doute l’une des œuvres les plus incroyables de ces dix dernières années, tour à tour hilarante, cruelle, psychologique ou poignante. Un film à la cinéphilie fabuleuse, réunissant Melancholia, Black Swan ou encore Mulholland Drive dans une synthèse magistrale, réalisée au travers d’un tour de force rappelant le pari dément d’Alfred Hitchcock avec La Corde. En plan séquence de sa première à sa dernière minute, la caméra d’Iñarritu virevolte, se balade, se pose, repart, se tourne, se retourne, entre, sort, suit, s’engouffre, sans jamais s’arrêter, déambulant dans les coulisses symboliques de ce petit théâtre de la vie, suivant avec une délicatesse aérienne digne d’un ballet filmique, des comédiens en état de grâce. Comment refuser l’Oscar à Michael Keaton, saisissant à chaque instant ? Comment ne pas vanter la performance puissante d’Emma Stone ? Comment ne pas s’attarder sur les prestations étincelantes de Naomi Watts ou de Edward Norton ? Même les seconds rôles (Zach Galifianakis ou Andrea Riseborough) existent avec force dans cette vibrante déclaration d’amour au cinéma.Habité par une maîtrise affolante, maniant avec adresse le mélange des genres allant même jusqu’à toucher du doigt le fantastique, porté par des étoiles incarnant plus que des rôles (l’écho entre la carrière de Michael Keaton et son personnage dans le film est évident), soutenu par un humour noir ravageur le rendant ludique et agréable (avec son excitation grinçante autour de l’univers des super-héros), tout en renfermant une substance mirifique dont on ne pourrait pas faire le tour en quelques paragraphes, Birdman est une œuvre salvatrice et pleine d’espoir. L’espoir que le cinéma a encore de très grandes choses à dire, à faire, à livrer. Un film focalisé sur un milieu très précis et pourtant, qui s’avère être d’une universalité absolue dans ses questionnement sur l’être humain, ce grand acteur de sa propre vie. Et vous, quel est la couleur du masque que vous portez au quotidien ? Définitivement, une œuvre majeure à ranger aux côtés des plus grandes réussites de la décennie. Dieu qu’il va être difficile de retourner à la normalité du cinéma, maintenant. Merci monsieur Iñarritu.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux
Comme c’est bien dit! Je suis aussi dithyrambique que vous sur ce film magistral. Je trouve juste que vous parlez peu du choix de la pièce d’après Carver, un auteur exceptionnel qu’Innaritu n’a pas choisi au hasard. L’amour et ses différentes formes sont, pour moi, au centre du film comme de l’oeuvre de Carver. Et toutes les manipulations qui en découlent (N’y a-t-il pas un sdf qui récite un passage de L’Idiot de Dostoïevski?). Un tout grand film que je vais m’empresser d’aller revoir.
C’est tout bien résumé! je meurs pour le revoir!